Le Chant du Loup, piégés en haute mer

Premier film d’Antonin Baudry, Le Chant du Loup est une surprise dans le paysage cinématographique français : un blockbuster d’action et de suspense, le film de guerre nous emmène sur un sous-marin alors que la France est sur le point de basculer dans une guerre nucléaire.

Un sous-marin français, le Titane, mené par le commandant Grandchamp (Reda Kateb) et secondé par D’Orsi (Omar Sy) est en mission sur les côtes syriennes. Censé récupérer un commando, le sous-marin remet son opération en question lorsque l’oreille d’or (François Civil) -sous-officier mariner chargé d’écouter les bruits provenant de l’extérieur grâce au sonar- repère ce qui ressemble à un autre sous-marin. Sous pression, le bâtiment français parvient à s’extirper d’une situation dangereuse alors qu’une menace nucléaire vise la France.

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Un Octobre Rouge à la française

Film à suspense, Le Chant du Loup nous emmène dans un sous-marin d’attaque où chaque décision est susceptible de changer le cours des choses. Le huis clos renforce évidemment un sentiment d’urgence, un sentiment oppressif qui apporte au genre du film de guerre une tension bienvenue. L’histoire du film repose sur un énorme imbroglio, la reconnaissance par l’oreille d’or d’un sous-marin à quatre pales alors que sa hiérarchie affirme que cela n’existe pas, une chaîne de commandement qui s’enlise dans les procédures et finalement, une menace nucléaire qui va provoquer l’urgence de la situation. Le sentiment claustrophobe est central pour un film qui fait du sous-marin son terrain de jeu, le bruit sourd du métal et le son atypique du sonar accompagnent un équipage terrorisé alors que leur vie ne tient qu’à un fil. Le fait d’être immergé sous l’eau est rapidement insoutenable pour des spectateurs qui se retrouvent plongés dans une action atypique : chaque torpille peut être la dernière, on retient notre souffle à chaque impact sur le sous-marin. Monstres de puissance, d’une puissance incomparable dans l’armée française, ils ne deviennent que des jouets fragiles prêts à imploser à chaque manœuvre. Et c’est quelque chose que le réalisateur Antonin Baudry, pour son premier film il faut le dire, transmet à merveilles. Avec une multitude d’artifices il parvient à installer une forme de terreur dans les rangs des spectateurs, et profite des salles sombres de cinéma pour nous donner le sentiment d’être partie prenante d’un film qui repose essentiellement sur sa bande sonore.

Si on oppose beaucoup ces dernières années la salle de cinéma aux plateformes de streaming, Le Chant du Loup est un de ces films qui donnent tout leur sens à nos vieilles et bonnes salles. Le sonar, son bruit facilement identifiable et néanmoins terrifiant accompagne chaque scène du film : l’oreille d’or est le héros, un héros déchu et au bord du gouffre qui va néanmoins apporter son concours à une armée qui ne croît pas en lui. Le film ne nous montre que rarement ce qu’il se passe en dehors du sous-marin, et on apprend avec ce sous-officier à identifier les pires menaces. Un simple bruit devient terrifiant, un son anormal va devenir la source d’une angoisse terrible pour des soldats qui ne pensaient pas que le monde était à un fil de basculer dans une guerre nucléaire. Les films de guerre font souvent la part belle à l’action, et Le Chant du Loup est un peu le A la poursuite d’Octobre Rouge de John McTiernan à la française : reposant sur les mêmes cordes, avec sa dose de retournement de situation, il n’en reste pas moins un film très français dans sa mise en scène. Intimiste, plus proche des soldats que du conflit, il va d’ailleurs le plus souvent ridiculiser l’amiral incarné par Mathieu Kassovitz : symbole d’une procédure militaire qui n’évolue pas et ne tient pas compte de l’avis de ses soldats. Parfois frustrante, la procédure et la hiérarchie devient rapidement la source de tous les maux, en opposition au commandement du sous-marin et à l’oreille d’or dont l’expertise du terrain leur permettent de trouver des solutions. Jusqu’à un final stressant, terrible et bouleversant, Le Chant du Loup est une exception et un vrai plaisir pour le cinéma français qui prouve une fois de plus sa capacité à sortir des sentiers battus.

Un château de cartes

Car on est loin du film de guerre américain, de ses explosions et ses effets spéciaux impressionnants. Si le budget du Chant du Loup est conséquent, on reste évidemment loin de ce que Hollywood propose. Mais est-ce bien un mal ? En usant d’artifices divers le réalisateur s’émancipe de ces considérations pour proposer un film de guerre solide du point de vue de soldats isolés dans leur sous-marin. Mené par des acteurs de classe, en tête desquels l’excellent Reda Kateb, le film est une réussite dans tout ce qu’il entreprend. De sa maîtrise de la bande son pour immerger le spectateur dans la tension d’un sous-marin soumis à ce que le sonar est susceptible d’entendre, à la mise en scène astucieuse qui tire partie de chaque recoins du sous-marin, Antonin Baudry livre pratiquement un film d’auteur qui fait de la guerre l’expression de la stupidité et de la rigidité d’un système. Exprimé par une phrase mémorable du personnage incarné par Mathieu Kassovitz, c’est l’histoire de jeunes soldats à qui on a appris à croire en un système, jusqu’à ce que celui-ci les mène à leur perte. Une ambiguïté centrale dans l’oeuvre d’Antonin Baudry qui, plus qu’une énième histoire de guerre nucléaire, nous raconte le moment où la structure militaire échoue face à l’urgence d’une situation inattendue. C’est un château de cartes qui tombe inexorablement, comme un sous-marin condamné à s’échouer au fond des mers lorsqu’il est touché.

Étonnant, Le Chant du Loup est un film de genre qui use des codes hollywoodiens, en référence à « A la poursuite d’Octobre Rouge » pour exprimer une idée, une conception du genre par un auteur qui se l’approprie et nous livre un film plein de suspense, de tension et d’une idée très personnelle sur le film de guerre. Malin, Le Chant du Loup est une vraie pépite pour un cinéma français qui a tout à gagner à laisser sa chance à de nouveaux réalisateurs plein d’idées.

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