En compétition à Cannes cette année, Burning est sorti en salles le 29 août dernier. Réalisé par Lee Chang Dong, ce thriller passionnel nous invite dans l’esprit torturé de quelques jeunes en quête de sens.
Jong Soo (Yoo Ah In) et Hae Mi (Jeon Jong Seo) sont des amis d’enfance qui se sont perdus de vue. Un jour, et dans le plus grand des hasards, ils se croisent et se rapprochent à nouveau grâce à leurs souvenirs du petit village qui les a vus grandir. Tous deux enchaînent les petits boulots pour survivre, jusqu’à ce que Hae Mi parte en Afrique. Plus tard, elle reviendra en présentera son vieil ami à Ben (Steven Yeun), un homme mystérieux qu’elle a rencontrée pendant son voyage.
Souvenirs troublés
Burning est l’histoire d’une obsession, celle d’un fils de paysan qui ne trouve pas sa place dans une ville en mouvement, pour cette jeune femme exubérante qu’il retrouve des années après l’avoir connue. Mais entre eux se pose un homme, un jeune riche qui s’ennuie et qui s’amuse, en dehors de son monde aisé et prétentieux, avec une femme qui symbolise une forme de liberté et de lâcher prise. Source d’attention, souvent de mépris, elle devient une véritable attraction pour ses riches amis. Elle est mise en scène et leur apporte une vision d’un monde différent, si proche d’eux, et pourtant sans véritable point commun. De son côté le fils de paysan n’est que spectateur de tout ça, il n’ose traduire l’attirance qu’il éprouve pour la jeune femme, et vire à une obsession malsaine pour ce qu’elle représente. Le film explorera une certaine forme d’amour à trois, mais surtout une constante ambiguïté des sentiments, comme si les trois vivaient hors du temps et hors des conventions sociales. Le réalisateur joue avec ces ambiguïtés en proposant des personnages énigmatiques et flottants, qui explorent leurs propres histoires et leurs rêves. Burning interroge avant tout sur les souvenirs, les événements tels qu’ils ont été vécus par les deux amis d’enfance, mais surtout la manière dont ces épisodes communs ont pu façonner leurs vies. Le troisième, le jeune homme riche, apparaît comme un grain de sable dans l’engrenage : il est le danger à l’obsession de l’autre, et source de folie pour la jeune femme.
Le film de Lee Chang Dong séduit à bien des égards, tant dans la construction de ses personnages que tout opposé, réunis par une forme d’amour presque innocent, que dans sa manière d’aborder le désir, l’obsession et le mystère dans un thriller passionnel étonnant. Mais s’il faut retenir quelque chose de Burning c’est son image formidable, sa mise en scène à tomber et tout particulièrement le travail de Hong Kyung Pyo à la photographie. Tous ceux qui verront le film garderont en tête la scène de danse en contre jour, sur fond de jazz, en simplicité et en sensualité. Parfois au cinéma on a ce sentiment d’assister à un grand moment, un moment de cinéma marquant et qui restera dans nes mémoires, et celui-ci en fait partie. Si Burning n’aura pas un succès populaire fou pour bien des raisons, les quelques chanceux qui ont vu, ou verront le film pourront se délecter d’un moment formidable, hors du temps, qui nous emmène avec délicatesse dans cette relation troublée entre les trois jeunes gens. Les souvenirs se confondent et amènent une part de mystère, jusqu’à une révélation inattendue par l’un des personnages et une dynamique qui va s’inverser, la passion laissant place à la crainte. Burning est un de ces films qui manie à la perfection les sentiments contraires et qui mettent leurs spectateurs dans un état second, intrigués et décontenancés par les événements qui se jouent sous leurs yeux.
Souvenirs agités
Burning pourrait bien étonner, avec son rythme tout particulier et son goût pour la mise en scène plutôt qu’aux dialogues survoltés. C’est aussi une oeuvre étonnante pour un cinéma coréen qui nous habitue à d’autres formes de thrillers, mais c’est surtout un film d’une richesse formidable qui nous offre une vision passionnée sur cette relation ambiguë qui unie ses personnages. La campagne devient un véritable théâtre de toutes les exubérances, des désirs d’une jeunesse brisée et malléable, tandis que la ville devient symbole d’une prison, grise et minuscule comme cet appartement de l’héroïne où seul un rayon de soleil, une fois par jour, fait son apparition. Lee Chang Dong sait manier ses acteurs et actrices et ces dernier(e)s le lui rendent bien. Yoo Ah In s’affirme véritablement dans son rôle, Jeon Jong Seo, pour son tout premier film, est d’une formidable justesse dans ce rôle d’une jeune femme déboussolée, et enfin Steven Yeun, la star de The Walking Dead, se lâche enfin dans un rôle qui lui correspond véritablement.
Tendre, passionné et déchirant, Burning est un film séduisant mené avec brio par son trio de têtes d’affiche. Trois personnalités radicalement différentes s’entrechoquent et offrent au film cette dénomination de « thriller passionnel », une catégorisation qui ne rend pas suffisamment justice à ce film tant il a à offrir. Pour autant, c’est bien cet aspect passionnel qui fait du thriller de Lee Chang Dong un film tout à fait unique où la jeunesse est au centre de tout, à l’image et à la musique au service d’acteurs qui incarnent véritablement leurs rôles.
Excellente critique qui met bien en valeur le superbe film de Lee Chang-dong. Quant à la scène dont du parles, c’est probablement la plus belle séquence que j’ai vue au ciné cette année (d’ailleurs la musique jazz c’est le thème d’Ascenseur pour l’échafaud, choix à mon avis pas du tout anodin).
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Bien vu, je n’avais pas remarqué que c’était le thème d’Ascenseur pour l’échafaud ! Je ne pense pas non plus que ce soit innocent, et ça amène un peu plus de profondeur à ce film décidément terriblement généreux.
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Un très très bon film ! J’ai beaucoup aimé.
A noter que c’est une adaptation de la nouvelle Les Granges brûlées de Haruki Murakami, elle même inspirée d’un texte de Faulkner.
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