[Le Vidéoclub #3] Un après-midi de chien, braqueurs et losers

« Le Vidéoclub » est une chronique régulière qui revient sur des films découverts après leur sortie au cinéma, en mémoire des vidéoclub qui louaient des films, remplacés depuis par la VOD, les plateformes de streaming ou encore l’achat de Blu-ray et DVD.
Peu de temps après le très fameux Serpico, le réalisateur Sidney Lumet renouvelait sa collaboration avec Al Pacino. Cette fois-ci l’acteur passait de l’autre côté, il n’était plus policier mais criminel. Ce film porte un regard critique sur la société, où l’auteur d’un simple braquage devient un symbole de lutte.

Trois criminels investissent une banque de Brooklyn lors d’une chaude journée d’été. L’un d’eux repart aussi tôt en changeant d’avis, il ne reste plus que Sonny (Al Pacino) et Sal (John Cazale). Les deux complices sont maladroits et ne semblent pas vraiment savoir quoi faire ; Sonny manie maladroitement sa mitraillette alors que Sal est incapable de faire quoique ce soit sans qu’on le lui ordonne, comme s’il était tétanisé par son propre acte. Contrairement à leurs attentes, le coffre de la banque est pratiquement vide et la police arrive très rapidement sur les lieux. Ce qui ne devait durer que quelques instants s’éternisera des heures…

Un duo de bras cassés…

Dans une situation presque tragi-comique, les compères enchaînent les bourdes devant des otages abasourdis. Les employés de la banque ne les prennent pas toujours au sérieux, à l’image de Sylvia (Penelope Allen) qui demande à Sonny de faire attention à son langage devant les autres jeunes femmes ou encore d’autres fois où les otages font remarquer l’incompétence des braqueurs. Cette dérision involontaire des criminels provoque une forme d’attachement de la part des otages qui, pris dans un syndrome de Stockholm, ressentent une véritable empathie pour eux. Ainsi lorsque la police déploie un impressionnant dispositif pour arrêter les deux criminels, les otages sont de leur côté et espèrent que tout finira bien pour tout le monde.

Mais l’issue est inéluctable, les policiers semblent décidés à faire de Sonny et Sal des exemples et montrent une agressivité démesurée. Ils n’ont que faire de la détresse de Sonny et même le négociateur du FBI le prend pour un idiot. Ils ne font même pas attention à Sal qui apparaît pourtant comme le plus dangereux des deux, souvent proche du point de rupture et dont on n’a aucune idée des intentions.
Cette critique de la police inutilement violente et terriblement incompétente renvoie directement à une autre affaire, celle que Sonny n’aura cesse de crier à la figure des forces de l’ordre : « Attica ». Il fait directement référence à la mutinerie de la prison d’Attica dans l’État de New York en 1971 où des prisonniers s’étaient révoltés contre les violences et le racisme exercé par le personnel pénitencier. En criant ce mot, Sonny obtient le soutien de la foule qui entoure la police, désormais en position de faiblesse. Le braqueur maltraité parce qu’on le prend pour un idiot devient alors un symbole de lutte pour tout le monde, face à une police qui outrepasse ses prérogatives.

… Et dépassés par l’engouement

La télévision ne tarde pas à faire son apparition et s’empare du sujet, avec des journalistes attirés par l’odeur du sang et qui n’attendent qu’une chose : un dénouement violent en face de leurs caméras. Ils vont également fouiller dans l’entourage des braqueurs et vite trouver le compagnon de Sonny, Léon. C’est à ce moment que le braqueur perd son calme et cède complètement à la nervosité qu’il tentait jusque là de dissimuler. Lui qui disait au début du braquage qu’il ne durerait pas longtemps est désormais une figure héroïque pour la foule, galvanisée par son discours et passionnée par une vie privée étalée devant tout le monde. Le braquage devient alors tout à fait secondaire, le film comme le public porte désormais son regard sur l’homosexualité, la transsexualité et le voyeurisme médiatique.

Al Pacino y effectue la prestation de sa vie. Ce rôle de Sonny est formidable car il lui permet d’exprimer toute une colère accumulée par des injustices dans une société où la différence n’est pas tolérée, où on cherche le malheur des autres pour obtenir un peu d’audience et où la police s’arroge le droit de tuer. C’est un personnage humble, tendre et naïf qui se laisse dépasser par les événements alors qu’il ne recherchait aucune forme de violence, en s’excusant presque pour ses actions il préfère utiliser les mots. La musique se fait d’ailleurs très discrète pour laisser au antihéros tout le temps nécessaire à son discours, même son complice se cache au loin en attendant le dénouement entre deux lamentations sur sa vie.

Un après-midi de chien est un film incroyable, assurément l’un des plus grands. Loin de la simple histoire de braquage, Sidney Lumet porte un regard critique sur la société tout en offrant à Al Pacino le rôle de sa vie. Cette chaude journée d’été est insoutenable pour tous les protagonistes, et les mènera vers un terrible final.

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