The Night Of, descente dans l’enfer judiciaire américain

The Night Of est une mini-série créée par Richard Price et Steven Zaillian sur HBO. Cette adaptation de la série britannique Criminal Justice s’intéresse à la vie brisée d’un étudiant américain d’origine pakistanaise, qui semble avoir été accusé à tort du meurtre d’une jeune femme.

Nasir « Naz » Khan (Riz Ahmed) est un étudiant vivant à New York, il s’agit d’un étudiant modèle qui fait la fierté de ses parents. Il prévoit de se rendre à une fête avec l’un de ses amis un soir, mais ce dernier qui devait venir le chercher en voiture lui fait faux bond. Naz est donc contraint d’emprunter le taxi de son père pour se rendre sur place. Sur sa route alors qu’il se perd dans le centre de New York une jeune femme entre dans son taxi en pensant qu’il est en service, et malgré sa réticence initiale il décide de la ramener chez elle. La soirée évolue de manière inattendue avec la jeune femme mais se transforme en cauchemar lorsqu’il se réveille à ses côtés alors qu’elle a été sauvagement poignardée. Il prend peur et s’enfuit, mais la police ne va pas avoir du mal à le trouver et il devient rapidement l’unique suspect du meurtre. Seul l’avocat raté, John Stone (John Turturro) va essayer de comprendre ce qu’il s’est réellement passé.

Le piège du système judiciaire

Avec Steven Zaillian, scénariste de La Liste de Schindler ou de Gangs of New York, et Richard Price, scénariste de The Wire, on pouvait s’attendre à une histoire forte et c’est bien le cas. La série verse dans le réalisme, elle dépeint avec brutalité la descente aux enfers de ce jeune sans histoire qui à cause d’un mauvais choix (celui d’accepter une cliente en taxi, alors qu’il n’est ni en service, ni chauffeur de taxi lui-même) voit sa vie complètement bouleversée. Le jeune homme aimé qui faisait la fierté de ses proches est devenu le suspect numéro un dans le meurtre sauvage d’une femme, ou plutôt le coupable idéal, car la police n’a pas besoin d’aller enquêter : tout pointe vers lui. L’arme du crime est dans son manteau, son sang se trouve dans l’appartement et il a résisté à son arrestation. Le meurtre semble prémédité et lorsqu’il dit qu’il ne se souvient pas de ce qu’il s’est passé (à cause de la drogue prise ce soir-là) personne ne le croit vraiment. Ses avocats eux-mêmes doutent et tendent à penser qu’il est coupable, mais The Night Of est aussi une réussite sur ce plan là puisqu’il montre le combat de personnes dont la profession est d’assurer une défense et un procès équitable à celui que tout accuse.

On peut également noter les performances des acteurs, Riz Ahmed dans le rôle de Naz est saisissant, capable d’exprimer ses doutes et sa douleur d’un simple regard, on s’interroge tout au long de la série sur la personne qu’il est vraiment. J’avais déjà vu cet acteur dans le film Night Call, mais je l’ai redécouvert ici tant il semble que le rôle ait été fait pour lui. John Turturro dans le rôle de l’avocat John Stone (qui devait initialement être joué par le regretté James Gandolfini) porte véritablement la série. Cet avocat raté et un peu pataud est au centre de l’intrigue, et est celui qui va nous permettre de découvrir petit à petit ce qu’il a pu se passer avec l’aide de Chandra Kapoor (jouée par l’excellente Amara Karan), une jeune avocate qui lui donne un coup de main. On pourrait citer également tout le reste du cast, comme Bill Camp dans le rôle d’un policier en fin de carrière, Paul Sparks qui joue le beau-père mystérieux de la victime ou Michael K. Williams dans le rôle du détenu qui apprend à Naz comment survivre dans cet environnement. Tout le cast est à la hauteur et participe grandement à l’ambiance posée par une réalisation au poil qui nous offre des scènes d’un réalisme et d’une froideur pragmatique, et des plans statiques bouleversants sur les personnages qui voient leur vie détruite par cette histoire.

La recherche de l’innocence

L’innocence ou la culpabilité de Naz est évidemment un élément important du récit, avec une enquête judiciaire bâclée c’est à ses avocats de rechercher la vérité ou plutôt, le doute raisonnable. Un concept dont on a souvent entendu parler dans les séries et films portant sur des procès criminels, à l’image de 12 Hommes en colère. Puisque tous les indices montrent que Naz est le meurtrier, il n’est possible d’amener le jury à l’innocenter que par deux moyens : amener le vrai coupable, ou produire suffisamment de doute afin que le jury ne puisse pas unanimement se prononcer sur une condamnation pour meurtre. La série joue donc beaucoup sur une certaine ambiguïté puisque l’histoire vise à maintenir un doute raisonnable sur la culpabilité de Naz : celui-ci apparaît au départ complètement innocent, mais avec l’arrivée des preuves toutes plus accablantes les unes que les autres les scénaristes s’efforcent de nous faire douter, ou parfois nous pousser à accuser d’autres personnages afin de brouiller les pistes et interroger jusqu’au bout le spectateur sur la vraie nature de ce personnage que l’on découvre petit à petit.

Je dirais que cette série n’a pas pour principal objet de trouver le véritable meurtrier, que cela soit Naz ou un autre personnage, mais plutôt de s’intéresser aux nombreuses vies brisées par cette affaire, et la vitesse à laquelle celui qui passait pour un étudiant modèle peut soudain devenir un monstre aux yeux de tous. On voit plusieurs vies se décomposer à cause de cette histoire, des parents qui doutent et voient leur quotidien bouleversé, des amis qui ne les traitent plus de la même manière. On peut noter le thème musical qui suffit à entrer dans cet univers, qui est le nôtre, un univers qui interroge à la fois sur les conséquences de nos actions et le système judiciaire. Les derniers instants du huitième et dernier épisode sont d’ailleurs des exemples de réalisation et de mise en scène tant elles résument parfaitement tout le propos de cette mini-série.
La sortie de cette oeuvre a été compliquée puisqu’elle est en chantier depuis 2012 et a connue plusieurs déboires, mais finalement elle est à la hauteur des attentes et on ne peut que savourer ces huit excellents épisodes.

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