Licence culte pour les amateurs de cinéma de science-fiction, chaque sortie d’un nouveau Star Wars est un petit événement. Et lorsque c’est un épisode principal de l’histoire débutée il y a quarante ans, les attentes sont grandes et la pression immenses sur les épaules du réalisateur Rian Johnson. Il affirmait sa volonté d’amener la licence vers de nouveaux cieux, alors Star Wars, épisode VIII est-il à la hauteur ?
Suite aux événements du Réveil de la Force, Rey (Daisy Ridley) a enfin pu rencontrer Luke Skywalker (Mark Hamill) et lui demander de la former. Alors qu’elle apprend à maîtriser son lien avec la Force, la Résistance tente d’échapper au Premier Ordre de Snoke qui a lancé un assaut sur leur base.
The Supremacy
S’attaquer à Star Wars est un exercice difficile, et le réalisateur J.J. Abrams l’a appris à ses dépens en voyant la gronde des « vrais fans » autoproclamés qui ont trouvé tous les défauts du monde à son Star Wars VII. Tantôt trop proche de l’épisode IV, tantôt pas assez respectueux de l’univers qui s’est créé autour de la licence, il semblait impossible de convaincre ces fans qui devraient probablement commencer à comprendre qu’il existe autant de visions différentes que de personnes. Alors avec l’arrivée de Rian Johnson sur la licence, réalisateur qui entendait imposer ses idées à Disney, tout indiquait un bouleversement qui ne ferait pas plaisir à tout le monde.
Et c’est ce qui est arrivé : je le dis tout de suite, Star Wars VIII est un ovni dans l’univers créé par George Lucas, une curiosité qui dépasse les codes de la saga et qui refuse de s’enfermer dans un imaginaire qui tourne en rond. Le mythe de la dynastie Skywalker est remis en cause, « l’équilibre de la Force » n’est plus l’élément central de l’histoire et enfin, le réalisateur dépasse le cadre de l’opposition des forces du Bien et du Mal pour offrir des personnages plus nuancés dans une quête intergalactique qui tache.
On retrouve ici une Rey pleine d’espoir, qui a enfin trouvé le vénéré Luke Skywalker, héros parmi les héros et symbole de la résistance. Mais elle se retrouve confrontée à un vieil homme pour qui la lutte n’est plus qu’un lointain souvenir, une erreur dans une vie qu’il aurait aimé plus paisible, alors qu’il recherche la paix tant convoitée en attendant sa propre mort. Cette rencontre attendue entre les deux protagonistes vient symboliser la suite d’une saga qui va se renouveler : plutôt qu’un passage de flambeau prévu de longue date, leur rencontre est annonciatrice de la fin d’une histoire, d’un livre qui se referme pour laisser les Skywalker disparaître d’une galaxie qui a désormais d’autres préoccupations. Luke n’est plus le héros espéré par la Résistance et Rey devra apprendre à se battre sans lui, elle devra apprendre à se retrouver et à maîtriser son pouvoir sans l’aide d’un Maître Jedi.
L’autre pendant du film, c’est toute l’intrigue autour de Finn (John Boyega) et Rose (Kelly Marie Tran), cette dernière étant une nouvelle venue au casting qui s’impose rapidement comme la leader d’un duo assez inattendu. Alors que la Résistance est au pire de sa forme, les deux se lancent dans une quasi-mission suicide, qui rappelle sans mal Rogue One, dans l’espoir de sauver leurs compagnons. Une histoire dans l’histoire, comme une aventure parallèle qui offre ainsi deux points de vue bien différents sur un même conflit. C’est avec ces deux-là que l’on va voyager et découvrir une nouvelle planète bienvenue dans le très riche univers de Star Wars. Cette séquence, presque hors du temps, offre une facette sympathique des personnages qui nous emmène pendant quelques minutes dans un film d’aventure. C’est d’ailleurs là que se trouve la force des Derniers Jedi de Rian Johnson, cette manière de nous embarquer dans une multitude de petites aventures au sein d’un film extrêmement généreux, plein de bonnes idées et avec la firme intention de donner un coup de pied dans une licence qui s’est trop reposée sur ses lauriers. Et cela passe par des personnages, bien que non sensibles à la force, mis en avant dans une histoire qui se focalise enfin sur la Résistance : exit les histoires d’équilibre de la Force et de Sith, désormais les héros sont toutes les petites mains qui s’opposent au Premier Ordre. Un revirement dans une licence qui a toujours reposé sur la famille des Skywalker, mais surtout un grand bol d’air frais avec l’impression que le réalisateur s’est essentiellement appuyé sur l’excellent travail de Gareth Edwards sur Rogue One.
D’autant plus que le film offre une place prépondérante à son méchant, Kylo Ren (Adam Driver), qui se dévoile ici un peu plus et vient confirmer qu’il est probablement un des meilleurs personnages de la saga. Loin du déterminisme et des caprices mal placés d’Anakin/Dark Vador, Kylo Ren est un personnage entier et nuancé qui s’inscrit parfaitement dans la vision du réalisateur.
The Rebellion is Reborn
Space opera riche, Star Wars VIII : Les Derniers Jedi n’en reste pas moins la vision d’un réalisateur amoureux de la licence. Désireux de se détacher d’un passé qu’il a parfois tendance à moquer au travers de quelques scènes, comme lorsqu’il adresse avec beaucoup d’humour une des principales critiques émises à l’encontre de l’épisode VII, Rian Johnson ne renie pour autant pas tout ce qui a fait l’essence de la saga. Les clins d’oeil sont nombreux et les personnages historiques sont traités avec beaucoup de sensibilité et d’amour. On note la Générale Leia (Carrie Fisher) par exemple qui occupe une place formidable et qui est mise en scène avec tendresse par le réalisateur. Mais aussi une utilisation bien maîtrisée de la musique de John Williams qui signe là une performance à la hauteur des espoirs placés en lui.
Le film est de manière générale exécuté sans mal, avec une photographie sans faille qui saisit l’instant de certaines scènes qui apparaissent pratiquement comme des fresques fantasmées par des amoureux de cet univers. Je pense à une opposition entre deux personnages notamment qui tire sa force non seulement de l’aspect dramatique de la scène, mais également de la photographie de Rian Johnson et Steve Yedlin qui ont parfaitement su saisir l’importance de cette scène.
Alors que Star Wars épisode VII avait initié un passage de flambeau entre l’ancienne et la nouvelle génération, l’épisode VIII habilement sous-titré Les Derniers Jedi opère un revirement dans sa manière de traiter les différents thèmes propres à la franchise, tout en n’oubliant pas de rendre hommage à des personnages cultes. Pour autant le réalisateur dépasse ce simple clin d’œil en transmettant l’aura de ces héros du passé à des petits nouveaux qui sont aujourd’hui capables de s’affirmer. Si Rey, Finn ou même Poe Dameron (Oscar Isaac) étaient quelques peu timides lors de leur première apparition, ces personnages deviennent centraux et semblent en mesure d’atteindre les rangs d’icônes qui appartenaient jusque là aux Leia, Luke et autre Han Solo. Et finalement, on retiendra le superbe hommage de Rian Johnson à ce passé dont il a tant voulu se détacher. Lorsqu’un symbole de ce passé quitte cet univers, il le met en scène en lui rendant avec brio son image iconique. Un grand moment d’émotion, et surtout un plaisir en réalisant que la licence est enfin capable d’évoluer vers de nouvelles aventures.
Pour conclure, je me contenterai de reprendre les mots des crédits de fin.
In loving memory of our Princess Carrie Fisher.