Dans la brume, l’humain au centre de la science-fiction

Genre prolifique outre-atlantique, la science-fiction reste plus timide en France mais n’empêche pas certains réalisateurs de s’y tenter. C’est le cas du québécois Daniel Roby, qui installe à Paris son film Dans la brume, un récit de science-fiction où la ville est envahie d’une brume mortelle.

Mathieu (Romain Duris) et Anna (Olga Kurylenko) vivent à Paris avec leur fille Sarah (Fantine Harduin), atteinte d’une grave maladie qui la contraint à vivre dans une bulle de verre géante. Un jour, une brume épaisse s’empare des rues de Paris et provoque la mort quasi-instantanée de ceux qui l’inhalent. Les quelques survivants se retrouvent coincés sur les toits, tandis que la jeune fille elle se retrouve seule, dans sa bulle, au milieu de la brume.

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Le point de rupture

Film catastrophe, Dans la brume nous invite à découvrir la lente agonie d’une ville condamnée. Paris n’est plus que l’ombre d’elle-même, au bruit et à la fête fait place le calme inquiétant d’une brume qui ne laisse aucune chance à ceux qui s’en approchent. Avec des secours étonnamment absents, les quelques survivant(e)s doivent faire avec les moyens du bord : essayer de retrouver un peu d’électricité pour alimenter la bulle qui permet à la fille de survivre, mais aussi des masques à gaz pour traverser la brume, et éventuellement trouver de l’aide. Le film de Daniel Roby innove dans le domaine de la science-fiction en abordant non pas l’origine et les causes de cette brume, mais plutôt ses conséquences à l’échelle d’une ville voire d’un pays. Au-delà de la simple histoire des quelques survivant(e)s, Dans la brume nous fait envisager tous les dysfonctionnements consécutifs à l’arrivée d’un nuage aussi toxique. Phénomène naturel, on ne peut évidemment que penser à l’environnement et l’écologie, on voit ici la terre reprendre ses droits et en quelques heures détruire toute une ville. Partant d’une catastrophe, on atteint rapidement le « point de rupture » où toute la société se délite. Avec un événement aussi imprévisible que mortel, les secours, l’armée, les hôpitaux et la police ne sont plus que de vagues souvenirs : tous les fondements de « l’ordre » tel qu’il est conçu dans notre société sont remis en cause et les habitants qui ont pu avoir accès aux toits se retrouvent livrés à eux-mêmes. Humaniste, le film nous montre l’abnégation de deux parents prêts à affronter des horreurs pour lesquelles rien ne les préparait, et ce dans l’unique but de sauver leur fille, elle qui déjà peinait à survivre dans un contexte « normal ».

Romain Duris et Olga Kurylenko incarnent avec justesse ces deux personnages sur qui semble tout reposer. Avec une situation catastrophique et aucune véritable issue, les deux s’embourbent dans l’épaisse brume avec l’espoir de trouver de quoi faire sortir leur fille de la bulle. Et c’est là que le film se révèle le plus intéressant, tant dans l’exploration d’un Paris vidé de ses habitants que dans la tension inhérente à un environnement toxique. La brume devient un outil pour le réalisateur qui s’en sert avec brio pour dissimuler le danger à chaque coin de rue, mais aussi pour insister sur cette ambiance oppressante alors que les personnages sont dépendants de leurs (maigres) réserves d’oxygène. Mais dans la galerie de personnages on trouve aussi les petits vieux les plus mignons de l’histoire de la science-fiction : Colette et Lucien, incarnés par Anna Gaylor et Michel Robin. Deux personnes qui, alors qu’elles auraient pu habituellement pester contre le fait de vivre au dernier étage malgré leur état de santé et difficulté à monter les escaliers, sont désormais les chanceux dont l’appartement n’a pas été envahi par la brume. Le couple de retraités accueille leurs voisins et prennent soin, eux aussi, de la jeune fille restée enfermée. Tous ces personnages réunis semblent former une famille et c’est leur manière d’affronter le danger, Dans la brume ne tombant jamais dans le cliché du héros survivant et extrêmement fort. Les personnages parviennent à accomplir des exploits car ils ne sont (presque) jamais seuls.

La fin d’une société

En toile de fond de cette aventure humaine se joue aussi la survie d’un pays : des émeutes qui semblent éclater au loin dans les hauteurs de Paris, des survivants prêts à tout pour s’en sortir… Dans la brume nous montre une science-fiction violente et sans pitié. Le film se révèle presque angoissant tant il est convaincant dans son propos, sa manière de montrer la facilité avec laquelle une société que l’on croyait parfaitement organisée peut s’écrouler sur elle-même. Pourtant le film reste assez convenu et attendu, mais son exécution en fait un bon film de genre. Le fait qu’il soit relativement prévisible n’enlève rien aux qualités du film, même si on aurait peut-être aimé qu’il prenne un peu plus de risques et aille un peu plus loin dans l’idée, exprimée par le héros, que la société a atteint un point de non retour. Au final le film reste avant tout une aventure humaine et offre au genre de la science-fiction une œuvre intéressante, crédible et surtout très proche de nous.

Cette proximité entre le spectateur et le film, au-delà du fait qu’il s’agisse d’un film de science-fiction installé dans nos contrées, s’explique aussi par le fait que tout est relativement vraisemblable : de ce qui semble être une catastrophe naturelle au comportement des personnages, la manière qu’a le réalisateur d’aborder la science-fiction est résolument humaine et pleine de bon sens. Si le film tire véritablement tout son potentiel dans son dernier tiers, le reste est tout de même de bonne facture et offre une ambiance oppressante particulièrement réussie. Un bon divertissement qui prouve, si nécessaire, qu’on peut aussi faire de la bonne science-fiction en France.

4 commentaires sur “Dans la brume, l’humain au centre de la science-fiction

  1. J’étais curieuse de savoir ce que pouvait donner ce film, et j’ai l’agréable surprise depuis quelques jours de tomber sur des avis plutôt positifs, et je trouve ça chouette ! à voir donc 🙂

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  2. Je suis étonné mais entre la bande-annonce et ta critique, j’ai très envie de voir ce film. J’adore les films catastrophes en général et là, malgré le fait qu’il soit français et clairement inspiré de The Mist, ça m’a l’air plutôt réussi !

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    1. Très franchement, il n’a de The Mist que la brume :D Absolument rien à voir sur le reste, si ce n’est que l’on parle de survie.
      J’espère qu’il te plaira autant qu’à moi !

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