Ces dernières semaines, on a plus souvent entendu parler des frasques people autour de Don’t Worry Darling que du film lui-même. Le nouveau long métrage d’Olivia Wilde a en effet considérablement attiré l’œil pour ses rumeurs de tournages, mais au bout du compte, qu’en reste-t-il ? Un film qui démarre en trombe et qui laisse espérer un grand moment, avant de se heurter à des choix narratifs pas toujours finauds…
« Alice (Florence Pugh) et Jack (Harry Styles) ont la chance d’habiter dans la communauté idyllique de Victory, petite ville expérimentale de l’entreprise qui loge les hommes travaillant pour le Projet ultraconfidentiel Victory et leur famille. L’optimisme des années 50 qui traverse la société est totalement partagé par le PDG de la société, Frank (Chris Pine) – à la fois dirigeant d’entreprise visionnaire et coach de développement personnel – et imprègne le moindre aspect du quotidien dans cette bulle utopique en plein désert californien. Tandis que les hommes passent toute la journée au sein du QG du Projet Victory, en travaillant sur le « développement de matériaux de pointe », leurs femmes, à l’image de Shelley (Gemma Chan), épouse élégante de Frank, vivent dans le luxe et l’oisiveté. La vie est parfaite dans cet environnement où le moindre désir des résidents est satisfait par l’entreprise. En échange, ils s’engagent à garder une discrétion totale et à faire preuve d’une adhésion inébranlable à la cause Victory. Mais lorsque des failles commencent à se manifester, révélant une sombre réalité au-delà d’une façade séduisante, Alice ne peut s’empêcher de se poser des questions : que font-ils à Victory et dans quel but ? Mais Alice est-elle prête à tout perdre pour découvrir l’envers du décor de son ilot paradisiaque ? » (Warner Bros. France)

Idéal et intense
La petite ville pavillonnaire où vivent Alice et Jack a tout du paradis : des voisins souriants, de jolies rues bien propres, une communauté qui s’entraide et un soleil qui ne semble jamais partir. Mais rapidement, le paradis laisse place au cauchemar, dès lors que Alice s’aperçoit de la superficialité de l’endroit ainsi que de son aspect très artificiel. Pourtant, c’est les années 1950, alors on attend d’elle qu’elle ne se pose aucune question : son rôle est d’être une bonne femme au foyer, de prendre soin de son mari qui travaille dur dans un job que personne ne comprend et d’entretenir la maison. Une vision rétrograde à laquelle tout le monde semble adhérer. Et ce à l’exception d’une voisine qui semble être à bout, attisant la curiosité d’Alice, et la poussant à creuser un peu plus sur ce qui l’entoure, surprise que personne ne se pose jamais la question de savoir ce qu’il y a au-delà des zones délimitées où elle a formellement le droit de se déplacer. Alice dénote encore plus avec ce monde-là lorsqu’elle annonce à ses voisines un sacrilège : elle ne veut pas avoir d’enfants dans un avenir proche ! Une conception de la vie de couple qui surprend et énerve même toute la bande. De quoi faire passer l’ambiance idyllique vers quelque chose, peu à peu, de plus cauchemardesque, où les sourires cachent en réalité un ressentiment et des secrets sur lesquels Olivia Wilde joue dans un film fait de faux-semblants, où l’apparente bienveillance cache l’obligation de se conformer à une société ultra-patriarcale.
Les choses s’enveniment même un peu plus quand on découvre qu’il y a des zones interdites, des questions qui ne doivent pas être posées, avec un ton qui fait passer le film sur les codes du thriller. Alice commence à s’apercevoir que les choses sont fausses et artificielles, elle s’interroge sur d’étranges souvenirs et des visions presque horrifiques qui lui reviennent ici et là. Et c’est là que le film brille tout particulièrement, quand il joue sur la dualité entre l’apparente perfection du lieu et les traumatismes qu’il semble cacher en arrière plan. C’est captivant et bien rythmé, une vraie perle d’ambiance alors que Florence Pugh est, comme à son habitude, absolument formidable. Son personnage, d’une détermination sans faille, incarne avec brio la capacité d’une personne à s’extirper des carcans pour trouver une forme d’émancipation, face à une société qui, pourtant, avait déterminé son rôle précis dès le début. Malheureusement on trouve à ses côtés un Harry Styles moins convaincant, pas plus que Olivia Wilde qui fait un meilleur boulot derrière que devant la caméra.

Twist pour le pire
Pourtant l’alchimie entre Pugh et Styles est plutôt présente, là où les choses se passent mal pour l’acteur c’est sur la deuxième moitié du film où son personnage doit incarner quelque chose de différent et où il peine à tenir le rythme. Il est pourtant bien aidé par Florence Pugh qui lui donne la réplique avec précision, profitant d’une mise en scène efficace, où l’on sent l’étau qui se resserre autour d’Alice. Une horreur psychologique qui interroge autant sur le fond de l’affaire que sur sa résonance avec la réalité. Mais le film échoue terriblement une fois passé ses bonnes idées, la faute à une narration qui manque considérablement de finesse : la succession de twists, pour le simple plaisir du rebondissement, dans son dernier tiers met à mal l’intensité dramatique d’un film qui tient pourtant le bon bout pendant ses deux tiers. Comme si Olivia Wilde n’avait pas confiance en son histoire et souhaitait absolument rythmer, artificiellement, la fin de son film. Comme si elle oubliait que pendant une heure, le film avait déjà suffisamment bien posé son caractère horrifique pour ne pas avoir à apporter de nouvelles surprises sur la fin.
Don’t Worry Darling a tout d’un excellent film, de sa photo plutôt séduisante à son ambiance qui parvient parfaitement à allier romance et horreur, en passant par la prestation convaincante de Florence Pugh. Mais difficile d’en ressortir pleinement satisfait, à cause d’une succession de rebondissements sur le dernier tiers où Olivia Wilde abandonne toute ambition visuelle et narrative pour tenter de surprendre les spectateur·ice·s. Un choix douteux et mal exécuté, mettant à mal toutes les nombreuses bonnes choses que réussit le film.