Billet d’humeur #1 : Les films et séries de super-héros, et les attentes du lecteur de comics

On m’a déjà interrogé sur ce thème, ça fait quoi de voir toutes ces sociétés de productions hollywoodiennes marcher allègrement sur les héros que l’on affectionne tant, sacrifiés sur l’autel des dividendes ? Et c’est une question que je me suis posé. Si beaucoup de spectateurs vont voir les films issus de licences de comics Marvel ou DC avec la simple intention d’y voir un film d’action divertissant, les choses sont sensiblement différentes. C’est sur ce thème que je vais aborder ce premier billet d’humeur, une nouvelle manière pour moi de m’exprimer sur ce blog, plus librement, sur des thèmes qui m’intéressent et avec l’idée de pouvoir échanger avec vous.

L’univers des super-héros a toujours fasciné les studios de télévision et de cinéma : y observant un potentiel financier clair, ils n’ont cessé pendant des décennies de tenter leur adaptation. On a en effet pu voir de séries destinées aux enfants (comme la série des Captain America dès 1944), la désormais très fameuse série Batman en 1966 où le Chevalier Noir était incarné par Adam West, ou encore des films sur grands écrans comme le premier Superman en 1978 qui marquait la première incursion des super-héros de comics dans un film à grand budget. Mais toutes ces œuvres ont souvent été moquées, tant pour leur dérision inhérente aux comics qui rendait mal une fois transposés à l’écran, ou leur qualité toute relative. Si les comics regorgent d’œuvres de grande qualité qui pourraient permettre d’excellentes adaptations, comme « Un long Halloween » ou « Amère victoire » chez Batman, il a fallu attendre très longtemps avant de voir le sujet être traité avec sérieux.

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Captain America (1944), bien avant Chris Evans et les Avengers.

Une découverte pour le grand public, et des fans à satisfaire

En effet, si le Chevalier Noir s’en est sorti honorablement grâce au travail de Tim Burton dans les années 80-90, bien que je n’en sois pas fan, le film de super-héros n’a obtenu ses lettres de noblesse que tout récemment. C’est probablement le travail de Christopher Nolan sur ce même super-héros, dès 2005 avec Batman Begins, qui a donné une vision plus adulte du genre. Le fait qu’il se soit inspiré de « Batman : Année un » et « Un long Halloween » n’y est d’ailleurs pas étranger. Avec ce film qui venait montrer un personnage plus adulte et beaucoup moins caricatural, beaucoup de monde a commencé à se déplacer en salle et en redemandait encore : les films de super-héros sont alors devenus crédibles.
Après cela, on n’a cessé d’être abreuvé de films du genre. Quand Marvel s’est lancé dedans avec l’intention de gommer tout le mal qui avait été fait à ses licences (comme le Daredevil avec Ben Affleck ou les films estampillés Les 4 Fantastiques), l’idée était de créer un univers partagé (le « Marvel Cinematic Universe« ) qui rapprocherait plus facilement les films des comics, avec le même contrôle sur la qualité des œuvres. C’est alors que les films Iron Man, Hulk, Thor, Captain America et Avengers se sont relayés chaque année, jusqu’à trois par an, pour proposer aux spectateurs un univers étendu, plus ou moins crédible et néanmoins toujours accrocheur. Dire que l’on aime regarder des films de super-héros n’est plus honteux : c’est devenu des films d’aventure et d’action comme les autres. De son côté, l’autre géant du comics, DC, s’est lancé plus sérieusement dans la danse sous la houlette de Zack Snyder, avec un succès beaucoup moins certain.

Et c’est à ce moment-là que le problème se pose vis-à-vis des fans. Si le grand public a été facilement conquis grâce à des films toujours bien calibrés, jolis à voir et avec des histoires accrocheuses, l’amateur de comics est toujours lié par l’amour qu’il porte aux comics. Bien que j’en connaisse un bon nombre qui n’acceptent pas les différences apportées aux personnages et à leurs histoires pour le bien du nouvel univers créé, je dois dire que j’ai rarement été dans la position de celui qui défend corps et âmes le matériau original.
Si j’aime les super-héros, c’est avant tout pour ce qu’ils représentent : leur courage, leur détermination, les causes de leur mission et leur volonté de voir le monde dans un meilleur état. Dans la plupart des cas les comics ont l’intention de donner de l’espoir. Même les plus pessimistes d’entre eux, comme Batman, tirent leur force d’un événement marquant et se servent de cette faiblesse pour rebondir. L’auteur Paul Dini l’explique d’ailleurs plutôt bien dans son oeuvre Dark Knight : Une histoire vraie dont j’ai parlé récemment. Du coup, que Spider-Man ait une place limitée dans l’adaptation de « Civil War » à la différence des comics ou que les origines de Star-Lord soient modifiées, ça m’importe très peu. Tout cela relève de la liberté et des choix des scénaristes et du réalisateur. Comme j’apprécie de voir de nouveaux auteurs s’approprier et réinventer les personnages de mon enfance, j’aime voir comment un réalisateur va aborder la mythologie de ce personnage. Par exemple, les frères Russo ont fait un excellent travail sur le personnage de Captain America dans l’épisode « Le Soldat de l’Hiver« , en lui donnant un peu plus d’humanité et en se détachant du patriotisme exacerbé du premier film. D’ailleurs, si j’ai choisi d’illustrer ce billet par une image des Gardiens de la Galaxie en tête d’article, c’est parce qu’ils représente à mon sens le meilleur exemple de l’apport du réalisateur à la légende. En effet, James Gunn a proposé une interprétation très colorée des comics en question, poussant Marvel à le suivre avec les comics All-New Guardians of the Galaxy qui s’inspirent cette fois-ci des films, tant ses idées ont su apporter de la fraîcheur à des héros qui tournaient en rond.

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Une place limitée pour Spider-Man dans Civil War sur grand écran.

Les choix du réalisateur dans l’adaptation

J’ai donc tendance à placer les films de super-héros dans le fameux « Elseworlds », une collection de DC Comics qui leur permet d’explorer des mondes alternatifs avec leurs héros (un Superman soviétique, un Batman qui affronte Jack l’éventreur sous l’ère victorienne…). Le plus important est d’y retrouver ces héros et leurs caractéristiques (peu importe les différences mineures), derrière, le réalisateur devra proposer un récit cohérent et suffisamment divertissant. C’est le cas d’un Doctor Strange récemment, qui ne se borne pas nécessairement à coller aux comics mais avec un réalisateur qui a été capable de s’approprier le personnage et l’utiliser à bon escient. Pour d’autres c’était plus compliqué, comme les Thor avec lesquels j’ai eu du mal, ou encore les films de l’univers DC.
Et c’est probablement là que se trouve la clé : à trop en attendre, on finit par passer à côté. La capacité à se dissocier du matériau d’origine est important. Si le lecteur de comics est capable de lire et d’adorer un « Superman : Red Son » ou un « Injustice » où son héros venu de Krypton est un dictateur en puissance (et vu les critiques dithyrambiques par les lecteurs de ces comics, c’est le cas), je ne vois pas pourquoi les films auraient un traitement différent.

Bien sûr, chacun sera sensible ou non à un film ou une série, et ce pour différentes raisons : le super-héros, l’intérêt de l’œuvre, son ton, etc. Par exemple, j’ai regardé plusieurs saisons de Arrow, Flash et Gotham avant de finir par tout lâcher. Trop caricaturales, je ne me retrouvais plus dans ces séries qui ne savaient ni où aller ni comment terminer. Pourtant, et si j’ai beaucoup de critiques à leur faire, je ne leur reproche pas une quelconque atteinte à l’univers DC : les showrunners l’ont simplement interprété dans un sens qui leur semblait être le meilleur, tant pour le public visé que pour la chaîne qui les diffuses. Du côté de Netflix un travail différent a été fait, plus sombre et probablement plus proche du réalisme d’un Batman de Nolan, mais là aussi la qualité est très variable.

Pour conclure…

Je terminerais ce premier billet d’humeur avec une idée simple. Celle où la fidélité de l’adaptation ne compte absolument pas, la seule chose importante étant l’essence des personnages. Que Wonder Woman manque de muscles ou que Spider-Man ne sorte pas avec Mary Jane (deux critiques récurrentes depuis l’annonce des deux films) dans ses prochaine aventures n’a aucune importance. La seule chose que j’attends des films de super-héros est de retrouver ce ton héroïque, fait d’espoirs et de promesses d’un lendemain meilleur. Car c’est bien là l’essence même de ces personnages, des gens qui luttent à leur manière pour changer les choses. Une idée certes naïve, mais c’est bien parce que ces super-héros fascinent et rappellent nos rêves d’enfants qu’ils se doivent de les incarner. Et ce, peu importe les libertés prises par le réalisateur.

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Et vous, qu’attendez-vous des films et séries adaptés de comics de super-héros ?

2 commentaires sur “Billet d’humeur #1 : Les films et séries de super-héros, et les attentes du lecteur de comics

  1. Impeccable. Je n’ai rien à débattre là-dessus…Je suis juste un peu surprise que tu n’aies pas parlé des X-Men – et de leur malédiction cinématographique du « le 3e volet se fera massacrer par les critiques ». Il y a sans doute eu moins de commentaires sur un non – respect de leur univers – quoique justement, dans mes souvenirs « X-Men : Apocalypse » s’était fait beaucoup fustiger là-dessus. Et je crois me rappler aussi que le choix de l’acteur de Wolverine avait pas mal provoqué de remous – sa taille, le fait qu’il ne soit pas assez « laid ». Mais jusque-là, est-ce que tu dirais que ce sont eux qui ont trouvé le plus d’équilibre – sans que ça soit « parfait » – entre les fans de comics et le grand public ? C’est pour ça que tu as choisi de ne pas en parler ?
    Oh et aussi…Tu as entendu parler des Guardians, les « Avengers russes » ? Là je t’avoue que je ne connais pas le matériau d’origine…Mais j’aimerais bien voir comment ils s’en sortent !

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    1. Si je n’ai pas parlé de X-Men c’est surtout parce que j’ai beaucoup de mal avec ces adaptations. Pas à cause d’une incohérence (encore qu’ils ont créé eux-mêmes les incohérences dans leur propre univers cinématographique : voir ma critique de Apocalypse) avec le matériau d’origine, mais surtout parce que j’ai trouvé la quasi totalité des films très mauvais. Des enjeux rarement très ambitieux, la réflexion sur la condition de « mutant » qui passe au second plan, etc. Le film le plus réussi pour moi est « X-Men : Le commencement » mais c’est une goutte d’eau dans un océan de médiocrité… Bon, Days of Future Past était pas trop mal. J’ai beaucoup aimé Logan, mais il s’éloigne complètement des autres films.
      Mais je suis quand même d’accord sur l’équilibre trouvé : j’aurais pu citer leur Wolverine qui a beaucoup inspiré ensuite les dessinateurs de comics, qui peu à peu l’ont transformé pour se rapprocher de Hugh Jackman. Ou même le fait que ces films, peu importe leur qualité, ont véritablement inscrit les super-héros dans le paysage cinématographique avec des films d’action grand public.

      J’ai vu Guardians oui, je ne sais pas s’il s’agit d’une adaptation, mais en tout cas j’ai trouvé ça très moyen. Très caricatural, avec des héros sans vie ni passé, juste une aventure un peu épique entre le bien et le mal…

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