Mademoiselle, le pouvoir des femmes face au désir

Mademoiselle est le dernier film réalisé par Park Chan Wook, auteur des célèbres Old Boy, Lady Vengeance ou encore Thirst. Ce thriller aux penchants érotiques, libre adaptation du roman Du bout des doigts de Sarah Waters se place pendant l’occupation japonaise en Corée du Sud.

La jeune Sook Hee (Kim Tae Ri) est vendue comme servante à un riche japonais. Chargée de s’occuper de la nièce de celui-ci, Lady Hideko (Kim Min Hee), elle est en réalité sous les ordres de celui qui se fait appeler le Comte Fujiwara (Ha Jung Woo), un escroc qui a l’intention d’utiliser toutes les informations glanées par la jeune femme pour conquérir le cœur de la riche héritière japonaise. Mais les choses ne sont pas aussi simples, la servante va se retrouver au cœur d’une histoire sordide dans un monde où les apparences sont parfois trompeuses.

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Petites cachotteries entre amis

Mademoiselle est un film déroutant, et ce même en connaissant l’œuvre de Park Chan Wook : une esthétique incroyable avec des plans et décors d’une grande beauté, des acteurs à la hauteur de celle-ci et un jeu de lumière maîtrisé. Mais lorsque l’on creuse un peu, on découvre derrière cette apparente beauté un monde affreux, sadique et violent où les personnages ne sont fait que de trahison. Presque dans une idée sadomasochiste, le film est construit d’une telle manière qu’il est une incessante lutte de domination entre chaque personnage ; le comte, Hideko, la servante, chacun cherchant à prendre le dessus dans un rapport de dominant à dominé. Chaque personnage se dévoile au fil des minutes, si la première partie du film se déroule dans les yeux de la servante, le reste nous en apprend plus avec le point de vue de Hideko.

C’est aussi l’histoire d’une arnaque et d’un amour qui s’entrechoquent, avec des personnages qui viennent de milieux très différents mais qui recherchent tous un même but, une sorte d’exutoire à une vie qu’ils exècrent. Chacun voit dans cette aventure l’occasion de changer de vie en laissant derrière eux une vie faite de misère, qu’elle soit sentimentale ou financière. Hideko, magnifiquement interprétée par Kim Min Hee, est une femme surprenante qui ne manque pas d’intimider le spectateur ; d’une apparence frêle et innocente, elle se révèle autrement plus tard dans le film. Et c’est une des forces de ce film, Park Chan Wook a su saisir toutes les subtilités de ses personnages qui sont à la fois faibles et intimidants dans un jeu de séduction qui prend le spectateur aux tripes. Les regards des personnages ont une place centrale et le travail du réalisateur les mets en valeur, qu’ils soient craintifs ou déterminés, chaque regard, chaque geste des acteurs participent à mettre en place une ambiance sordide de laquelle ces héros n’en sortent pas sans dégâts.

Un désir inavouable

Le cinéaste coréen n’évite d’ailleurs aucun tabou et n’hésite pas à explorer les fantasmes les plus inavouables de ses personnages. Ce penchant érotique du film de Park Chan Wook vient traduire une certaine avidité des personnages, prêts à tout pour pour arriver à leurs fins et rappelle un peu son travail sur Thirst. En mêlant le thriller à l’érotisme, il se permet de plonger dans les vices de ses personnages, sans pour autant verser dans la vulgarité. Qu’il s’agisse d’amour lesbien ou d’un acte sadomasochiste, tout est filmé avec douceur et virtuosité, chaque plan devient un tableau d’une sensualité rare et révèle les talents du cinéaste, dans un style éloigné de la violence qui caractérisaient ses précédentes productions. Car si les acteurs, le scénario et la bande son sont incroyables, Mademoiselle est avant tout la consécration d’un travail de plusieurs années pour Park Chan Wook qui a toujours recherché la beauté dans des sujets compliqués, et il y arrive ici avec un talent indéniable.

Je ne le dis pas souvent, mais Mademoiselle est si maîtrisé, si intriguant et si déconcertant qu’il mérite amplement le statut de chef d’œuvre. Pour son retour après l’échec commercial qu’était Stoker, Park Chan Wook frappe très fort grâce à une image à l’esthétique léchée et des acteurs qui mettent en valeur les personnages adaptés du roman de Sarah Waters. Ce thriller érotique est surprenant et séduisant, tout en sensualité et sensibilité, un grand moment de cinéma.

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