En novembre dernier sortait Marvel’s Spider-Man : Miles Morales, un jeu développé par Insomniac Games qui accompagnait le lancement de la PlayStation 5 (également disponible sur PS4). Succès critique relatif, certains saluant les qualités intrinsèques du jeu et tandis que d’autres regrettaient son manque de prise de risque, le titre s’est malgré tout depuis doté d’un artbook qui a débarqué en version Française ces jours-ci sous le titre Spider-Man : Miles Morales – Tout l’art du jeu, aux éditions Hi Comics.
Cet article a été rédigé suite à l’envoi d’un exemplaire par les éditions Hi Comics.
Mené en collaboration étroite avec Insomniac Games, cet artbook raconte quelques moments importants du développement, notamment les décisions relatives à l’orientation du jeu. Impact politique du personnage, développement créatif et réinvention de l’histoire du héros de comics Miles Morales, tout y est accompagné de dessins qui ont servi de base à l’élaboration du jeu.

Une autre forme de narration
Il faut savoir avant tout que Marvel’s Spider-Man : Miles Morales est un jeu que j’ai beaucoup apprécié. S’il souffrait bien de sa position de grosse « extension » au jeu Spider-Man sorti deux ans plus tôt sur PS4, il avait néanmoins le mérite d’offrir une belle aventure à un personnage que j’affectionne tout particulièrement. Comme je le disais dans un test rédigé en novembre dernier pour JeuxOnLine peu avant la sortie du titre, il démontrait la belle compréhension de l’univers de Miles Morales par les auteur·ice·s de Insomniac Games, qui avaient su saisir les particularités d’un personnage qui n’a pas grand chose en commun avec Peter Parker, le Spider-Man le plus connu, si ce n’est sa volonté de se battre pour protéger les plus faibles. Miles Morales est plus jeune, ancré dans un milieu différent : Afro-Américaine par son père, Portoricaine par sa mère, la culture qui le porte est mixte et suggère des questions sociales toute particulières. C’est ainsi que le jeu abordait des thématiques autour de l’identité, de violences policières (même s’il n’abordait pas le sujet aussi courageusement que je ne l’espérais) et tentait de faire preuve d’inclusivité avec des personnages secondaires très divers. Et cet artbook aborde en bonne partie ces questions, comme le dit d’ailleurs en préambule le directeur artistique du jeu Jason Hickey, en remarquant que Miles Morales était pour lui une « page blanche » dans la mesure où il apprenait à le connaître à l’occasion de la création du jeu, mais qu’il fallait comprendre ses spécificités et son univers. Par la suite, on apprend la volonté de l’équipe artistique d’inclure dans le jeu tout un pan des arts Afro-Américains et Portoricains, à l’image des nombreux graffitis qui jonchent les murs de Spanish Harlem (où se déroule l’essentiel de l’action) et qui mettent en scène autant de figures des luttes pour les droits civiques, que de revendications telles que Black Lives Matter. Le jeu, comme son personnage donc, agrège ainsi de nombreuses questions sociales qui sont fondamentales pour son identité, et qui lui permettent aussi de se distinguer de Peter Parker, le Spider-Man le plus connu.
C’est au travers des images que les artistes du jeu racontent son développement et ses nombreuses étapes. De croquis préparatoires à des artworks qui donnaient l’orientation visuelle des décors et l’ambiance de certaines scènes, le livre est riche en anecdotes et en détails. Les artworks sont d’ailleurs de toute beauté, mettant en valeur un Manhattan sous la neige, associé aux néons qui contrastent avec les nuits noires. C’est aussi l’occasion de raconter les étapes de création des personnages, les premières idées, leurs looks, mais aussi l’arrivée tardive des méchant·e·s venu·e·s redynamiser une histoire originelle trop plan-plan. C’est un vrai plaisir de redécouvrir le jeu sous cette forme tant on s’aperçoit du travail titanesque qu’a pu représenter certaines scènes, mais aussi parce qu’on y découvre toutes les petites idées qui ont pu mener l’équipe de développement à un résultat parfois très différent. C’est d’ailleurs une édition très dense, qui couvre pratiquement tout le jeu, et qui donne la parole à des artistes du jeu vidéo qui l’obtiennent trop peu souvent. Et c’est d’autant plus intéressant que malgré ses défauts, c’est sur le plan visuel que le titre était une vraie réussite, avec un univers visuel qui savait s’affirmer malgré la réutilisation de la même ville et des mêmes quartiers que le précédent jeu Spider-Man.

Carnet de route d’un jeu à part
Donner la parole aux développeur·euse·s c’est aussi un excellent moyen d’offrir de nombreuses informations sur la création, sur les détails qui ont favorisé certains choix plutôt que d’autres. Les idées fourmillent et s’entrechoquent, parfois à cause d’un manque de temps et d’autres fois car certaines mécaniques ne fonctionnent pas aussi bien que prévu, une sorte de grand bordel résumé presque cyniquement sous une phrase éclairante à la cinquantième page de l’artbook : « Le développement d’un jeu, c’est du chaos maîtrisé. » Mais ce que démontre le bouquin, c’est que ce « chaos » est aussi à l’origine de bonnes idées arrivées sur le tard, notamment en matière de narration environnementale que racontent ici les artistes du jeu. On y apprend par exemple plein de choses intéressantes sur la manière dont les décors jouent un rôle fondamental dans l’orientation des joueur·euse·s, en attirant l’oeil grâce aux couleurs et aux formes, ou encore en racontent une histoire via les éléments posés ici et là dans une rue ou un appartement. Tout cela joue aussi un rôle important dans la manière de transmettre les émotions, comme l’explique encore une fois l’artbook, qui consacre une part importante à cette notion d’échange entre le jeu et les personnes qui s’y plongent.
C’est dans une très belle édition, massive, que l’artbook de Marvel’s Spider-Man : Miles Morales se dévoile enfin à nous. On y apprend plein de choses, le livre donnant la parole aux têtes et aux petites mains qui ont donné vie à un jeu vidéo qui, sans être parfait, a su raconter l’univers de Miles Morales, héros désormais bien connu de tou·te·s grâce à la popularité de ses comics et de son film d’animation. Un artbook que je vous conseille, encore plus si vous avez eu l’occasion de jouer au jeu.