Film d’animation, Mon Ninja et moi (ou Ternet Ninja) est une production danoise réalisée par Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen qui sort cette semaine dans nos contrées. Avec un ton plutôt mature, le film étonne par les thèmes très durs qu’il aborde.
Alex, collégien, vit des jours plutôt troubles entre son beau-père qu’il n’apprécie pas beaucoup et son harcèlement à l’école. Jusqu’au jour où il fait la rencontre d’une peluche Ninja offerte par son oncle marin. Déjà bien surprenante avec ses motifs à carreaux en guise de tenue, la peluche se met à parler et fait une proposition à Alex : l’aider à affronter ses harceleurs et en échange, il doit aider la peluche à se venger de son créateur.

La vengeance est un plat qui se mange froid
Mon Ninja et moi, sous ses airs de film adolescent cache pourtant une réalité terrible : la question de l’exploitation d’enfants en Asie, condamnés à fabriquer des peluches pour les petits enfants occidentaux. Dans une scène d’ouverture évocatrice, le film raconte durement une réalité que l’on ne s’attendait pas à voir de manière aussi explicite dans un tel film. Choix certainement opportun pour dénoncer un capitalisme sans contrôle, il s’avère toutefois particulièrement difficile à voir pour les plus jeunes, bien que le film s’adresse avant tout aux adolescents. Si j’en parle dès maintenant, c’est aussi pour une mise en garde : malgré une bande-annonce assez légère, il ne s’agit pas d’une comédie enfantine. Le film désamorce cette idée que l’on pourrait avoir dans nos contrées où l’animation est souvent considérée comme le « cinéma des enfants ». Alors le film embraye sur un humour cynique avec cette peluche au ton irrévérencieux, comme si elle incarnait toute la colère des enfants qui l’ont fabriqué, dont le seul objectif est de retourner en Thaïlande où cette peluche Ninja a vue le dirigeant de la marque européenne agresser un enfant dans son usine. Sur le thème de la vengeance, en l’opposant à une morale de justice, le film s’évertue à insister sur un humour au ton parfois lourdingue, la faute à des dialogues qui parodient le plus souvent les jeunes. Néanmoins tout n’est pas tout noir avec quelques moments qui fonctionnent bien, notamment lorsque le film prend le temps de se poser pour une introspection sur le sens et la valeur que l’on accorde réellement à ces biens de consommation qui abreuvent nos enfants sans trop se soucier de la manière dont ils ont été créés.
La première partie du film rappelle inévitablement le film Ted, pour le meilleur et pour le pire, à cause du caractère de la peluche et de la dynamique qui s’installe entre elle et l’adolescent qui la récupère. Mais plus tard le film vole de ses propres ailes et assume pleinement ses thèmes : travail des enfants sur une partie de la planète, harcèlement scolaire et environnement familial toxique de l’autre. Sans mettre les deux sur le même plan, le film s’intéresse aux maux qui attaquent une jeunesse plus innocente qu’elle veut bien l’admettre, avec des adolescents qui jouent aux grands sans comprendre encore les conséquences de leurs actes et leurs choix. Mais c’est avec les adultes que le film est particulièrement sévère, en les montrant sous leur pire jour entre le beau-père toxique et le dirigeant d’une grande société qui n’a que faire de toute forme de moralité.

Un ton qui surprend
Pour autant le film ne parvient pas à trouver le juste équilibre entre sa dénonciation et son humour : les séquences pleines d’émotion sont vite balayées par des blagues pas toujours très bien senties, comme si le film ne parvenait pas à assumer pleinement des thèmes qui correspondent probablement plus à des adultes qu’à des enfants. La scène d’ouverture est difficile à regarder pour les plus jeunes, mais le film embraye ensuite avec un second degré pas bien finaud. Côté animation, on est loin des ténors du genre, mais la cohérence de la direction artistique rend le visionnage sympathique, qui plus est dans une scène d’aéroport rythmée et très réussie.
Pas aussi fin qu’il l’espère, Mon Ninja et moi se perd dans un humour lourdingue qui tente un jeu d’équilibriste entre la volonté d’attirer un public mature et des allures de film tout public. Dénonciateur, le film est pertinent mais manque pourtant d’un petit quelque chose, résumant l’essentiel de son discours dans une poignée de scènes qui sont certes réussies, mais qui s’imbriquent assez mal avec le reste du film. A noter enfin que le film est recommandé aux enfants à partir de huit ans.