Cela faisait un bon moment que l’idée de parler manga sur La Tentation Culturelle trottait dans un coin de ma tête, alors le lancement le mois dernier s’est lancé Mangetsu, un nouveau label d’édition sous la houlette de Bragelonne, était une bonne opportunité pour passer à l’action. Parmi ses premiers titres, j’ai pu parler de l’excellent Ao Ashi sur Pod’culture, et voilà qu’arrive entre mes mains Le Mandala de Feu. Créé par la mangaka Shimomoto Chie, le titre raconte l’ascension de Hasegawa Tohaku, l’un des peintres majeurs de l’histoire du Japon.
(Critique écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par son éditeur.)
Moine bouddhiste, Hasegawa Tohaku rêve d’une vie d’artiste. Passionné par la peinture, il tente de devenir le disciple de Kano Einori, peintre légendaire. Celui-ci le rejette, attisant la flamme en Tohaku qui, après avoir vu le château d’Azuchi et ses œuvres d’art partir en fumée, consacre sa vie à la peinture.
Une passion enflammée
La mangaka Shimomoto Chie s’attaque à un monument de l’histoire de l’art au Japon, celle d’un peintre qui a laissé une trace indélébile dans la peinture de l’archipel. Mais avant d’être ce peintre de légende, Hasegawa Tohaku était un homme perdu, doutant de lui, comme le raconte un manga qui aborde son histoire d’une personne qui a tout sacrifié pour ne jamais renoncer à son art. Une histoire en un seul tome où l’art pictural se mêle à un récit sur un homme transcendé par son art, quitte à tout perdre, pour donner un sens à la seule chose qui fait vivre la flamme au fond de lui. L’histoire écrite par l’autrice est touchante, parfois bouleversante, et toujours pleine de compassion pour une personne qui a su dépasser ses limites pour donner vie à ce qui lui semblait indispensable pour sa propre survie. Il y a quelque chose de captivant dans la manière dont Shimomoto Chie aborde cette histoire, en donnant un visage foncièrement humain au monstre de travail qu’elle raconte.
Car au-delà de l’art, c’est une histoire familiale qui est racontée : c’est un drame, des relations brisées sur fond de mutations d’un Japon dans un moment décisif de son histoire. C’est une famille qui autant subi que supporté les choix de Tohaku, qui lui a autant permis de grandir en tant qu’artiste que souffert de son destin. Les deux derniers chapitres sont d’ailleurs particulièrement touchants, avec un peintre qui réalise ce qu’il a manqué, malgré toutes les réussites de sa vie. Il y a une belle sensibilité qui donne une saveur particulière au manga, qui en fait une œuvre à part et inattendue. Il y a peut-être un regret sur le rythme si soutenu du récit qui tente de faire tenir en un tome plusieurs décennies d’une vie hors norme, mais cela permet aussi de se concentrer sur l’essentiel, sans se perdre en route.

L’amour de l’art
Il faut par ailleurs saluer les formidables dessins de Shimomoto Chie qui réalise quelques planches absolument sublimes, s’inspirant des œuvres de Tohaku et en leur donnant vie, comme si elles enveloppaient les personnages et dictaient leurs vies. La composition est souvent fabuleuse, comme le découpage au service d’une mise en scène surprenante de la peinture. Il s’agit d’un vrai travail d’orfèvre qui rend honneur à son sujet.
Le Mandala de Feu a en lui cette flamme, cette passion qui se transmet et qui donne corps à un récit intense et émouvant sur la vie d’un artiste qui a marqué l’histoire de la peinture Japonaise. Impressionnant visuellement, le manga de Shimomoto Chie est aussi capable de toucher par ses mots et sa mise en scène. Une très belle œuvre.
(Mangetsu est un label de l’éditeur Bragelonne. Le directeur des éditions de Bragelonne est mis en cause par de nombreux témoignages dénonçant des violences sexistes et sexuelles. Je vous invite à en prendre connaissance par cet article de Mediapart ou encore ce témoignage et bien d’autres encore. J’affirme mon plein soutien, sans condition, aux femmes qui ont témoigné.)
Je découvre ce manga par le biais de l’article sur Pod’Culture et maintenant le tiens, et il faut reconnaître que les thématiques font bien envie. Merci !
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