Blockbuster le plus attendu de la seconde partie de l’année, le Dune de Denis Villeneuve s’est longtemps fait désirer. Aux aléas des polémiques, notamment lorsque le cinéaste annonçait qu’il avait fait un film de cinéma et non pas de télévision, une déclaration qui lui a valu (malheureusement) de nombreuses critiques, le film répond avec ses forces et ses faiblesses, à la hauteur de l’œuvre qu’il adapte et qu’il sait aimer, sans la singer. Un sacré moment comme le cinéaste canadien sait nous en proposer depuis bien longtemps.
« L’histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre… » (Warner Bros France)

Observation
Depuis le roman de Frank Herbert, l’univers de Dune intrigue autant qu’il attire. Objet de nombreux projets d’adaptations, certains ayant disparus avant même leur sortie, comme celui de Jodorowsky qui a été raconté dans un documentaire ou bien le projet de Ridley Scott, d’autres ont tenu bon comme le film de David Lynch en 1984, une série télé en 2000 ou même plusieurs jeux vidéo dans les années 1990. Mais quand Denis Villeneuve s’intéresse à l’œuvre, avec ce que le cinéaste a déjà montré de maîtrise en matière de science-fiction avec, notamment, Blade Runner 2049 et Premier Contact, ma curiosité est piquée. D’autant plus que l’univers de Villeneuve semble parfaitement convenir à un tel chantier, lui qui aime adapter à sa manière, sans dénaturer ni pour autant copier, lui qui a montré par le passé qu’il savait manier une licence célèbre pour y imprimer son style. C’est ainsi que l’on se plonge dans une intrigue politique inhérente à l’œuvre de Herbert, avec une identité visuelle fortement inspirée du monde arabe, que le réalisateur avait déjà filmé avec son Incendies. Au-delà des scènes tournées dans les déserts de Jordanie et d’Abu Dhabi, c’est la culture des Fremen, peuple nomade de Dune, leurs costumes, leurs coutumes et leurs noms arabes qui offre quelque chose que l’on voit finalement assez rarement dans les blockbusters Américains. Même si, malheureusement, le casting contient autant d’acteur·ice·s d’origine arabe qu’un congrès de droite. Toutefois cela fait du bien de voir une œuvre de science-fiction, et a fortiori un blockbuster, capable d’aborder avec beaucoup d’intelligence des idées inspirées de cultures qui se font trop rare dans le genre de la science-fiction, où les inspirations viennent le plus souvent du monde occidental ou d’Asie de l’est. Villeneuve n’a évidemment rien inventé, ces éléments étaient déjà présents dans le livre de Frank Herbert, toutefois le réalisateur sait les sublimer à sa manière et les raconter avec beaucoup de talent.
Car son style, qui ressemble presque à ce que certain·e·s qualifieraient de « cinéma contemplatif » (même si, à mon sens, cela n’en est pas réellement) sied parfaitement à ce que l’on imagine de Dune. C’est-à-dire une œuvre qui sait prendre le temps, une œuvre où le gigantesque est la norme, une démesure que Villeneuve montre avec des plans sur un désert quasiment infini, où tout a des proportions incroyables (vaisseaux, ver des sables…), comme si les hommes et les femmes ne pesaient pas bien lourd face à un univers qui les dépasse. Et ce sentiment de n’être qu’une infime partie du monde est incarné par des personnages qui se posent énormément de questions sans trop avoir de réponses, alors que le cinéaste joue sur les mystères d’un monde qui ne se dévoile que lentement. On pourrait presque parler de longue introduction, mais cette première partie de Dune (puisque la seconde a été confirmée il y a quelques jours) est en réalité une formidable aventure, une découverte d’un monde pratiquement inconnu, où les personnages incarnés par Timothée Chalamet et Rebecca Ferguson voient leurs certitudes remises en cause à chaque instant. Il faut d’ailleurs noter la qualité des dialogues qui, s’ils ne sont pas à mon sens l’élément moteur du film, parviennent toujours à éviter cette fâcheuse tendance qu’ont les blockbusters à trop en dire. Sans être parfaitement énigmatique, le film sait raconter son histoire par les images plutôt que par les mots, et c’est un choix audacieux qu’a fait Denis Villeneuve au moment d’adapter cette œuvre qui peut parfois intimider pour la densité de son univers et la dimension quasi-philosophique de ses réflexions.

Introduction
Evidemment ce premier film, qui sera suivi d’une deuxième partie, pose les bases de son univers. Mais c’est en lui-même un film solide, alliant l’épique au dramatique, avec des scènes fortes et des interprétations réussies de ses têtes d’affiche. Surtout en ce qui concerne le duo formé par Rebecca Ferguson et Timothée Chalamet, qui porte le film et qui y ajoute une certaine hauteur, avec des interprétations qui apporte une certaine grâce à un monde qui tombe en lambeaux, enfoui sous des intrigues politiques qui mettent à mal son avenir. Plus encore, c’est la beauté du film qui frappe, alors que le réalisateur s’est associé à Greig Fraser pour sublimer ces paysages du Moyen-Orient en leur offrant la grandeur consacrée par l’œuvre originelle. Peut-être que les scènes en intérieur ont l’air un peu plus fausses, moins folles, moins audacieuses, mais dans l’ensemble Dune est un film visuellement très réussi, grâce à une réalisation qui sait nous parler au travers de l’image.
A la hauteur des rêves placés en lui et peut-être même encore plus généreux, le Dune de Denis Villeneuve est cette œuvre gigantesque que l’on attendait, où le cinéaste s’approprie le monde de Frank Herbert pour en dévoiler une version à la formidable beauté. Certes, on attend avec impatience la suite, mais cette première partie offre déjà une aventure envoûtante dans un monde qui ne cesse de captiver.
Je souscris totalement à cette critique, vous rejoignez mon avis : c’est une magnifique adaptation, parfaitement en symbiose avec le livre de Herbert. Villeneuve a un rapport très intime à l’œuvre et cela se sent. C’est peut être même la source de sa passion pour le désert qui traverse son œuvre. D’une semble commencer là où s’achève « Blade Runner 2049 », sur une planète désolée, desséchée.
Il me tarde de découvrir la suite, et avant cela de revoir celui-ci.
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