Désobéissance, l’amour contre les interdits

Adapté du roman de Naomi Alderman, Désobéissance est un film réalisé par Sebastian Lelio. Avec un duo d’actrices formidable à sa tête, le film nous raconte la manière dont deux femmes bravent les interdits dans une famille conservatrice et religieuse.

Ronit (Rachel Weisz), née dans une famille juive-orthodoxe londonienne a grandi entourée de religion. Avec un père rabbin, sa vie a souvent été dictée par ce qui était attendu par la communauté juive, jusqu’à ce qu’elle décide de claquer la porte et parte aux Etats-Unis vivre sa propre vie, libre. Mais lorsque son père décède, elle retourne dans sa ville natale, l’occasion de redécouvrir ses amis d’enfance, et subir à nouveau les invectives de sa famille.

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Beasts & Angels

La désobéissance, une notion à la portée fortement religieuse et familiale, un phénomène où une personne va s’écarter du « droit chemin » attendu par ses proches pour aller vers d’autres réalités. C’est le thème que traite Sebastian Lelio dans ce film, où une jeune femme indépendante est à l’opposé de ce que sa famille juive conservatrice attendait d’elle. Si elle a grandi à Londres avec un père rabbin, elle s’est rapidement émancipée pour partir aux Etats-Unis où elle travaille comme photographe. Son travail, son art est parfois difficile à voir pour sa famille, des clichés qui jouent sur l’érotisme et la liberté de corps et d’esprit. Mais quand elle doit retourner au Royaume-Uni pour les funérailles de son père, c’est tout un monde qui semble s’écrouler pour elle : la pression sociale et familiale qu’elle a fuit des années plus tôt s’exerce à nouveau contre elle, avec une force terrible. Désobéissance séduit par sa manière d’aborder avec simplicité des scènes du quotidien où la jeune femme va retrouver un à un ses anciens amis, découvrir la manière dont leur vie a évolué et ainsi comprendre qu’elle a bien fait de partir. Sa relation avec Esti (Rachel McAdams), qui a depuis épousé Dovid (Alessandro Nivola), son ami d’enfance, apparaît d’abord ambiguë. Les premières scènes qui les réunissent supportent une formidable tension qui semble indiquer un passé lourd entre les deux femmes et c’est au fil des minutes que l’on comprend l’amour, teinté d’incompréhension et de colère suite au départ de Ronit aux Etats-Unis, qui touche les deux femmes. Un amour interdit qu’elles n’ont pu assouvir, mais leurs vies se trouvent à nouveau bouleversées car les cartes sont redistribuées à un moment où elles ne supportent plus de voir leurs vies dictées par leurs familles.

Le duo Rachel Weisz – Rachel McAdams est au moins aussi exceptionnel que l’on pouvait l’espérer : les deux sensibilités s’entrechoquent et forment un duo comme on en voit rarement au cinéma, une alchimie de tous les instants pour deux femmes dont les rôles, très difficiles, semblent leur aller comme un gant. On n’a aucun mal à croire au personnage de Ronit, interprété par Rachel Weisz, une femme qui brave les interdits et refuse cette éducation juive-orthodoxe qui tentait de l’empêcher de vivre sa vie rêvée. En face d’elle Rachel McAdams, que l’on a souvent vu (et aimé) dans des comédies romantiques, joue là un rôle inattendu en jeune femme engluée dans un mariage qu’elle n’a jamais vraiment souhaité, victime des arrangements familiaux et soumise à ce que la religion lui dicte. Une femme qui a cessé de rêver, et pour qui le retour de celle qu’elle a aimé provoque une véritable remise en question de ce qui l’entoure. La tension, entre amour et colère, qui s’installe entre les deux personnages constitue évidemment un point central pour le film, mais surtout la véritable réussite du réalisateur. De sa mise en scène à sa direction des deux actrices, on sent aisément ce que le réalisateur chilien a souhaité mettre en place. Avec beaucoup de retenue, il emmène ses deux actrices dans une histoire d’amour terriblement dramatique, mais surtout fascinante, dans un monde où l’amour dans sa forme la plus sincère n’a pas réellement de place.

Disobedience

Néanmoins Désobéissance souffre souvent de son rythme. La beauté de la mise en scène et de la photographie tranchent avec un rythme qui peine à s’installer, entre une exposition constante et des personnages qui peinent à exister en dehors du duo d’héroïnes. Tous ces éléments donnent un film parfois difficile à suivre, avec une multitude de scènes assez peu intéressantes qui mettent en avant des personnages secondaires à l’impact très relatif. L’essentiel de l’intérêt réside dans la tension ambiante, mais le réalisateur ne parvient pas toujours à la maintenir, ni à donner une véritable épaisseur à ce qui entoure ses deux actrices. Pour autant il est difficile de lui en vouloir, car chaque fois que Rachel McAdams et Rachel Weisz apparaissent à l’écran, le film retrouve une forme de sensibilité et de grâce qui tranche avec brio dans cette ambiance religieuse, conservatrice, et surtout empreinte de l’omniprésence des hommes.

Sebastian Lelio propose un film touchant, la tension permanente l’alimente pour donner quelque chose d’inattendu. La relation entre les personnages principaux est formidable, les deux actrices se sont imprégnées de leurs rôles et offrent au public une esquisse intéressante de la vie de jeunes femmes dans une communauté ultra-conservatrice, où l’amour, la liberté et le désir apparaissent comme des insultes. On lui pardonne aisément ses errements et son rythme en dents de scie tant le reste fonctionne bien, grâce à des scènes d’une terrible beauté.

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