Des dérangeants Captifs et Un homme idéal au nerveux Burn Out, le réalisateur Français Yann Gozlan ne cesse d’explorer le thriller pour y imprimer ses idées, avec une attirance toute particulière pour l’aspect psychologique d’un genre fourre-tout que l’on peine à définir. C’est avec Boîte Noire qu’il revient ces jours-ci, un thriller où un technicien du BEA enquête sur un crash aérien mystérieux.
« Que s’est-il passé à bord du vol Dubai-Paris avant son crash dans le massif alpin ? Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, Mathieu Vasseur est propulsé enquêteur en chef sur une catastrophe aérienne sans précédent. Erreur de pilotage ? Défaillance technique ? Acte terroriste ? L’analyse minutieuse des boîtes noires va pousser Mathieu à mener en secret sa propre investigation. Il ignore encore jusqu’où va le mener sa quête de vérité… » (StudioCanal)

Une paranoïa suffocante
A la manière des Trois jours du Condor de Sydney Pollack, le cinéaste Yann Gozlan nous embarque dans une enquête où la paranoïa s’affirme d’heure en heure, voyant dans les yeux d’un technicien du BEA un piège se former, un complot se dévoiler, et une peur se révéler. La peur d’être pris dans quelque chose de plus grand encore, le tout autour d’un crash aérien pour lequel chacun veut des réponses immédiates, et si possible des réponses qui sont capables de satisfaire tout le monde. Défaillance humaine, acte de terrorisme ou dysfonctionnement, autant de théories qui se bousculent dans la tête d’un homme qui est convaincu que quelque chose de plus grand se cache derrière un événement d’une violence considérable, et c’est ce qui donne au film ces faux-airs de thriller psychologique, au caractère beaucoup plus fin qu’espéré. Il y a évidemment ces séquences d’écoute des bandes sonores enregistrées par les boîtes noires, séquences tout droit sorties du Chant du Loup de Antonin Baudry avec un travail exceptionnel sur le son, plongeant les spectateur·ice·s dans une fascinante chronologie des événements à reconstituer, dans l’intimité d’un cockpit où un mystère a provoqué un drame terrible. Plus encore, Boîte noire finit par virer à l’intrigue d’investigation, avec ses révélations, ses espionnages et une paranoïa qui pousse à douter à la fois des événements et du comportement du « héros ».
Jusqu’à une scène finale en apothéose, concentré d’un film qui ne cesse de monter en intensité et en force, impeccablement interprété par Pierre Niney et Lou De Laage qui incarnent deux faces d’une même pièce : le BEA d’un côté, chargé d’analyser et d’enquêter sur l’aviation et de l’autre l’industrie aéronautique, tantôt collaboratrice, tantôt ennemie. Les deux forment un couple, mais représentent surtout l’antagonisme d’un film où la vérité, le bon et le mauvais sont souvent difficilement identifiables. Il y a tous les ingrédients d’un thriller réussi, mais aussi une très belle image associé à une mise en scène maline qui profite de l’aspect inaccessible des coulisses l’Aéroport du Bourget pour ancrer le mystère. Car l’aviation fascine autant qu’elle inquiète : c’est un monde assez méconnu, qui n’ouvre que rarement ses portes, et si tout le monde a déjà entendu parler des fameuses « boîtes noires » que l’on recherche à chaque catastrophe aérienne, leur utilisation et leur rôle dans l’enquête reste finalement assez mystérieux.

Thriller « à la française »
C’est probablement quelque chose de très personnel, mais l’aviation au cinéma m’a toujours semble être un sujet passionnant. Parce que l’avion, machine absolument imposante et terrifiante, est finalement vulnérable et facilement menée à sa perte, lorsqu’un grain de sable vient enrayer une mécanique qui obéit à des procédures strictes, ne laissant que peu de place à l’improvisation. Cela en fait l’objet parfait pour un thriller que le cinéaste Français manie avec talent. Alors certes, c’est peut-être présomptueux et un peu tôt pour dire cela, mais Yann Gozlan n’a-t-il pas le potentiel pour devenir le nouveau maître d’un thriller « à la française », avec sa manière de diriger ses acteur·ice·s, avec son ton particulier et son approche très psychologique ? Une manière de concevoir le thriller qui emprunte à beaucoup mais, qui au fil des années et des films, s’est forgé sa propre identité et permet au cinéaste de livrer enfin un film auquel il n’y a pas grand chose à reprocher.
Intense, déboussolant, Boîte noire est aussi intriguant que son sujet. En s’emparant d’une enquête sur un crash aérien, le cinéaste raconte cette fascination qu’exerce les fameuses « boîtes noires » des avions au travers d’un thriller psychologique mené avec brio, où Pierre Niney et Lou De Laage incarnent les mystères, complots et luttes de pouvoir qui peuvent s’organiser dans les coulisses d’une industrie qui n’aime pas que l’on s’intéresse de trop près à ses affaires. Un des meilleurs films de l’année.