Battle of the Sexes, un match pour l’égalité

Billie Jean King est une des figures de la défense des droits des femmes et de la communauté LGBT aux Etats-Unis. Seule femme honorée par la médaille présidentielle de la Liberté qui lui a été remise par Barack Obama en 2009, elle s’est distinguée à l’occasion de la « bataille des sexes » en 1973 à l’occasion d’un match de tennis. Et c’est sur cet épisode de sa vie que revient Battle of the Sexes, réalisé par Valerie Faris et Jonathan Dayton.

En 1973 la numéro 1 mondiale Billie Jean King (Emma Stone) refuse de participer à un énième tournoi où les dotations sont largement déséquilibrées entre les hommes et les femmes. En effet, ces dernières ne recevront qu’à peine 10% de la prime versée aux joueurs masculins quand bien même les matchs attirent autant de spectateurs. Devant sa gronde, les joueuses féminines sont exclues de la Fédération américaine de tennis. C’est alors qu’elle va fonder la Women’s Tennis Association avec l’aide de Gladys Heldman (Sarah Silverman), directrice du magazine World Tennis, et quelques autres joueuses professionnelles. L’objectif est de montrer que les femmes sont elles aussi capables de créer un circuit professionnel et de s’en sortir sans le soutien de la fédération. Pendant ce temps, Bobby Rigs (Steve Carell), ancien numéro 1 mondial et foncièrement misogyne tente de faire parler de lui en lançant un défi à Billie Jean King : un match d’exhibition, convaincu qu’une femme est incapable de battre un homme.

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One Dollar

Championne de tennis, Billie Jean King s’est avant tout distingué par sa lutte en faveur des droits des femmes et de la communauté LGBT. Si aujourd’hui le circuit WTA (Women’s Tennis Association) est une évidence pour les amateurs de ce sport et qu’il brasse sans mal des millions, à l’époque les joueuses féminines étaient soumises aux fédérations qui voyaient d’un bien mauvais oeil que des femmes puissent gagner autant d’argent qu’un homme. Jack Kramer, ancien tennisman et membres éminent de la Fédération américaine, en est d’ailleurs le meilleur exemple puisqu’il a poussé vers la sortie les joueuses de tennis, considérant que leurs matchs n’étaient que des mises en bouche sympathique avant la véritable compétition entre les hommes.
C’est dans ce contexte que l’héroïne se lance dans un pari fou, celui de monter une association professionnelle de tennis exclusivement féminine. Du fait de son aura elle est rapidement rejointe par des joueuses qui acceptent d’y adhérer pour quelques cents symboliques, tirant un trait sur leur rémunération habituelle pour porter une idée et défendre leurs droits. C’est un épisode fondateur du tennis moderne, et le film s’attache à le dépeindre dans toutes ses subtilités et ses difficultés alors que ces joueuses, qui ont permis à de nombreuses tenniswoman de briller et de vivre de leur passion, ont tout sacrifié pour un idéal. Il faut bien le comprendre : si la rémunération des joueuses de tennis était ridicule en comparaison des hommes, elles avaient tout à perdre dans cette histoire. Dans une société encore plus sexiste et misogyne qu’aujourd’hui les joueuses n’avaient pas le droit d’exister, et la seule raison pour laquelle on les laissait concourir c’était, selon les mots des membres de la fédération tels que représentés dans le film, qu’elles étaient plus agréables à regarder que des hommes.

Billie Jean King est ici montrée comme une passionnée mais surtout une personne de conviction, qui malgré l’amour qu’elle porte à son sport en a assez d’être traitée comme une poupée que l’on agite pour attirer le chaland. A l’origine elle n’est pas convaincue par l’intérêt de disputer un match d’exhibition contre un homme, mais la personnalité folle de Bobby Rigs va la convaincre de le faire. Joueur excentrique adepte des punchlines misogynes, entretenu par sa femme mais capable dans le même temps de dire que les femmes ne doivent pas sortir de la cuisine, c’est un homme détestable et pourtant adulé par un public qui s’amuse énormément devant ses frasques. S’il est bien plus âgé que Billie Jean King (55 et 29 ans), il affirme haut et fort qu’aucune femme ne serait capable de le battre sur un court de tennis, pas même la numéro 1 mondiale. Alors plus que la recherche d’une performance sportive, ce match sera surtout l’occasion de montrer à un homme qui symbolise à lui seul tous les travers sexistes de l’époque qu’une femme est parfaitement capable de battre un homme. Si le match a été nommé la « bataille des sexes » ce n’est pas pour un simple effet d’annonce, il s’agit bien là d’une bataille des sexes dans sa plus pure forme, une opposition entre deux mondes et tous les préjugés qui l’accompagnent. Valerie Faris et Jonathan Dayton parviennent parfaitement à faire monter la sauce tout au long du film jusqu’à cette fameuse bataille. On voit en effet en parallèle le combat de Billie Jean King pour apporter un crédibilité à son association, tandis que Bobby Rigs est dépeint comme un ancien sportif raté, accro aux jeux d’argent et malheureux dans une vie bien différente de ses convictions. Le misogyne notoire ne vit que grâce à l’argent de sa femme, et on comprend assez vite qu’au-delà de ses convictions, ses attaques à l’encontre de la joueuse de tennis n’est qu’une émanation d’un complexe bien plus important pour lui.

Crimson and Clover

Et c’est bien là tout l’intérêt de Battle of the Sexes. Si le film s’en sort à merveilles sur sa manière de raconter cette époque où le tennis féminin s’est affirmé, c’est aussi une très belle histoire entre deux personnes que tout oppose et qui vont régler leurs différends pendant un match. La tension est de mise et la réalisation fait la part belle au combat de la vie de cette femme qui a mis en jeu sa carrière, alors qu’elle était au sommet de sa forme, pour faire valoir ses droits. La réalisation est sobre et propice à la mise en valeur de ses personnages, évidemment Billie Jean King qui est incarnée par une excellente Emma Stone, ici parfois méconnaissable mais qui se révèle toujours juste dans son interprétation. Elle s’est très bien appropriée l’époque et ses codes et se révèle convaincante dans un rôle pourtant pas évident, la sportive ayant une personnalité bien affirmée et assez éloignée des rôles auxquelles l’actrice est habituée. De manière générale, le film est maîtrisé et révèle la vision d’une réalisatrice et d’un réalisateur qui ont su traiter une histoire importante du tennis et de la défense des droits des femmes aux Etats-Unis.

En définitive Battle of the Sexes est un film rondement mené. S’inscrivant dans une époque fascinante tant visuellement que pour sa manière d’aborder le féminisme, adapter l’histoire de Billie Jean King sur grand écran était une excellente idée. Son combat pour les droits des femmes a été décisif, notamment sur la condition des joueuses de tennis, et se révèle absolument passionnant.

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