Adaptation du comics de Garth Ennis, Preacher est une série américaine créée par Seth Rogen, Evan Goldberg et Sam Catlin. Racontant l’histoire d’un révérend irrévérencieux, il mêle une ambiance western à une religion tournée en dérision. La série est diffusée en France sur OCS.
(Cet article contient des spoilers de la saison 1 de Preacher.)
Aux termes de la première saison, Dieu a disparu. Alors que le révérend Jesse Custer (Dominic Cooper) maîtrise enfin son pouvoir qui lui permet d’ordonner ce qu’il veut à qui il le souhaite, il se met en route pour retrouver Dieu et le ramener à sa place, au Paradis. Mais de nombreux obstacles se dressent sur son passage, entre l’effrayant cowboy qui détruit tout sur son passage, l’énigmatique Herr Starr (Pip Torrens) et ses deux acolytes plus ou moins fidèles, Cassidy (Joseph Gilgun) et Tulip (Ruth Negga).
On the Road
Cette nouvelle saison de Preacher avait deux objectifs : s’affirmer face aux comics, en proposant un schéma différent sans pour autant en perdre l’essence, et surtout aller un peu plus loin qu’une première saison restée timide. Et les deux sont remplis.
En effet, si la série ne cesse de s’écarter des comics de Garth Ennis, elle a su en saisir ce qui fait sa force et respecte assez fidèlement les thèmes et l’ambiance qui s’en dégage. Le Jesse Custer incarné par Dominic Cooper n’est pas vraiment celui des comics, mais il n’en reste pas moins excellent. Quant à l’histoire, si elle n’invente rien du côté des personnages, elle se révèle plutôt accrocheuse et bien mieux rythmée que dans la première saison. Car c’est ce que je reprochais dans ma critique à l’époque, une saison terriblement timide qui n’allait pas jusqu’au bout de ses idées, comme s’il manquait quelque chose. Ici exit la petite bourgade paumée aux Etats-Unis et place à un road trip délirant à mi-chemin entre quête du paradis et enfer. L’omniprésente menace incarnée par le « Saint of Killers », le cowboy qui poursuit les trois compères, apporte une sorte d’urgence à la situation et pousse les personnages à aller de l’avant sans jamais regarder derrière eux. On va ainsi les voir traverser le Texas, point de départ de la série, jusqu’à aller à la Nouvelle Orléans, avec son ambiance unique, où le vampirisme et le catholicisme continuent de se côtoyer quitte à aller jusqu’au blasphème. D’ailleurs, certains n’ont pas aimé.
Mais là où cette deuxième saison excelle à mon sens c’est dans sa mise en scène. Si le rythme reste toujours très lent, voire même maladroit, la réalisation a quelques coups d’éclat et la mise en scène est parfois à tomber : les plans sont choisis avec minutie et leur esthétique accentuent ce sentiment d’étouffement et de crainte alors que les « héros » font face à une entreprise qui les dépasse. Car l’essentiel du propos de Preacher est là, au-delà de son caractère irrévérencieux le révérend est surtout un pion dans un dessein qu’il n’envisage pas. D’ailleurs la présence de Herr Starr, une sorte de chef machiavélique qui va se jouer de Jesse Custer aide la série à s’affirmer et dépasser le cadre un peu trop gentillet de la première saison. Ce nouveau personnage apporte un peu plus de folie à Preacher et devient un de mes personnages préférés : son air impassible tranche avec les sentiments improbables qu’inspirent ses actions, encore plus lors d’un scène mémorable où il présente à Jesse Custer ce qu’il considère comme le nouveau Messie.
Humperdoo
La nouvelle saison n’est pour autant pas exempte de tout reproche : toute l’histoire autour de l’Enfer m’a moyennement captivé malgré une bonne idée de personnage que je ne dévoilerais pas ici, et la relative inaction de Tulip et Cassidy donne parfois le sentiment que la série pourrait aller beaucoup plus loin. Si cette saison a été celle de l’affirmation, j’attends toujours qu’elle ose un peu plus et donne plus d’envergure à deux personnages qui pourraient être déments. D’autant plus que les deux acteurs sont impeccables : Ruth Negga est une actrice formidable (qui aurait du avoir l’Oscar pour Loving) qui a su se saisir du personnage de Tulip, tandis que Joseph Gilgun ne cesse d’étonner dans sa capacité à incarner ce vampire drogué et complètement dingue. Avec ce super casting et l’ajout de quelques nouveaux personnages, comme Herr Starr dont je parlais précédemment, Preacher a enfin trouvé son style et m’a scotché du début à la fin. Parce que si certains épisodes sont un peu en-dessous, la série est parvenue à se créer son identité, différente des comics, et utilise d’une belle manière l’œuvre de Garth Ennis.
Dans ma critique de la première saison je la décrivais comme une grande introduction à la suite, me poussant à avoir beaucoup d’attentes pour cette deuxième saison. Et s’il y a quelques faux pas, en matière de rythme notamment, la deuxième saison est à la hauteur et utilise enfin tout le potentiel de l’œuvre originale. Bien sûr les créateurs de la série peuvent aller encore plus loin, et j’espère qu’ils le feront dans une éventuelle suite.