Ready Player One, la pop culture sacralisée

Film très attendu tant le retour de Steven Spielberg au cinéma de science-fiction était désiré, Ready Player One est une adaptation un roman Player One de Ernest Cline. Présenté comme un hommage à la pop culture des années 1980-1990 alors que la jeunesse des années 2000 se passionne de plus en plus pour elle, c’est avant tout à un film pas vraiment convaincant auquel on a droit.

En 2045 le monde fait face à de nombreux problèmes, la pauvreté et la famine ont atteint les pays les plus riches et le peuple cherche de nouvelles manières d’échapper à son quotidien morose. James Halliday, un visionnaire et concepteur de jeux vidéo a créé un jeu en ligne massivement multijoueur, l’Oasis. Un monde accessible avec un casque de réalité virtuelle et qui permet à tout le monde de vivre une vie bien plus agréable dans la peau d’un avatar. A sa mort apparaît une nouvelle quête : celui qui parviendra à trouver l’easter egg, un secret du jeu, héritera du jeu et de la fortune de Halliday. Wade Watts (Tye Sheridan), un adolescent qui vit dans les bidonvilles de Columbus va tenter sa chance et mener une grande aventure aux côtés de Aech et Art3mis, deux avatars qu’il a rencontré dans le jeu.

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Everywhere at Once

Rien de très original à se mettre sous la dent, l’histoire est la même que la totalité des films de science-fiction mettant en scène des adolescents ces dernières années : un futur où les inégalités sociales se sont creusées, une corporation très méchante avec un chef caricatural et un héros qui va tomber amoureux de l’héroïne à peu près cinq minutes après l’avoir croisée. Mais c’est aussi une manière d’effacer l’intrigue derrière les véritables intentions du film, c’est-à-dire du très grand spectacle où ceux qui sont nés ces vingt, trente ou quarante dernières années y trouveront des dizaines de références de leur enfance. Avant la sortie du film la crainte était d’y retrouver ce name dropping tant redouté, un procédé consistant à balancer à chaque occasion un nom faisant référence à une oeuvre de pop culture. Et c’est une crainte qui se confirme assez rapidement, la plus grande faiblesse du film résidant dans cette manière d’utiliser chaque dialogue pour étaler les connaissances culturelles des personnages. Si le spectateur voit parfaitement ce qui se passe à l’image et observera, comprendra certaines références, le film vient enfoncer le clou avec des personnages qui rappellent sans cesse ce qui se passe : quand on voit le géant de fer, un personnage le dit, quand on voit la moto d’Akira, un personnage le dit. Un non-sens complet dans une société où la jeunesse s’est mise à idéaliser et sacraliser la pop culture. Tous ces personnages ont les mêmes références et les mêmes idoles, ils n’ont pas besoin que leurs amis leur expliquent ce qui se trouve dans leur environnement. L’effet est même contre-productif puisque le spectateur se retrouve gavé de références tel un canard à la veille des fêtes de fin d’année. Pendant qu’un personnage raconte qu’il a vu la moto d’Akira, on voit la DeLorean de Retour vers le Futur à l’écran aux prises avec King Kong. Le film ne laisse strictement aucun répit et multiplie ces références dans le but inavoué de toucher toutes les générations. Si personne ne sera vraiment capable de déceler l’intégralité des références tant elles sont multiples et renvoient à des médias très différents, tout est mis en œuvre pour que chaque spectateur soit touché par au moins quelques références. Ainsi le film insiste bien trop lourdement là-dessus, alors qu’il excelle par ailleurs.
En effet le trop plein de références devient presque jouissif lorsque les personnages se taisent et laissent l’image reprendre la main. Non seulement le film est une formidable réussite visuelle, mais en plus les scènes dans l’Oasis, le monde virtuel, sont rythmées d’une main de maître. Lorsque le réalisateur se réapproprie Shining, ou qu’il emmène nos héros sur une course folle aux multiples obstacles, Ready Player One exploite tout son potentiel en utilisant intelligemment cette pop culture. On comprend alors que toute ce pan de la culture a pris une place prépondérante dans l’imaginaire et la création, et devient un véritable terrain de jeu pour le peuple. C’est une position intéressante, moi-même exploitant la pop culture sur ce blog il est évident que je m’y suis retrouvé : voir un Gundam s’attaquer à un Mecha Godzilla, c’est voir avec mes yeux d’enfants ce dont j’aurais pu rêver à l’époque. L’action est jouissive, ce sentiment de voir un gigantesque crossover des œuvres de notre enfance balaie à chaque fois les épouvantables dialogues qui l’ont précédé. Parce qu’il est là l’objectif du film, divertir, en mettre plein les yeux, et il y parvient.

Souci, les personnages s’effacent complètement derrière l’univers et ses multiples références. Ni charismatiques, ni vraiment intéressants, ils incarnent des tonnes de clichés sur la jeunesse. Du héros débilement amoureux à l’héroïne qui a peur de montrer ses imperfections, ils ne sont qu’une représentation dépassée de la jeunesse telle qu’on nous la montrait il y a vingt ou trente ans. Si la subtilité et l’écriture de John Hughes (qui sera nommé parmi les milliards de références, évidemment) faisaient de Breakfast Club et Ferris Bueller des films formidables, parfaitement inscrits dans leur époque, les gros sabots de Steven Spielberg et Ernest Cline nous amènent au contraire dans quelque chose d’attendu et d’assez désagréable. Le héros ne voit l’héroïne que par son physique (et ira de son compliment à chaque fois qu’il la croise) tandis qu’elle ne se considère que par rapport à son propre physique. Heureusement elle se retrouve finalement dans une position clé de l’intrigue et est celle qui débloque une situation qui semblait impossible, de quoi éviter in extremis de tomber dans le cliché de la princesse en détresse si cher à la pop culture de l’époque. Je ne m’attarderais pas sur les personnages secondaires : des japonais qui sont, forcément, des samouraï et ninja à la bonne copine noire que l’on est à deux doigts de désigner comme « magical negro« , tout ça devient vite très gênant.
D’autant plus que Ready Player One ne prend strictement aucun risque dans son intrigue. Comme je le disais précédemment le film ne surprend pas et nous amène dans un récit tel qu’on en a déjà eu dans des dizaines de films depuis des années. A trop vouloir rendre hommage à la pop culture, Ready Player One devient une caricature de cet univers et ne parvient pas à prendre de recul. L’histoire de la corporation maléfique ne présente strictement aucun intérêt tant les personnages, qu’il s’agisse du boss complexé par le pouvoir et son physique (bien plus « imposant » sur son alter-ego virtuel) ou la cheffe de la sécurité maléfique à frange courte, sont les mêmes que l’on retrouve dans tous les blockbusters de science-fiction. Certes il n’est pas difficile de comprendre l’intention du réalisateur, néanmoins la lassitude a pris place il y a bien longtemps et ce Ready Player One n’amène pas grand chose de plus que ses références.

Burning Down the House

Et il ne faut pas compter sur la fin pour relever le tout, la résolution de l’histoire n’étant pas plus fine, avec une morale (et un jour on débattra du véritable intérêt d’avoir une « morale » dans un film) amenée avec autant de délicatesse qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. En effet de la même manière que le spectateur est trop bête pour comprendre ce qui se passe à l’écran sans que l’on le lui dise dans chaque dialogue, la dernière réplique du film n’aura pour objectif que de donner cette « morale », une morale qui symbolise le sentiment d’avoir vu un film hors de son époque.
Parce qu’il est là le problème essentiel de Ready Player One. S’il propose des scènes terriblement jouissives et constitue un grand délire de pop culture qui accompagne parfaitement les popcorns, c’est aussi et surtout le film qui symbolise une vision de la pop culture d’il y a quinze ans. La réalité virtuelle n’est vue que comme un divertissement où se réunissent tous les vices consuméristes tandis que le jeu vidéo n’est qu’un loisir que l’on oppose encore et toujours à la vie et aux interaction sociales. Le film loupe complètement les questions qui se posent aujourd’hui autour de la réalité virtuelle et le jeu vidéo, notamment sur leur rapport à l’éducation et à la culture, mais aussi dans les relations sociales. Alors ce n’est pas nécessairement un mal puisque finalement Ready Player One remplit sans mal son contrat en proposant un divertissement grand public, mais peut-être qu’un réalisateur de la trempe de Steven Spielberg aurait pu proposer quelque chose de plus ambitieux et plus fin.

Il est bien difficile de se faire un avis concret sur Ready Player One : le grand spectacle est bien là, parfois jouissif le film en met plein la vue. Les multiples références visuelles sont terriblement excitantes et le réalisateur s’offre même un très bon moment avec l’hommage à Shining. Mais je ne peux pas non plus oublier malaise devant les dialogues, souvent mal écrits et toujours gênants. Les personnages seront très vite oubliés et s’effacent bien trop derrière un univers, pas plus inoubliable, qui semble avoir une dizaine d’années de retard.  Tant dans sa tentative de morale que son intrigue, le film symbolise une vision hautaine et condescendante sur la pop culture et ne s’en sert que comme finalité, une utilisation qui ne vise qu’à faire du bruit et attirer le chaland. On nous a annoncé un film pour les « geeks » et les amoureux de la pop culture, en réalité on a un film qui singe cette culture pour ne proposer qu’un blockbuster bien foutu, avec de vrais bons moments qui renvoient sans mal en enfance, mais loin de la claque que j’espérais prendre.

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