Mourir peut attendre porte plutôt bien son nom. À cause de la pandémie qui a porté un coup sévère aux cinémas, l’ultime James Bond avec Daniel Craig a été repoussé pendant plus d’un an, jusqu’à sortir enfin le mois dernier dans nos salles. Dernière aventure de l’acteur britannique dans le costume de l’agent le plus connu du monde, le film réalisé par Cary Fukunaga a la lourde tâche de conclure quinze ans d’un James Bond qui a révolutionné la licence, mais aussi de s’interroger sur sa place dans notre monde, épaulé notamment par Phoebe Waller-Bridge à l’écriture.
« Bond a quitté les services secrets et coule des jours heureux en Jamaïque. Mais sa tranquillité est de courte durée car son vieil ami Felix Leiter de la CIA débarque pour solliciter son aide : il s’agit de sauver un scientifique qui vient d’être kidnappé. Mais la mission se révèle bien plus dangereuse que prévu et Bond se retrouve aux trousses d’un mystérieux ennemi détenant de redoutables armes technologiques. » (Universal Pictures)

Une dernière prise de risque
Conclure le James Bond de Daniel Craig n’est pas mince affaire, l’acteur britannique ayant incarné un peu malgré lui plusieurs visions du personnage. Tantôt proche de l’imaginaire de la licence, avec la classe et le charisme dans Casino Royale, tantôt agent en perdition dans Skyfall, ou parfois héros d’un actioner dans Quantum of Solace, son James Bond est un véritable caméléon. Mais ce que l’on retient aussi de lui, c’est sa manière d’humaniser un personnage parfois devenu caricature de lui-même, celle de l’agent plus fort que tous les autres et qui fait tomber les femmes comme des mouches. À ce titre il incarne une forme de modernité dans une saga qui a souvent évolué avec son époque, tout en gardant certains éléments qui peuvent aujourd’hui être moins pertinents. Son rapport aux femmes, notamment, et l’écriture de ses personnages féminins qui gagne en qualité dans ce nouveau volet grâce à Phoebe Waller-Bridge, le film offrant à ses héroïnes incarnées par Lashana Lynch, Léa Seydoux et Ana de Armas des rôles bien plus centraux dans une histoire où elles sont toutes décisives. Et c’est d’autant plus important que le film est un épilogue, c’est la conclusion forte en émotions d’un James Bond vieillissant, prêt à passer la main et à retrouver celle qu’il aime. Un héros qui n’en est plus vraiment un, mais qui est sur le point de réussir un dernier coup d’éclat pour tirer sa révérence. Plus que jamais, il a besoin d’être entouré et de faire confiance à des personnes capables d’apporter du renouveau dans un monde qui est bien différent de celui de ses débuts. On trouve ainsi toutes les bonnes choses des précédents 007 de Daniel Craig, à commencer par la grandeur et l’humanité incarnées par le personnage, mais aussi une vraie capacité à se réinventer sans pour autant renier les origines du héros et ce qui a fait sa popularité. D’autant plus que le film élimine les mauvais côtés des précédents titres, comme le surplus de scènes d’action mal filmées, toutefois on n’échappe malheureusement pas à l’effroyable prestation de Rami Malek dans la peau d’un antagoniste aussi bête qu’inintéressant. On ne peut pas tout avoir.
Mourir peut attendre est d’autant plus réussi que Cary Fukunaga livre un film à la réalisation solide, capable de mélanger à la fois le sérieux d’un épilogue bouleversant hérité du Skyfall de Sam Mendes, au « kitsch » des premiers James Bond dans une super scène avec Ana de Armas. Un moment où la saga retrouve son fun d’antan tout en conservant (heureusement) un ton plus moderne, montrant qu’il y a de la place pour de futurs James Bond qui se prennent peut-être un peu moins au sérieux que les derniers titres en date de la saga. Et c’est bien là que le film puise sa force, en étant capable de jeter un regard sur le passé de la série sans pour autant hésiter à la réinventer, avec un Daniel Craig en maître de cérémonie dont la prestance rend honneur à ce rôle de vieux briscard en quête d’une forme de paix. On retrouve, en plus, tout le savoir faire de Linus Sandgren (La La Land, First Man) sur la photographie, notamment dans la scène à Cuba qui est d’une beauté sans pareil. De manière plus général, il donne au film un certain chic visuel qui sied décidément bien à Bond, référençant parfois ce qu’a fait Roger Deakins sur Skyfall. Il serait toutefois dommage de résumer Sandgren à ses inspirations, car il impose son univers et offre à Mourir peut attendre quelque chose de marquant, une finesse visuelle qui en fait l’une des plus belles réussites de la saga.

James Bond n’est plus seul
Il faut enfin s’attarder sur les personnages féminins, qui incarnent l’esprit 007 et qui pourraient aussi représenter le futur de la licence. Parce que James Bond doit évoluer avec son temps et le fait très bien dans ce film, notamment avec Lashana Lynch qui incarne une agence au matricule 007 avec un charisme certain, bien que le film malheureusement lui fasse assez peu de place. Plus encore, c’est Ana de Armas qui crève l’écran en seulement quelques minutes, incarnant tout ce qui fait le sel d’un James Bond : c’est une agente ultra-chic, maline, qui a un coup d’avance sur ses ennemi·e·s et qui se sort d’une situation improbable avec une légèreté déconcertante. A tel point que l’on se met à rêver d’un futur spin-off sur son personnage qu’elle incarne avec bien trop de talent pour en rester là. Ces femmes, au même titre que Léa Seydoux dont le rôle (et la prestation) est infiniment plus intéressante que dans Spectre, montrent que la saga peut encore évoluer, proposer autre chose, dépasser ses codes pour mieux les réinventer sans pour autant oublier les qualités qui ont porté la saga jusqu’à aujourd’hui. Car au-delà de ses nouvelles idées, Mourir peut attendre se paie le luxe de référencer de nombreuses fois d’anciens épisodes (avec ou sans Craig), en le faisant toujours avec finesse, sans insister lourdement.
Mourir peut attendre relève autant de l’épilogue que de l’hommage, mettant un point final à l’aventure de Daniel Craig dans le costume de l’agent britannique tout en allant encore plus loin. En dépassant le cadre installé au fil des épisodes où il tenait le rôle titre pour offrir une dernière balade généreuse et dense, pleine de bonnes idées en faisant le bilan, tout en semant les graines d’un avenir qui annonce de bien belles choses. James Bond a parfois été hors du temps, mais Cary Fukunaga l’accompagne dans la modernité avec un amour certain pour le personnage, lui offrant la sortie qu’il méritait. Un des grands films de l’année.
Je dois dire que je partage ton avis sur cet épilogue, qui m’a d’ailleurs émue à la fin. Je n’ai pas été convaincue par l’antagoniste qui avait à la fois trop de motivations et pas assez. Je ne savais pas trop ce qu’il voulait et où il voulait en venir, au final, et peut-être les scénaristes l’ignoraient-ils eux-mêmes. Cela n’a pas dû aider pour la prestation de R. Malek^^ Je dois aussi admettre que je ne suis pas fan du jeu de Léa Seydoux. Quoiqu’il en soit, ce Bond regorge de bonnes idées qui manquent peut-être parfois de profondeur d’écriture. A mes yeux, il aurait été profitable que l’histoire dure plus longtemps afin de mieux explorer les relations entre les personnages. Je sais ! Le film est déjà long. Le problème réside peut-être dans le fait que l’épilogue doit poser pas mal de nouvelles choses avant de les résoudre, alors que certaines choses auraient déjà pu être approfondies dans les précédents volets. Ceci étant dit, je sais bien comment sont faits les films aujourd’hui^^ Au plaisir de te relire !
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Merci ! J’attendais enfin l’article qui se joindrait au mien pour dire que c’est un des meilleurs films de l’année !
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