La catastrophe nucléaire de Tchernobyl, qui a participé à l’effondrement quelques années plus tard de l’URSS, a marqué les esprits. Des blagues relatives au nuage radioactif qui s’est arrêté aux frontières françaises grâce à une formidable propagande d’État de l’époque à, beaucoup plus grave, des répercussions sur la santé publique, c’est un tournant de la fin des années 1980 qui a rappelé le danger du nucléaire. La chaîne HBO s’intéresse à cette catastrophe dans la mini-série Chernobyl créée par Craig Mazin et disponible dans nos contrées sur OCS.
Chernobyl retrace l’histoire de l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en ex-URSS, des quelques minutes qui précèdent la catastrophe aux mois qui suivent avec les sacrifices humains de celles et ceux qui ont œuvré pour limiter l’ampleur de la catastrophe.
Evacuation
Chernobyl c’est l’histoire de failles, des failles humaines mais également étatiques : la série raconte le sacrifice et la détermination face à une catastrophe qui aurait pu changer la face de l’Europe. Le nucléaire fait peur, et chaque catastrophe rappelle le caractère volatile d’une énergie qui ne tolère que peu d’erreurs. Pourtant dans la centrale de Tchernobyl, à Pripiat en ex-URSS (et désormais au nord de l’Ukraine), on a assisté un soir d’avril 1986 à une série d’erreurs qui ont provoqué la fusion du réacteur n°4. Explosion, faisceau lumineux qui s’envole de la centrale de manière particulièrement inquiétante et force politique qui tente de se convaincre que l’accident est anecdotique : tout est réuni pour raconter les prémices d’une catastrophe. Le premier épisode de la mini-série (qui en compte cinq) est un tour de force, une formidable mise en situation alors que l’on vit le début de l’horreur. Personne n’ose y croire et les protocoles de sécurité paraissent bien vite obsolètes, à l’image de ces dosimètres incapables de mesurer les taux de radioactivité émis par le réacteur. Ce premier épisode raconte l’horreur la plus pure, le moment où tout tombe comme un château de cartes, sous les yeux médusés d’habitants de Pripiat à qui on dit rapidement qu’ils n’ont rien à craindre. Les pompiers arrivent, les peaux de ceux qui sont au plus près vont brûler, les radiations absorbées par les corps seront irréparables : c’est une introduction formidable à la série qui a raconte avec justesse et une mise en scène formidable ce qui s’est passé dans les têtes de celles et ceux qui n’osaient même pas croire à une catastrophe.
Puis au fil des épisodes Chernobyl va raconter le silence, les mensonges d’État à une époque où la course au nucléaire agitait les deux blocs de la Guerre Froide. On soumet l’hypothèse d’un sabotage de l’ouest alors qu’on refuse de croire que les réacteurs soviétiques puissent souffrir de défaillances (et il vaudrait mieux : il y en a beaucoup tout autour de l’URSS), le réalisateur Johan Renck met en scène les tractations derrière des portes fermées entre politiques prêts à tout pour sauver la face, et des ingénieurs condamnés à suivre leur volonté. Les décisions se prennent et le réalisateur s’intéresse plutôt à tous les anonymes, les pompiers, les soldats, les ouvriers qui sacrifient leur vie ou leur santé pour tenter d’endiguer la fuite de radiation. Pripiat est déjà condamnée, et le réalisateur filme d’ailleurs très bien son atmosphère qui se dégrade peu à peu, de ville peuplée et animée à un désert post-apocalyptique. Mais il est encore temps de sauver le reste de l’URSS et de l’Europe, ou au moins limiter l’impact de l’accident. C’est là que la série brille le plus, car si j’ai particulièrement détesté sa manière d’insister avec des gros plans sur les meurtris avec un voyeurisme souvent écœurant, Johan Renck brille dans sa manière de montrer le sacrifice du peuple au nom d’une même cause, les regards vides face à l’indescriptible, les âmes en peine alors qu’il faut répéter les gestes de manière mécanique pour déblayer et recouvrir le réacteur.
Bridge of Death
Mais la série ne brille jamais autant que dans son dernier épisode magistral où le procès de ceux à qui l’on va faire porter le chapeau, les ingénieurs et politiques responsables de la gestion de la catastrophe ce soir-là. Il y a un miroir formidable entre un soir d’avril et les dogmes qui portent le régime soviétique. Sans tomber dans une caricature politique, le showrunner Craig Mazin raconte le danger du nucléaire lorsqu’il est géré par des personnes soumis à des dogmes et croyances où l’échec n’existe pas. Il fallait sauver la face, il fallait montrer qu’ils étaient meilleurs que tout le monde, alors ils ont fermé les yeux sur les nombreux indicateurs d’une fission nucléaire à venir. Le dernier épisode est incroyable dans cette reconstitution des événements et erreurs qui ont menées à la catastrophe, jusqu’à une conclusion non moins passionnante où Valeri Legassov (joué par Jared Harris), le scientifique chargé de comprendre ce qu’il s’est passé, se voit signifier que la vérité n’a pas beaucoup d’importance. Chernobyl profite d’ailleurs d’un casting surprenant, avec notamment Jared Harris et Stellan Skarsgård qui forment un duo génial de subtilité. On regrette toutefois l’accent anglais de tous les acteurs : si c’est toujours mieux qu’un accent russe caricatural, j’ai parfois eu du mal à entrer dedans.
Fabuleux de justesse, Chernobyl met en scène la gestion d’une catastrophe sans précédent. Les non-dits et petits mensonges dans une course à la puissance déraisonnable deviennent le théâtre de sacrifices. Parfois trop graphique, il ne brille pourtant jamais plus que lorsqu’il suggère l’horreur au lieu de la montrer. Pas irréprochable, notamment avec quelques scènes qui virent à la surenchère, son final excuse tout pour laisser un formidable souvenir.
Cette série n’a décidément que des retours extrêmement positifs. A vrai dire, ce n’est pas un genre qui m’attire, à l’instar des films de guerre, c’est trop déprimant et réel à mon goût. Mais bon, comme j’ai un abonnement OCS et que Chernobyl se révèle comme un incontournable, je me laisserai tenter ! Par contre, j’ai cru comprendre sur Twitter que la série était truffée d’inexactitudes, tu en sais quelque chose ? Et petit fun fact pas très fun en fait, la Russie met en chantier sa propre série Chernobyl, n’étant pas satisfaite du portrait qui est fait du pays dans la série. Dans leur version, ils se concentreront sur une théorie populaire là bas (de ce que j’ai lu) : un espion de la CIA était présent le jour où ça a mal tourné, et la série suivra un agent russe chargé de le retrouver…
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Alors c’est difficile de déterminer avec exactitude ce qui est vrai ou faux. D’abord il y a eu beaucoup d’intox, par exemple un média américain qui explique une scène en disant qu’elle est fausse, sauf qu’il a vraisemblablement rêvé la scène (qui se passe exactement comme en vrai, même si en réalité celle-ci a eu lieu plus tard et pas quelques semaines après l’explosion).
Et puis dans un premier temps même les médias russes se sont félicités en disant qu’etonnamment, la série était assez fidèle. Puis, quelques semaines après, les mêmes médias ont dit l’inverse :D
Maintenant il y a tellement de zones d’ombre et d’intox autour de tchernobyl, entre ceux qui en profitent pour servir un argumentaire anti-nucléaire et ceux qui font l’exact inverse (comme un populaire youtubeur de vulgarisation scientifique qui explique que tchernobyl n’a pratiquement fait aucune mort directe, comme si les morts indirectes des radiations étaient négligeables…), qu’on serait bien incapable encore aujourd’hui de dire avec exactitude ce qui est vrai ou pas.
Cela dit Chernobyl se savoure pour la qualité de sa mise en scène et ses acteurs, ainsi que sa manière de traiter des luttes de pouvoirs et des croyances populaires, faut pas trop le prendre comme un documentaire ou récit réaliste !
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