Instinct de Survie est réalisé l’espagnol Jaume Collet-Serra. Ce film met en scène une jeune surfeuse aux prises avec un requin, blessée et à bout de force elle tente de survivre sur un rocher en attendant les secours.
Nancy (Blake Lively) est une jeune surfeuse américaine qui se rend au Mexique pour trouver la plage où surfait jadis sa défunte mère. Grâce à l’aide d’un habitant du coin, elle trouve enfin cette plage paradisiaque mais ne connaît toujours pas son nom : personne ne veut le lui donner, pas même ces deux surfeurs qu’elle rencontre sur place. Ces deux-là lui assurent tout de même qu’elle n’a pas grand chose à craindre dans le coin, si ce n’est les courants contre les rochers, le corail de feu et quelques méduses (ce qui est déjà pas mal, on en conviendra). Mais alors que le soleil se couche et qu’elle est la seule encore dans l’eau, elle découvre la carcasse d’une baleine un peu plus loin. Après l’avoir approchée, elle est attrapée par un grand requin blanc et est blessée sévèrement, mais parvient à grimper sur la baleine pour échapper temporairement au requin. Faute de pouvoir contacter les secours et devant les tentatives du poisson de la faire tomber de la carcasse, elle doit se réfugier sur un rocher tout près de là.
Montre que t’as peur
C’est nul. Voilà. Ah, il faut dire pourquoi ? Bon…
Le film commence plutôt bien. Enfin, on a droit au cliché de l’étudiante américaine qui passe son temps à envoyer des SMS plutôt que de regarder les beaux paysages mexicains comme l’y incite le beau mexicain Carlos (Oscar Jaenada), et puis aussi celui des surfeurs et surfeuses aux longs cheveux blonds qui se jettent à l’eau avec leur planche en attendant leur vague (et non, ce n’est pas Brice de Nice). Mais le décor est bien planté, l’héroïne est plutôt sympathique et la plastique de Blake Lively fait son rôle pour embellir quelques scènes de surf. D’ailleurs toutes ces scènes sont agréables à regarder tant les paysages sont sublimes, la côte australienne « mexicaine » fait rêver et donne presque envie de s’essayer au surf. Et il en est de même pour les fonds marins que l’on aperçoit malheureusement furtivement, la faute à une caméra qui reste presque toujours en surface.
Et puis lorsque le requin fait son apparition, la demoiselle est bonne actrice. Elle n’a pas beaucoup de lignes de dialogue, sauf lorsqu’elle parle à la mouette qui l’accompagne dans son cauchemar, mais elle est hyper convaincante sur la peur et l’angoisse que son personnage ressent. Le spectateur, grâce à l’actrice, n’a aucun mal à ressentir le désarroi et le sentiment de voir la fin de sa vie arriver, avec la douleur et la situation terrifiante dans laquelle elle se trouve. Et c’est tant mieux, parce que le film repose pratiquement entièrement là-dessus et on ne peut reprocher quoique ce soit à Blake Lively. Si le réalisateur insiste lourdement sur son corps au moyen de zooms et ralentis, elle parvient à montrer qu’elle est une actrice crédible après s’être fait une réputation peu enviable avec Gossip Girl (même si elle montrait déjà ses qualités dans Adaline l’année dernière).
La phobie du requin
Puisque vous devez vous interroger sur le titre de cette critique : le film vire effectivement au nanar dans le dernier tiers. Comme on s’en doute rapidement les secours n’arrivent pas (sinon il n’y a pas de film), alors Nancy est obligée d’utiliser ses dernières forces pour tenter d’échapper au requin. L’affrontement est terrible et fait certainement rêver le réalisateur de Shark Attack, ou même Sharknado, un de ces nanars qui ont le bon goût d’assumer ce statut. L’héroïne se livre donc à une bataille faussement épique face à un requin en image de synthèse probablement sous-traitée par des stagiaires qui découvrent l’animation 3D. Ce dernier tiers du film est terrible tant l’angoisse qu’inspirait jusqu’alors le film est remplacée par un fou rire comme on n’en fait plus.
Et puis le réalisateur ne s’illustre pas non plus par ses qualités : on peut regretter, comme dit plus haut, que la caméra reste toujours en surface. L’idée est probablement de mettre le spectateur dans la peau de l’héroïne en ne sachant pas d’où et quand viendra le danger, mais le film perd du coup une chance de nous éblouir un peu plus par de belles images. Finalement je me demande si c’est pas juste une histoire d’argent, on sait que le film a connu une grosse baisse de budget (et provoqué le départ de Louis Leterrier, qui devait initialement le réaliser) et se limiter à des plans en surface permet de dépenser moins de sous en modélisation 3D, puisque le requin est du coup rarement visible.
Mais le film pèche également ailleurs : d’abord avec une caméra qui insiste bien trop sur les atouts physiques de Blake Lively, mais également à cause de l’utilisation encore un peu plus de l’imaginaire selon lequel les requins sont des prédateurs sanguinaires prêts à attaquer sans aucune raison tous les surfeurs qui passent dans le coin, ou encore une bande son qui n’est pas non plus très intéressante et parfois même de mauvais goût.
En fin de compte Instinct de Survie tombe dans tous les pièges des films du genre, vous pouvez en effet regarder un nanar assumé tel que Shark Attack et vous y trouverez les mêmes éléments que ce film. Mais dans ce cas, on ne vous le vendra pas comme un œuvre dramatique et sérieuse au contraire d’Instinct de Survie qui fait rire malgré lui. Bref, Blake Lively sauve le film par sa prestation, mais il ne faut surtout pas le regarder au premier degré et plutôt se contenter de rire lors du dernier tiers du film histoire de ne pas trop regretter les quelques euros dépensés pour le voir.
C’est toujours pareil avec les critiques de film. Beaucoup de journalistes oublient la subjectivité de l’affect qui par définition intervient forcément dès lors que l’on considère l’art cinématographique et même l’art tout court comme générateur d’émotions. Ou alors ça n’est plus de l’art! Seulement voilà, comment faire preuve d’objectivité dès lors qu’il s’agit d’expertiser une manifestation artistique sans effleurer sa propre part d’affect et cela même quand on est professionnel…
Au fait, c’est qui le chroniqueur pour cet article? Ah oui Anthony!
Heureusement que le commun des mortels garde sa part de subjectivité, donc d’humanité, cela lui permet de relativiser les compétences propres à un professionnel d’évaluer la qualité d’un film. Oury ne disait-il pas que les fondations d’une oeuvre s’appréciaient aussi par tout ce que cela renvoie à nos sens les plus ordinaires?..
Ce qui me dérange le plus finalement c’est ce nombrilisme médiatique à vouloir faire à tout prix partager voir imposer son point de vue en se prétendant plus à même qu’un autre à semer la bonne parole à des milliers de lecteurs.
Bonne fin de journée Monsieur le chroniqueur.
Eric
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