La super héroïne « Miss Marvel » a été incarnée par plusieurs personnages depuis 40 ans, mais il a fallu attendre 2014 et la nouvelle série éponyme pour qu’elle commence à faire du bruit alors que Marvel tente de mieux représenter les minorités ethniques et religieuses au sein d’un univers qui n’en a pas toujours tenu compte. Celle qui était autrefois Carol Danvers (devenue Captain Marvel) est aujourd’hui Kamala Khan, une adolescente américaine d’origine pakistanaise et de confession musulmane. Si j’en parle aujourd’hui c’est parce que le premier tome a été réédité, avec d’autres comics, par Panini Comics à l’occasion de ses vingt ans en proposant une couverture spéciale réalisée par la française Pénélope Bagieu.
Kamala Khan, adolescente de 16 ans un peu geek et amatrice de fanfictions sur les Avengers, aimerait changer de vie. Las de sa famille qui l’empêche de sortir comme les filles populaires de son lycée, elle aimerait rien qu’une fois être dans la peau de son idole : la super-héroïne Captain Marvel. Et c’est ce qui arrive un soir, alors qu’une étrange brume s’abat sur son quartier, elle se retrouve transformée…

Changer qui je suis
Cette collection des vingt ans s’accompagne, outre les couvertures réalisées par des artistes français, de déclarations de ces artistes sur les comics dont ils ont créé la couverture. A cette occasion et sur la quatrième de couverture, Pénélope Bagieu bien mieux que de Miss Marvel et l’intérêt d’une telle héroïne aujourd’hui :
« Un burkini transformé en tenue de super-héros et hop, Kamala s’envole pour combattre le crime et affronter l’autorité parentale (et le lycée). C’est exactement l’héroïne dont on a besoin. »
– Pénélope Bagieu
Au-delà de l’ironie sur la polémique qu’ont subies une partie des françaises l’année passée, il est effectivement bon de voir réapparaître cette héroïne qui connaît de plus en plus de succès. Il a souvent été reproché aux comics de servir le « rêve américain » en ne tenant pas compte des minorités qui composent aussi ce grand pays, et cette erreur est en partie réparée avec Miss Marvel. En partie car il y a encore énormément de travail à faire : ce n’est pas demain que Miss Marvel deviendra le personnage principal d’un blockbuster hollywoodien au sein du Marvel Cinematic Universe, mais c’est tout de même un bon début. Ce premier tome vient nous faire découvrir une héroïne attachante qui, sans tomber dans la caricature, se sent « différente » des gens qui l’entourent à cause des coutumes et traditions liées à son origine. Bien que sa famille ne soit pas très religieuse, elle reste proche d’une culture pakistano-musulmane qui attire soit les moqueries soit la curiosité malsaine de ses camarades.
D’autant plus qu’au-delà cette dimension ethnique et religieuse, Kamala Khan est surtout un personnage auquel l’adolescent d’aujourd’hui peut s’identifier. Loin des super héroïnes populaires et au physique parfait, Kamala Khan est une adolescente semblable à de nombreuses autres : parfois maladroite, un peu geek, fans de super héros et qui n’a pas encore trouvé sa place dans une société qu’elle a du mal à aborder. Elle représente les défis auxquels font face les adolescents d’aujourd’hui et tous les problèmes qui vont avec. Que ce soit la recherche de la popularité au lycée, l’attention qui vient et qui part rapidement avec les réseaux sociaux, la nécessité de se « conformer » à un esprit général sous peine d’être mis en retrait.
Les différences culturelles n’empêchent pas de sauver le monde
Ce premier tome porte sur la découverte de ses nouveaux pouvoirs, sa tentative de concilier sa personnalité et sa culture avec un monde qu’elle observe par un prisme nouveau. Initialement dans la peau de l’ancienne Miss Marvel (Captain Marvel), elle finira par prendre sa propre identité physique et créer son propre costume. Largement inspiré du costume de l’héroïne qu’elle adule, son costume à elle est un « burkini customisé » qui lui permet d’utiliser ses pouvoirs à volonté (qui consistent en gros à pouvoir s’agrandir ou rétrécir) sans être limitée par une tenue trop petite. Mais surtout, Miss Marvel est une héroïne dans l’ère du temps qui n’est pas du genre à faire de grands discours sur les responsabilités et l’héroïsme : c’est simplement une adolescente qui veut faire le bien avec les pouvoirs qu’elle obtient. Malgré la pression d’une famille qui la voit plutôt faire une fac de médecine, elle est déterminée à utiliser son temps libre pour mettre ses pouvoirs à contribution.
C’est une bouffée d’air frais, par sa simplicité, loin des grands discours et des enjeux énormes qui concernent les grands super-héros comme les Avengers. Si elle deviendra probablement par la suite une figure importante de Marvel compte tenu de sa popularité, elle est pour l’instant dans son « origin story » et on la verra grandir peu à peu. Avec les superbes dessins de Adrian Alphona, la scénariste G. Willow Wilson propose là un excellent comics, capable de prendre le meilleur du genre et de donner vie à une héroïne géniale.
Pour reprendre les mots de Pénélope Bagieu plus haut, c’est « exactement l’héroïne dont on a besoin ». Elle vient apporter quelque chose de nouveau et d’important à un univers qui en manquait. Plus que son ethnie, Miss Marvel est un personnage qui parle aux jeunes et qui est bien plus proche de chacun de nous que des héros fantasmés comme Iron Man ou Captain Marvel.