Red Sparrow, retour vers la guerre froide

Adapté du roman du même nom de Jason Matthews, Red Sparrow est un film d’espionnage réalisé par Francis Lawrence. L’actrice Jennifer Lawrence y incarne une agente russe prête à tout pour s’en sortir.

Dominika (Jennifer Lawrence) est une danseuse étoile du Bolchoï, un rêve détruit alors qu’elle se blesse gravement lors d’une représentation. Elle ne pourra plus jamais danser mais elle ne peut se résigner, elle doit s’occuper de sa mère malade. Son oncle Ivan (Matthias Schoenaerts), haut placé aux services de renseignements, lui propose un poste. C’est ainsi qu’elle se retrouve à l’école des « moineaux », des agents secrets russes qui apprennent à séduire pour manipuler. C’est ainsi qu’elle va devoir s’approcher de Nate (Joel Edgerton), un agent américain recherché par la Russie.

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Le fantasme de l’agent secret russe bat son plein dans Red Sparrow. De l’agente séduisante et usant de ses charmes pour parvenir à ses fins (et blonde, bien entendu) aux accents forcés par des acteurs et actrices qui sont aussi russes que moi (notons l’effroyable VF à ce propos), on peut légitimement penser que Justin Haythe et Jason Matthews (le scénariste et l’auteur du roman dont le film est adapté) sont allé puiser leur inspiration dans les méandres du cinéma d’espionnage américain des années 1980-1990. Oui, je parle de ce cinéma d’action où les soviétiques portaient tous des chapka et buvaient un peu trop de vodka. Une vision assez cliché qui s’observe d’autant plus du côté de la manière de représenter la Russie : des bâtiments mornes aux formes parfois improbables rappelant l’architecture soviétique de l’après-guerre, et un peuple empli de haine envers tout ce qui ne lui ressemble pas. Pourtant Red Sparrow n’en reste pas moins un moment de cinéma tout à fait appréciable. Cette vision pleine de cliché de l’éternel ennemi des américains permet au réalisateur de s’épanouir dans un véritable récit d’espionnage à l’ancienne, reprenant tous les codes du genre pour proposer un film de genre qui se fait bien rare de nos jours.
Le film évite ainsi de tomber dans l’action à tout prix et se révèle extrêmement brute, terre à terre, mais surtout violent dans son approche des relations entre les agents. Les scènes de formation de l’héroïne permettent de construire un personnage froid, capable de manipuler mais aussi obtenir ce qu’elle souhaite sans faire obstacle à ses principes.

Initialement victime de son entourage, le personnage s’affirme afin de prendre son destin en main, un schéma classique du cinéma d’espionnage. Avec ses complots et ses rebondissements, le genre donne une place prépondérante à l’agent qui tôt ou tard devra faire un choix. Un choix bien amené, même si le twist dans le twist donne le sentiment que le film en fait trop. Alors que le réalisateur propose un film relativement sobre, le récit finit par s’embourber dans ce qui est aussi une des caractéristiques du cinéma d’espionnage : les retournements de situation à n’en plus finir, les personnages qui s’aiment puis se détestent (et se re-aiment), et la vague impression que le roman de Jason Matthews est probablement à classer dans la littérature de gare.
Je suis dur avec le film, pourtant je l’ai beaucoup apprécié. Le réalisateur offre en effets quelques beaux moments de cinéma comme l’introduction du film, puissante et bien sentie, tandis que son attachement et sa passion pour le cinéma de genre se sent à des kilomètres. On a véritablement affaire à un réalisateur qui aime l’espionnage et tous les films que le domaine a inspiré, un époque révolue aussi tant de nos jours les espions sont dépeints de manière sensiblement plus… infaillibles. Red Sparrow est l’héritier d’un genre qui se fait rare, comme si nous étions encore en pleine guerre froide.

« Blonde suits you »

C’est là que le film est fort. Ce qui sera sans nul doute analysé comme une faiblesse par ceux qui ne sont pas sensibles à ce genre parfois risible sert pourtant pleinement le film. Oui, Red Sparrow n’est pas un grand film, ni même un très bon film d’espionnage. Mais il rappelle l’époque où les œuvres d’action et d’espionnage exploitaient sans limite ni honte les clichés et préjugés que les deux super-puissances avaient l’une sur l’autre. Presque nostalgique de ce cinéma, Francis Lawrence exécute son film avec justesse malgré quelques errements ici et là. L’utilisation de la musique est vraiment excellente et joue un rôle central dans le récit, rythmant les scènes et jouant largement sur les émotions des personnages. D’autant plus que Jennifer Lawrence joue elle sa partition avec conviction, si son rôle est loin de la complexité d’un Winter’s Bone ou Happiness Therapy, elle semble s’y éclater au moins autant que j’ai pris de plaisir à la voir se mettre dans la peau d’une agente russe stéréotype de l’imaginaire collectif.

Red Sparrow est l’archétype même du film pop-corn : Francis Lawrence y passe en revue tous les clichés du genre et rend hommage à un cinéma d’antan, qui aujourd’hui a le plus souvent sa place dans la série B. Toujours sérieux et parfois violent, le film se révèle des plus sympathiques tant le récit est rythmé et filmé avec classe par son réalisateur. Beau à voir mais pas mémorable, Red Sparrow est un bon divertissement qui m’a donné envie de revoir les films les plus improbables de l’époque. Et puis bon, il n’y aura rien de plus drôle cette année que Jeremy Irons en général russe tout droit sorti d’une bande dessinée.

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