Tom Clancy’s The Division est un jeu de tir à la troisième personne massivement multijoueur. Développé par les studios d’Ubisoft, le jeu nous met dans la peau d’un agent de la Division, une entité gouvernementale censée rétablir l’ordre après une pandémie.
A l’occasion du Black Friday un virus est transmis via les billets de banque. Cette maladie connue sous le nom de « Green Poison » ou « The Dollar Flu » se propage très rapidement et en l’espace de cinq jours, New York prend des airs de monde post-apocalyptique. Alors que le chaos s’installe, le gouvernement active les agents de la Division, des agents entraînés et prévus pour un telle catastrophe. Leur rôle est de reprendre la ville aux criminels et réinstaller l’ordre. Les agents de la première vague d’activation étant soit décédés, soit portés disparus, le héros est un agent de la seconde vague qui aura pour objectif, au-delà de la restauration de l’ordre, de retrouver du personnel important afin de stopper la propagation du virus.
Les dérives du monde réel
L’histoire de The Division s’inspire assez largement de la National Security and Homeland Security Presidential Directive, plus connue sous le nom de Directive 51. Ce texte créé par le Président des Etats-Unis George W. Bush en 2007 permet au Président, lorsqu’une catastrophe met en danger le gouvernement et la Constitution, d’obtenir des pouvoirs étendus afin de pouvoir protéger la Constitution face à la menace. Il s’agit en gros d’une coopération entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire alors qu’ils sont habituellement séparés.
Dans The Division, les scénaristes ont imaginé un cas où cette directive serait mise en oeuvre à cause d’une pandémie. Les agents dormants se révèlent et ont d’un coup toutes sortes de pouvoirs pour rétablir l’ordre au sein de la ville de New York, face à des criminels qui en l’état ne peuvent pas être arrêtés et jugés d’une manière conventionnelle. Ces nouveaux pouvoirs mettent ces agents face à leurs responsabilités et leurs choix, certains pourraient avoir tendance à en profiter et passer du mauvais côté, tandis que les autres gardent en tête la mission pour laquelle ils ont été activés.
Le scénario part sur une très bonne idée, cette Directive 51 qui a fait polémique aux Etats-Unis était l’occasion rêvée pour mettre en lumière certaines dérives gouvernementales et un recours à la force parfois trop rapide. Mais c’est de Ubisoft dont nous parlons ici, un éditeur possédant une tonne de studios bourrés de bonnes idées mais à la réalisation souvent bancale. En effet passé la cinématique d’ouverture qui raconte ce bout d’histoire, le scénario est mis en retrait avec des personnages dont on n’a que faire, un mode narratif assez improbable où l’on obtient des cinématiques grâce aux missions et qu’il faut nous-même déclencher dans un sous-menu, alors que le système de jeu ne s’y prête pas. Il s’agit essentiellement d’un jeu coopératif qui perd absolument tout intérêt en solo, du coup il est difficile de dire à ses amis en pleine partie « attendez, je regarde une cinématique dans mon coin ». Et puis vu le niveau des cinématiques et le développement de l’histoire à la limite de la théorie du complot par des méchants scientifiques dans l’ambassade de Russie, on se souvient rapidement que les jeux estampillés Tom Clancy n’ont jamais eu un semblant de scénario intéressant.
Un système de jeu bancal
The Division est bourré de bonnes idées. La coopération est, dans ce type de jeu, l’idéal (car il ne faut pas compter ici sur l’intelligence artificielle des alliés, qui sont profondément stupides). Mais à vouloir concentrer l’essentiel de l’intérêt du jeu sur la coopération, ils ont oublié de proposer un peu de diversité. Pendant environ vingt heures, le joueur est condamné à enchaîner ad vitam aeternam les mêmes missions. En effet en ce qui concerne les objectifs secondaires, Ubisoft tombe dans ses travers habituels dans ses jeux à monde ouvert, qui consiste à créer quatre ou cinq types d’objectifs et de les recycler une dizaine de fois chacun : défense d’objectif, recherche d’otage, tuer tous les criminels…
Quant aux missions principales, chaque mission est en réalité une succession de mini-arènes où l’on doit tuer des vagues d’ennemis, jusqu’à arriver à un boss qui n’est qu’un sac à point de vies. Pas d’originalité dans les affrontements, on reste derrière notre muret ou notre poubelle à l’épreuve des balles (sans déconner) et on vide tous nos chargeurs dessus. Aucune mission n’est vraiment marquante, sauf peut-être la toute dernière pour son cadre particulier.
Notre personnage, que l’on peut personnaliser comme on le souhaite (apparence, sexe) évolue à la manière d’un jeu de rôle. Jusqu’au niveau 30 et avec l’amélioration de la base d’opérations, on obtient toutes sortes de capacité de support, de défense et d’attaque. Mais bon, la plupart d’entre elles n’ont pas beaucoup d’intérêt, et seules quelques capacités (comme le soin) seront réellement utilisées lors de la campagne. Une fois passé le niveau 30, on cherche à améliorer notre personnage au moyen d’équipements à trouver et à fabriquer, mais pour ça il faut y trouver un intérêt une fois la dernière mission effectuée. Et pour ça, il y a normalement la Dark Zone…
… Il s’agit de plusieurs quartiers de New York fermés par de gigantesques murs, dans cette zone la pandémie n’a pas été maîtrisé et il est impossible d’y aller sans certaines protections. De plus, l’ordre n’y est absolument pas rétabli et chacun peut se tirer dessus : c’est une zone d’affrontement joueur contre joueur. On y trouve des coffres qui permettent d’obtenir des équipements de meilleure qualité, toutefois pour les récupérer il faut les extraire par hélicoptère. S’il est possible de coopérer avec des personnes que l’on croise, il est aussi possible de les trahir au dernier moment et ainsi récupérer leur butin : c’est en tout cas ce qui est promis par les développeurs. Dans les faits, je n’y ai joué que sur la bêta (ça m’a largement suffit) et d’après les échos que j’en ai eu, ça n’a pas beaucoup changé : on y trouve plein de renégats (joueurs qui ont décidé de tuer tout le monde, sans raison) qui pourrissent largement l’expérience et ne jouent absolument pas le jeu. C’était à prévoir, les jeux en lignes seront éternellement pourris par des gamins. Du coup si l’idée est bonne, les développeurs comprennent qu’on ne pourra absolument jamais compter sur la communauté.
Take Back New York
The Division c’est donc une super idée, mais réalisée avec les pieds. L’univers proposé est absolument génial, l’utilisation de la Directive 51 est intéressante et plutôt originale mais l’histoire se fait trop peu présente et n’est absolument pas à la hauteur. La dimension survie est elle aussi complètement occultée puisqu’il n’y a pas de faim ou de soif à gérer et qu’on trouve des caisses de munitions se trouvent tous les vingt mètres. Le jeu ne consiste finalement qu’à déverrouiller une planque dans chaque quartier (à la manière des tours radios des autres jeux Ubisoft, ça débloque l’accès à toutes sortes de missions dans la zone) et à enchaîner les mêmes missions pendant une vingtaine d’heures, jusqu’à avoir la possibilité de se frotter au pire de ce que l’humain a à offrir, dans la Dark Zone : les joueurs de jeux en ligne.
C’est extrêmement dommage, car ce New York post-pandémie sous la neige est somptueux et constitue un terrain de jeu super agréable. Malheureusement passé quelques heures le jeu n’arrive plus à accrocher, pas uniquement à cause de son scénario, mais aussi pour l’aspect rébarbatif des objectifs. Les boss n’ont aucune envergure et deux jours après avoir terminé le jeu je serais absolument incapable de vous donner le nom d’un personnage que j’ai rencontré pendant le jeu. Au final The Division n’est qu’un jeu coopératif plutôt sympa, si vous avez un ami avec qui le parcourir foncez, sinon oubliez.