Écrivain et scénariste devenu réalisateur, Jérémie Guez propose son premier long métrage. Polar à l’inspiration de film noir, Bluebird devait sortir il y a quelques jours au cinéma. Crise sanitaire oblige et embouteillage à la réouverture des cinémas, le film tente plutôt de se faire une place en VOD dès le mardi 16 juin et cela me donne l’occasion de vous en parler dès maintenant.
Un ancien taulard, un hôtel, un drame. En quête de rédemption, un homme est contraint de replonger dans ses démons pour sauver celles qui lui ont tendu la main.

La bête est libre
Bluebird a tout du polar classique : un homme sort de prison et se prend d’affection pour une femme, allant aussi loin que nécessaire pour l’aider et la protéger. On ne se le cache pas, le début est pénible. Le film commence mollement et a toutes les peines du monde à s’installer, mais malgré quelques errances il se rétablit très bien et vire peu à peu au film noir tout ce qu’il y a de plus intéressant. Finalement un peu comme un livre qui ne sait pas trop comment lancer son histoire, Bluebird finit par montrer ses belles idées et nous garde captivés jusqu’au bout. Le réalisateur offre quelques beaux plans, des échanges de mots et de regards où ses talents de scénariste ressortent assez largement. Les échanges sont tout en subtilité, en petits mots lancés ici et là face à un antihéros qui ne parle pas beaucoup. Incarné par Roland Møller, ce criminel en quête de rédemption tente de refaire sa vie à l’abri des regards indiscrets. Mais un hôtel en bord de route, logé par une femme qui lui tend la main, devient le théâtre d’un drame qui bouleverse plusieurs vies. Un drame où la victime est la fille de sa logeuse, poussant cet ancien taulard à tout risquer.
Le film se laisse porter par ses acteurs, tant par Roland Møller que Lola Le Lann et Veerle Baetens. Un trio, auquel on pourrait aussi bien ajouter Lubna Azabal qui marque le film de son empreinte, qui fonctionne à merveilles au sein d’un film qui emprunte largement les codes du film Noir sans pour autant y plonger complètement : comme une étape dans la vie du taulard, le genre cinématographique n’est qu’une excuse pour raconter un bout d’humanité qui surgit de l’horreur. Envoûtant, le film profite de l’excellent travail du chef opérateur pour donner vie à cet hôtel en bord de route. Un lieu peu chaleureux où l’humain essaie pourtant de se construire, où les vies passent et ne se ressemblent pas. Symbolique d’une étape dans la vie de cet ancien taulard qui tente de se reconstruire, l’hôtel est un refuge où le contact avec les autres permet de se redécouvrir. Les couleurs, les ombres, les lumières, tout est prétexte à dévoiler la fatalité qui colle à cet homme.

Une histoire de caractère
Bluebird n’est toutefois pas parfait : son affrontement final est bien moins intéressant que le reste, alors que son auteur brille bien plus lorsqu’il raconte le banal plus que l’exception. Pour autant, la conclusion du film est bien amenée et semble inévitable avec un enchaînement de situations qui scelle le destin de ses protagonistes, même si on aurait aimé que la musique, omniprésente, sache se faire plus discrète à certains moments. Si elle a le mérite de rythmer le film, elle ne laisse parfois que trop peu de place à la contemplation et au silence qui entoure des personnes terriblement seules. Plus qu’une histoire de vengeance ou de rédemption, Bluebird est aussi un film capable de raconter la solitude de trois personnes qui ne parviennent pas à se fondre dans la société.
Bluebird a ce goût de la fatalité caractéristique du film noir. Son hôtel délabré et son irrémédiable solitude en font un film captivant. Brillant lorsqu’il met en scène ses personnages, on lui pardonne facilement son début un peu longuet. Roland Møller et Lola Le Lann offrent de belles performances pour le premier long métrage de Jérémie Guez, à tel point que j’ai hâte de vite revoir tout ce beau monde.