Le DC Extended Universe n’a cessé de décevoir au fil des années : un Man of Steel timide et oubliable, un Batman v Superman improbable et un Suicide Squad aberrant. Pourtant il y a eu un sursaut avec Wonder Woman, cette année qui, malgré ses défauts, a été capable de renvoyer l’héroïne à son rang d’icone. Une réussite, et c’est sur celle-ci que tente de se construire Justice League de Zack Snyder et Joss Whedon.
Des milliers d’années plus tôt les Amazones, les Atlantes et les Humains se sont unis face à une menace commune : Steppenwolf et son armée de Paradémons. Il est de retour, et pour faire face à lui Wonder Woman (Gal Gadot) et Batman (Ben Affleck) n’ont d’autre choix que de former une équipe de super-héros en allant chercher des personnes aux pouvoirs hors du commun. C’est ainsi qu’ils vont recruter Barry Allen (Ezra Miller), Artur Curry (Jason Momoa) et Victor Stone (Ray Fisher) ; autrement dit Flash, Aquaman et Cyborg, trois héros en devenir qui devront assumer leur nouveau statut.
The World Needs Superman
Je me suis déjà longuement étendu par le passé sur mes attentes en matière de films adaptés de comics de super-héros. N’étant pas un partisan de l’adaptation littérale, la liberté qu’offrent ces univers à leurs nombreux auteurs doit également se retrouver au cinéma. Pour autant, chaque auteur de comics s’attache à conserver l’essence des personnages, leurs idéaux et leur attitude. Quelque chose qu’on ne retrouvait pas dans Batman v Superman, avec des personnages qui ne savaient pas trop ce qu’ils faisaient ici, donnant lieu à un film assez improbable (au-delà d’une réalisation complètement ratée). Naturellement et pour ces raisons j’étais dubitatif en allant voir Justice League, mais aussi par crainte de retrouver une énième fois ce côté gamin qui découvre le slow-motion et les filtres de couleur de Zack Snyder. Arrivé là, et pour inaugurer la première salle IMAX d’Orléans ouverte il y a quelques jours, le film m’a rapidement installé dans un confort certain afin de dérouler une histoire somme toute classique, mais néanmoins efficace.
Sortir un film Justice League alors que le grand public n’a pas eu l’occasion de découvrir au préalable les personnages de Flash (si ce n’est dans une série qui n’a aucun lien avec le film), Cyborg et Aquaman était probablement une mauvaise idée, obligeant le réalisateur à nous proposer une succession de scénettes introduisant les personnages et leurs pouvoirs. Celles-ci se révèlent assez peu réussies tant le découpage est improbable, passant d’une scène à l’autre sans véritable liant si ce n’est de faire une galerie des personnages. Pour autant, c’est difficile de voir comment le réalisateur aurait pu faire autrement, et ces scènes ont le mérite de bien installer la personnalité de chacun des héros. Une fois cette étape passée, le film montre au public une nouvelle menace en la personne de Steppenwolf et de ses « paradémons » que l’on voyait déjà dans le fameux rêve du Chevalier Noir dans le film Batman v Superman. Une menace qui dépasse l’Humanité, quasi-mythologique pour laquelle les peuples devront s’allier. C’est là que la Justice League naît enfin, avec Wonder Woman et Batman en leaders naturels.
Le tour de force ici pour Zack Snyder, et éventuellement Joss Whedon qui l’a remplacé au pied levé à la post-production suite à d’un drame familial, est d’avoir rendu à tous ces héros leur stature d’antan. Ou du moins, le rang d’icônes qu’ils ont atteint au fil de décennies d’apparitions dans les comics. Les scènes « iconiques » se succèdent et comme à son habitude le réalisateur américain s’attache à l’image renvoyée par ses personnages. Et pour une fois, c’est quelque chose que j’ai apprécié. Si cette fois-ci sa démarche est réussie, c’est aussi parce que le film ne s’égare pas et bénéficie d’une cohérence certaine dans ses intentions. La menace est clairement définie et la construction de l’équipe, la mise en place de leur plan et son exécution est très réussie. Malgré des coupes importantes dans le film et des scènes qui tournent court sans trop de raison, le film reste globalement cohérent en offrant une aventure que l’on imaginerait sans mal dans un excellent comics Justice League. Le réalisateur s’amuse d’ailleurs à multiplier les scènes « tableau » où ses personnages vont être stoppés l’espace d’un instant pour donner au spectateur ce sentiment de voir défiler sous ses yeux des bulles de comics, un procédé classique chez lui mais qui sert cette fois-ci pleinement le récit. Celui-ci tournant autour encore une fois de la perception par l’Humanité des êtres dotés de pouvoir, il est intéressant d’y répondre par cette « iconisation » des héros et de saisir leur impact sur une société dysfonctionnelle. En l’espace d’une scène, celle qui montre une agression dans la rue alors que Superman est mort, le film parvient à saisir cette problématique et à mettre en avant l’importance d’une figure « idéale » pour donner espoir à une société sans espoirs.
Bien sûr le film bénéficie aussi et surtout de Wonder Woman, personnage largement plébiscité avec le film de Patty Jenkins, et que l’on retrouve là avec plaisir tant le mythe créé par la réalisatrice et Gal Gadot fonctionne toujours aussi bien. J’insiste beaucoup sur ce personnage depuis la sortie du film il y a quelques mois, mais c’est à la hauteur de l’icône qu’elle représente et qui a fait énormément du bien à la pop-culture lors de son retour. Celle-ci manquait largement de personnages féminins d’une telle importance, encore plus dans l’univers des comics et de leurs adaptations qui restent malheureusement très masculins. Ici elle s’affirme encore un peu plus et n’a strictement rien à envier à ses partenaires, au contraire même, et porte à elle seule la Justice League.
As if it’s your last (Blackpink)
Il est difficile toutefois de passer outre certains défauts du film, principalement graphiques. La bataille finale à base de fonds verts se révèle au moins aussi ridicule que dans les bandes annonces, donnant une impression d’amateurisme que l’on retrouvait déjà dans les précédents films de la série, comme Wonder Woman. Encore une fois, l’incrustation des acteurs sur ces images est bien loin des standards d’aujourd’hui et on n’aura jamais aucun mal à détecter les images numériques. Cela est surtout criant lors des déplacements en véhicules ou lors des scènes de combat, ces dernières donnant même parfois l’impression d’être tout droit sorties des jeux vidéo Injustice. L’utilisation de 3D à outrance donne un aspect plastique au film, empiétant sur les acteurs et donnant le sentiment de n’assister pour l’essentiel qu’à un film d’animation mal branlé. Zack Snyder et le reste des équipes qui travaillent sur les films du DC Extended Universe devraient vraiment faire attention à cela, car si cela est déjà ridicule aujourd’hui, ces films risquent de très mal vieillir. Si on peut comprendre que des films comme la prélogie de Star Wars aient mal vieillis à cause de l’utilisation de techniques d’incrustation encore récentes et mal maîtrisées pour l’époque, c’est un peu plus dommageable pour un film en 2017 alors que de nombreux studios très talentueux maîtrisent ces techniques sur le bout des doigts. A trop vouloir limiter les frais en post-production, la Warner échoue à proposer un film visuellement réussi et il peut parfois faire rire, comme cette moustache de Henry Cavill supprimée en post-production, lui donnant un aspect parfois très étrange. Un constat encore plus alarmant quand Zack Snyder ne parvient pas à établir la moindre cohérence visuelle sur la fin du film, donnant le sentiment que cette dernière partie est complètement détachée du reste.
Sur un autre point, je regrette également la décision de dénuder un peu plus les Amazones : celles-ci étaient fantastiques dans Wonder Woman, et choisir de modifier légèrement leurs costumes pour révéler encore un peu plus leur corps rappelle à quel point Zack Snyder peut se révéler détestable dans sa manière d’aborder les femmes dans ses films.
Alors Justice League est-il un bon film de super-héros ? Assurément. Malgré l’affection très limitée que j’ai pour le travail habituel de Zack Snyder, force est de constater qu’il parvient ici avec Joss Whedon à proposer un film à la hauteur des mythes qu’il prétend adapter. Wonder Woman, Batman et Superman sont des personnages difficiles à manœuvrer car ils ont largement marqués la pop-culture, même au niveau du grand public. Et la plus grande qualité du travail de Snyder est d’avoir rendu à ces personnages leur rang d’icônes. Si le travail de Christopher Nolan sur Batman était bon pour d’autres raisons, Snyder a su enfin comprendre les idéaux de ces personnages et leurs figures emblématiques. Certaines scènes se détachent et deviennent de véritables bulles de comics, mettant en valeur des mouvements, des poses propres à ces personnages, tandis que leurs discours et leur détermination rappelle leur stature et leur influence sur la jeunesse. Finalement, Snyder et Whedon n’ont fait qu’emboîter le pas à l’excellent travail de Patty Jenkins sur Wonder Woman, permettant aux spectateurs de retrouver ici les icônes de leur jeunesse.