Vivarium, la crise des trentenaires

Aussi intriguant qu’inattendu, Vivarium a pourtant pointé le bout de son nez au pire moment possible. Ce thriller confiné réalisé par Lorcan Finnegan est en effet sorti, hasard du calendrier, six jours avant la décision du confinement généralisé en France en mars dernier. Si l’ambiance du film renvoie directement les spectateurs à leur propre condition de ces derniers mois, il surprend aussi par sa manière d’aborder la crise des trentenaires dans un univers quasi-horrifique où les injonctions à la vie parentale deviennent le motif pour leur faire traverser les pires horreurs.

Un couple de trentenaires décide de passer une nouvelle étape dans leur vie commune : s’acheter une maison. Un choix qui les pousse à entrer dans une petite agence immobilière où ils sont reçus par un agent tout ce qu’il y a de plus inquiétant, avant d’être pris au piège d’un lotissement duquel ils ne semblent jamais pouvoir trouver la sortie.

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© Vivarium, 2020, The Jokers

La liberté de choisir sa vie

30 ans, en couple mais sans enfant : le début de tous les périls. Vivarium nous invite dans la petite vie sans histoire de Tom et Gemma, incarnés par Jesse Eisenberg et Imogen Poots. En quête d’un renouveau, ils se retrouvent né à né avec une curieuse maison présentée par un agent immobilier non moins étonnant. Dans un lotissement tout neuf et composé de centaines de maisons parfaitement identiques, le couple s’élance à l’intérieur de la bâtisse verte et y découvrent un monde terriblement lisse. Ni vraiment chaleureuse ni séduisante, ils ne pourront pourtant pas s’échapper de cette maison. Car Vivarium est tout ce que l’on attend d’un thriller aux tendances horrifiques : une situation initiale inquiétante, des personnages perdus et surtout une multitude de questions qui ne trouveront peut-être pas réponse. Confinés dans ce lotissement dont ils ne peuvent s’échapper, le couple se retrouve rapidement avec un bébé sur les bras. Le réalisateur Lorcan Finnegan nous saisit dès les premiers instants, de sa scène d’ouverture à la découverte du lotissement, l’apparente innocence se trouve sous le poids d’une tension qui annonce le pire. Mais le réalisateur irlandais ne fait pas que de l’horreur : il nous raconte l’histoire d’une jeunesse qui se cherche.

La vie de Tom et Gemma est celle de beaucoup de trentenaires qui vivent déjà en couple. La question de la parentalité se pose irrémédiablement sous l’injonction d’amis ou des familles un peu trop intéressées par des questions très personnelles, et l’idée de se retrouver responsables d’un être vivant devient particulièrement difficile à imaginer. Soucieux de vivre leur vie comme bon leur semble nos héros voulaient échapper au petit quotidien, mais ce lotissement les prend au piège et les oblige à vivre une vie bien rangée : une jolie petite maison avec son jardin, un enfant dont il faut s’occuper et une vie de couple sans folie. Le réalisateur se révèle particulièrement malin dans sa manière de mettre en scène ce quotidien, faisant de la prétendue « normalité » une source d’angoisse et d’horreur. Peu à peu, les deux personnages s’enfoncent dans l’artificiel d’une vie qui ne leur correspond pas, alors que ceux qui les tiennent en « otage » se délectent certainement de leur déchéance. Avec un ton et une ambiance très maîtrisée, la force du film réside essentiellement dans sa faculté à décliner les codes du thriller horrifique pour les appliquer au banal du quotidien, transformant ses personnages en pure caricature entre le « mari » qui fait ses trucs dans le jardin pendant que la « mariée » joue à la femme au foyer.

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© Vivarium, 2020, The Jokers

Les beautés du quotidien

Mais surtout, c’est les nuances visuelles du film qui étonnent. Ses couleurs, du vert de la maison à l’ambiance terne de son intérieur, où le chef opérateur s’est certainement amusé en opposant le chaos de la maison au calme apparent de rues vides où tout se ressemble. Désert, le lotissement offre un beau contraste avec l’intérieur de la maison où les trois êtres semblent déjà être de trop pour se supporter, alors que chacun est pris au piège d’une vie sans distraction. J’ai également énormément aimé les perspectives et les plans qui se réinventent régulièrement pour enfoncer toujours plus ses personnages dans l’horreur, jusqu’à ce que la caméra profite d’une liberté totale dans la dernière partie du film où tout s’envole pour créer un climax terrifiant.

Sacrément angoissant mais prenant, le thriller confiné de Lorcan Finnegan manie les nuances avec force pour offrir une vue terrifiante sur une réalité qu’on aimerait ne jamais vivre, alors que l’injonction à la parentalité devient source d’anxiété pour deux trentenaires qui ne peuvent s’échapper de leur pire cauchemar.

2 commentaires sur “Vivarium, la crise des trentenaires

  1. Oh, tu m’as totalement vendu le film. J’adore quand l’horreur est l’allégorie aussi appuyée d’un phénomène de société. D’ailleurs, ça me fait penser que je n’ai toujours pas vu Get Out.

    Ce n’est que mon avis, mais l’idée d’être marié, d’avoir un enfant et une maison, avant 30 ans, est devenu une pression vraiment illusoire de nos jours.

    Certains en rêvent et y arrivent et je respecte cela, mais quand je vois ma famille ou mes amis, ce n’est plus la priorité des jeunes, ou du moins, la durée des études, le coût de la vie, le fait de devoir voyager pour trouver un emploi, ou le rapport aux autres a tellement évolué que c’est devenu difficile à mettre en place.

    Et pourtant, oui, les parents et les grands-parents continuent à s’attacher à ce modèle. Les parents rêvent toujours d’avoir le fameux premier petit-enfant. C’est difficile de leur en vouloir, sauf quand ils commencent à vouloir contrôler la vie de leurs enfants, ou à mettre une pression. Là ça devient problématique.

    Et je ne vais pas me lancer dans le sujet de l’hétéro-normalité sinon la digression n’en finira plus.

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    1. Ravi de t’avoir donné envie de le voir !

      C’est la même pour moi : j’approche dangereusement de la trentaine, mais certaines personnes de la famille (heureusement pas mes parents) ne cessent jamais de ressasser le fameux « et les amours ? et fonder une famille ? » qui me déprime au plus haut point. Laissons nous le temps de vivre et de faire ce qu’on a envie :D
      C’est aussi ça qui m’a beaucoup plus avec Vivarium, car il se sert des codes du thriller et de l’horreur pour raconter une chose qui touche plein de monde. Comme Get Out oui, en moins horrifique, ou comme Mother (mais sans la religion).

      Aimé par 1 personne

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