The Batman, Gotham aux mains de la pègre

Longtemps attendu, The Batman de Matt Reeves a pourtant traversé bien des péripéties. D’abord un projet lié à Ben Affleck, finalement tué dans l’œuf par un studio hésitant face aux échecs critiques des autres films de la licence DC, le film renaît de ses cendres quelques temps plus tard entre les mains du cinéaste qui a connu de jolis succès avec les deux derniers La Planète des Singes. Exit alors Batfleck, puisque c’est finalement Robert Pattinson qui reprend la cape du Chevalier Noir, acteur en pleine bourre après de multiples succès critiques au cinéma. Le duo a toutefois fort à faire : redonner ses lettres de noblesse à DC Comics au cinéma après quelques années compliquées, mais aussi tenir bon leur promesse de proposer quelque chose de spécial, en marge de ce que l’on voit habituellement avec Batman sur le grand écran.

« Après avoir sillonné les rues de la ville sous l’identité de Batman et instillé la peur chez les criminels, Bruce Wayne a exploré les quartiers les plus mal famés de Gotham City. Conscient qu’il ne peut plus compter que sur quelques rares alliés de confiance – Alfred Pennyworth (Andy Serkis), le lieutenant James Gordon (Jeffrey Wright) – parmi les notables corrompus de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme le seul citoyen capable d’obtenir vengeance. Lorsqu’un tueur s’en prend aux élites de Gotham City en mettant au point des crimes sadiques, un faisceau d’indices mystérieux plonge notre enquêteur masqué dans les bas-fonds où il croise la route de Selina Kyle, alias Catwoman, (Zoë Kravitz), Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, (Colin Farrell), Carmine Falcone (John Turturro), et Edward Nashton, alias The Riddler (Paul Dano). Tandis qu’il commence à acquérir la certitude que le criminel se trouve sans doute à Gotham City et qu’il voit désormais clair dans son jeu, Batman doit nouer de nouvelles alliances, démasquer le coupable et rétablir la justice dans une ville depuis trop longtemps en proie aux abus de pouvoir et à la corruption. » (Warner Bros. France)

© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Gotham effrayante

A distance d’un univers partagé « DCEU » que Warner tente un peu de mettre sous le tapis, The Batman, à la manière du Joker de Todd Phillips, s’affranchit des contraintes de ce mode de production pour proposer un film qui se tient tout seul, sans considération pour l’univers qui pourrait (ou non) l’entourer. Et ce n’est pas un mal, Warner ayant enfin compris que le monde de DC peut séduire avant tout pour les univers propres à chaque héros et héroïnes sans avoir à tout réunir dans un univers partagé que le studio n’a jamais vraiment su maîtriser. Et cela permet au cinéaste Matt Reeves, au chef opérateur Greig Fraser (Dune, Rogue One, Zero Dark Thirty…) et au compositeur Michael Giacchino de donner vie à une ville de Gotham plus inquiétante que jamais, plus proche aussi des comics que l’on avait pu le voir jusqu’ici au cinéma. Le trio donne vie à une Gotham où l’espoir n’est plus, dans une ville suffocante où le crime rôde à chaque coin de rue, où la police fait partie du mal et où la pègre règne en maître. Un terrain particulièrement propice à l’évocation d’un Chevalier Noir animé par une rage terrible, qui cherche à inspirer la crainte en incarnant une figure quasi-horrifique dans une ville où il n’y a pas grand chose encore capable d’empêcher les criminels de faire du mal à la population. Et Robert Pattinson est très convaincant dans ce rôle, lui qui imagine son Bruce Wayne comme un gamin bourré de haine, désemparé, qui n’a qu’un seul objectif : rendre justice dans une ville qui lui a pris sa famille. Il y a donc un vrai lien entre son Bruce Wayne et son Batman, la double-identité n’étant qu’un prolongement de sa personnalité plutôt qu’un moyen de naviguer dans deux mondes avec des caractères opposés. A la différence des autres Batman que l’on a pu voir au cinéma, celui-ci ne prétend pas vraiment être quelqu’un d’autre quand il ne porte pas le masque. Si son identité reste bien secrète, il fuit les mondanités auxquelles il est pourtant convié, ne voyant que bien peu d’intérêt à la vie « réelle ».

On est finalement assez proche du Batman imaginé par Frank Miller dans Année Un, avec un héros encore jeune, qui cherche à faire le bien, mais qui reste lié par son dégoût et sa haine d’une pègre qui lui a enlevé ses parents. Obsédé par son rôle de Batman, qui finit par le bouffer de l’intérieur, et qui guide chacun de ses choix. A ses côtés, plus tard, arrive la Catwoman de Zoë Kravitz. Elle réinvente à sa manière le personnage, cherchant peut-être à être plus proche de sa représentation dans les comics actuels, dans un rôle ambivalent qui ne s’interroge pas sur les notions de « bien » et de « mal » mais qui cherche simplement à se sortir d’une spirale de violence enclenchée malgré elle. C’est un personnage qui semble presque hors du temps dans cette ville de Gotham, dont la sincérité tranche avec l’image de voleuse, malicieuse, que l’on a souvent eu avec ce personnage au cinéma. Elle forme à ce titre un pendant un peu plus optimiste dans son duo avec le Batman de Pattinson, offrant au film une nouvelle dynamique et quelques scènes franchement réussies. De manière générale les deux personnages se fondent dans l’ambiance visuelle installée par Matt Reeves et Greig Fraser, très sombre (parfois même un peu trop, rendez les couleurs) et en proie à l’horreur, à la peur de voir surgir le crime à tout moment.

© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Des inspirations qui lui font honneur

Pour la première fois au cinéma, on a un Batman qui va puiser ses inspirations non pas dans l’image d’un super-héros ultra-calé technologiquement qui affronte une galerie de méchants un peu loufoques, mais plutôt du côté d’Un Long Halloween, un comics à l’ambiance de polar où l’on parle de mafieux, d’une pègre qui gangrène Gotham et qui en tire les ficelles dans l’ombre. L’apparition de Carmine Falcone, parrain de la pègre de Gotham, n’est pas étrangère à cette volonté de ramener le héros dans un récit plus terre à terre, ce méchant étant un personnage physiquement faillible, loin du super-vilain quasi-intouchable. Incarné d’une manière plutôt intéressante par John Turturro, il est probablement plus intéressant que Colin Farrell et sa misérable fat suit, ou le Riddler de Paul Dano qui tape un peu à côté lors d’une confrontation finale avec Batman qui aurait dû être plus marquante. Mais The Batman ne cesse de séduire pour cette représentation de Gotham, de l’homme chauve-souris et de ses ennemis, pour cette manière de l’aborder non pas sous l’angle d’un simple super-héros mais d’un détective confronté au crime organisé.

A la hauteur des espoirs et peut-être même un peu plus, The Batman est une incarnation particulièrement réussie du Chevalier Noir tel qu’il a été imaginé dans bon nombre de comics qui lorgnaient sur le polar, parfois sur l’horreur, en insistant sur la crainte inspirée par le héros masqué dans une ville de Gotham entièrement aux mains de la pègre. Un vrai plaisir, parfois peut-être un peu longuet, mais qui reste maîtrisé et qui sert un film absolument somptueux, tant visuellement que musicalement.

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