Le deuil, dire au revoir, des moments difficiles dans la vie de chacun. Et ça l’est encore plus quand la personne est encore vivante, mais que sa mort prochaine lui est cachée par toute une famille qui souhaite lui faire profiter de ses derniers instants sans l’inquiéter. Une tradition chinoise que raconte la réalisatrice sino-américaine Lulu Wang dans L’Adieu (ou The Farewell) dans un film presque entièrement tourné en mandarin.
Billi (Awkwafina), une sino-américaine découvre par ses parents que sa Nai Nai (le surnom donné à la grand-mère, interprétée par Zhao Shuzhen) s’est vue diagnostiquer un cancer en phase terminale. Le problème est que la tradition pousse sa famille à cacher la maladie à la première concernée, Nai Nai, afin de lui faire vivre des derniers jours heureux. L’occasion d’organiser dans l’urgence le mariage de l’un des cousins de Billi, qui part à Changchun en Chine pour y redécouvrir ses racines auprès de sa grand-mère.

Un mensonge pour un sourire
Cacher la maladie à un être aimé pour qu’il puisse partir sans s’inquiéter, un choix douloureux que fait cette famille. La Nai Nai pense n’avoir qu’une maladie bénigne qui sera résolue par les médicaments que lui apporte son fils du Japon, tandis que certains tentent péniblement de retenir leurs larmes lors de repas de famille qui sonnent chacun comme le dernier. Ce voyage est également l’occasion pour Billi, incarnée de manière passionnée par Awkwafina, de retourner à ses racines. Celle qui a grandi aux Etats-Unis observe d’un air fasciné la ville de Changchun, découvrant les barres d’immeubles qui semblent venir d’une autre époque et l’ambiance bien différente de son quotidien. Cette scène se voit d’ailleurs répondre dans les derniers instants du film, comme un miroir, où un départ nostalgique vient remplacer la découverte ébahie du début. C’est un retour à ses racines, elle redécouvre ses origines et ses traditions dans une famille qui l’accueille avec bienveillance. Une famille qui s’est d’ailleurs dispersée aux quatre coins du monde, certains sont partis aux Etats-Unis tandis que d’autres sont au Japon, d’ailleurs l’un d’eux va se marier dans la hâte avec une japonaise pour que sa grand-mère puisse le voir avant son décès. C’est une dernière fête pour se dire adieu ; le mariage supposé être heureux deviendra probablement le dernier souvenir de la famille, et la dernière occasion de passer du temps avec cette grand-mère qui les quittera bientôt. Et pour cette gamine venue des Etats-Unis, la tradition qui pousse la famille à cacher la maladie à la première concernée est difficile à accepter.
C’est un dilemme moral qui s’impose à la jeune femme, entre la volonté de dire la vérité à sa grand-mère et la tradition qui pousse à la cacher. Un choix familial, effectué en groupe, qui provoque paradoxalement une certaine solitude pour la petite fille qui, redevenue gamine aux côtés de sa grand-mère tant aimée, doit cacher ses émotions. Cela donne lieu à des scènes fortes en émotion, qu’il s’agisse de l’exercice matinal des deux femmes, leurs discussions à l’abri des regards ou les repas de famille, Awkwafina et Zhao Shuzhen partagent à l’écran une relation où l’amour semble réel. Adorable, les deux femmes s’accordent parfaitement dans des personnages qu’elles incarnent de tout leur être. Chaque mot, chaque regard de la jeune femme semble traduire une forme de nostalgie ou même de regret, le regret d’avoir vécu si éloigné de sa grand-mère, tandis que cette dernière agit sans cesse avec bienveillance. Lulu Wang a très bien choisi ses actrices, à tel point que j’ai été régulièrement ému par la justesse de leur interprétation et leur manière d’incarner des personnages tout en nuances.

La grand-mère et sa petite fille
Parlons en d’ailleurs de Lulu Wang, réalisatrice encore méconnue dans nos contrées mais qui se fait une place cette année auprès des plus grands dans les diverses cérémonies du cinéma. Son style est intimiste, sa manière de filmer les repas de famille, lourds de sens, ou les instants de la fête de mariage traduisent une forme de réalité, une sincérité qui se défait de toutes formes d’artifices. L’Adieu n’est pas un film « tire larmes », ses scènes provoquent l’émotion et font couler les larmes grâce à la proximité qui s’installe entre les spectateurs, plongés dans la réalité d’une famille, et des personnages qui semblent réels. On se met aisément à leur place grâce à une réalisatrice qui sait capter l’instant présent, installant son ambiance nostalgique grâce à une bande-son particulièrement réussie.
Poignant, L’Adieu – The Farewell de Lulu Wang raconte les prémices d’un deuil qui ne se dit pas, qui ne se révèle pas. Awkwafina et Zhao Shuzhen incarnent cet amour inconditionnel qui unit une grand-mère et sa petite fille, en faisant fi des exigences familiales pour ne partager que des moments innocents. Le style de Lulu Wang offre une douceur sans limite à un film qui, derrière les thèmes du deuil et des racines, transcende les générations pour unir une famille face à l’inévitable.
Tout à fait d’accord avec toi. Un film bien d’émotions, qui ne cherche pas à juger cette famille pour cette décision, des personnages attachants. J’ai beaucoup aimé.
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