Nicky Larson et le Parfum de Cupidon, le détective qui ne craint personne

L’idée d’une adaptation du manga Nicky Larson (City Hunter) au grand écran par Philippe Lacheau et sa bande a fait grand bruit lors de son annonce il y a deux ans. Craintes d’un film calqué sur la précédente production de la bande, crainte des fans de voir les souvenirs du manga de leur enfance être malmenés… L’exercice est périlleux et c’est bien ce qui m’a intrigué en allant voir Nicky Larson et le Parfum de Cupidon au-delà d’une certaine affection pour un dessin animé qui a accompagné mon enfance.

Nicky Larson (Philippe Lacheau) est un garde du corps et détective qui détonne : maladroit et plus souvent perçu comme idiot et pervers, il n’en reste pas moins terriblement efficace dans son travail. On fait donc souvent appel à lui en dernier recours, en laissant un message sur un panneau à la gare. Sa partenaire Laura Marconi (Élodie Fontan) s’occupe de trouver des clients, jusqu’à tomber sur un homme qui prétend être poursuivi par des malfaiteurs qui souhaitent s’emparer de sa création : un parfum capable de rendre irrésistible quiconque le porte.

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Les coups de feu résonnent

Ce Nicky Larson de Philippe Lacheau n’est qu’une adaptation parmi d’autres : l’univers créé par Tsukasa Hojo dans les années 1980 a fait l’objet de plusieurs adaptations, deux à Hong Kong, dont un film avec Jackie Chan en 1993 -aussi loufoque que sympathique-. On pourrait aussi citer l’adaptation télévisée coréenne, sortie en 2011, qui était vraiment rafraîchissante et captivante malgré les libertés prises avec le matériau d’origine. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de voir une énième adaptation, mais qui suscite la curiosité cette fois-ci à cause de ses initiateurs : Philippe Lacheau se revendique fan de Nicky Larson, en particulier le dessin animé tel qu’il était diffusé en France sur le Club Dorothée au début des années 1990 : des dialogues édulcorés, une censure complète sur la violence et la nudité, des blagues revues pour ne pas heurter un jeune public. Une série humoristique, teintée d’ironie et de scènes où on voit le héros baver devant de jolies filles, Nicky Larson était aussi drôle qu’ancré dans son époque. Et ne perdons pas de temps : le film de Philippe Lacheau est un hommage très touchant à cet univers. On sent aisément l’amour que lui et sa bande portent au dessin animé, aux facéties du héros et à la masse de cent tonnes que Laura lui met sur un coin de la tête quand il va trop loin. On retrouve l’humour qui a fait le succès de Nicky Larson à l’époque, avec des dizaines de références à son univers et plus généralement celui de l’animation japonaise. Beaucoup de blagues font mouche face à un public qui garde un bon souvenir du dessin animé, et s’il y a bien quelque chose qu’on ne pourra lui reprocher c’est cette fidélité.

Car l’essentiel est là finalement, dans une adaptation potache d’un dessin animé qui l’était plus qu’aucun autre : de la coupe de cheveux improbable du héros aux vêtements, des personnages hauts en couleurs à la bande originale du dessin animé, on n’a aucun mal à se replonger dans cet univers. Les acteurs et actrices sont crédibles, mention spéciale pour Élodie Fontan qui joue une Laura absolument géniale, en bon contrepoids à la lourdeur de Nicky. Son personnage s’affirme au fil du film -à la manière du dessin anime, finalement-, et offre un peu plus de sérieux malgré l’omniprésence, jamais loin d’elle, de Tarek Boudali qui joue un personnage aussi creepy qu’idiot. Un personnage plutôt drôle et qu’on aime voir se faire martyriser tout au long de l’aventure. Malgré son humour, plutôt bien dosé et toujours très proche du dessin animé, le film nous surprend parfois sur sa mise en scène tout à fait sympathique des scènes d’action. Survoltées, avec des explosions qui tâchent et des gros méchants parfois un peu sympas (à l’image de Mammouth), ces scènes surprennent et donnent le sentiment que Philippe Lacheau sait ce qu’il fait derrière la caméra. On regrettera quand même la scène en vue subjective qui est comme bien souvent une très mauvaise idée, mais on lui pardonne sans mal grâce à la chanson Footsteps qui l’accompagne. C’est d’ailleurs un peu le sentiment qui prédomine tout au long du film : des errements, des vannes faciles, mais il est si référencé, si généreux, si passionné par l’animation japonaise des années 1980-1990 qu’on a bien du mal à lui reprocher sa facilité. J’ai grandi avec les Nicky Larson, Ranma 1/2, Olive et Tom, Dragon Ball et autre Ken le Survivant, alors il est bien difficile de ne pas décrocher un sourire chaque fois que le film me renvoie à ces souvenirs -sans tomber dans le name dropping bête et méchant, oui, je te regarde Ready Player One-. C’est avec les yeux d’un gamin que j’ai regardé le film, et j’en suis ressorti avec le sourire.

Aucun danger ne l’impressionne

Pour autant il serait malhonnête de s’arrêter là, et le film m’a poussé à m’interroger sur une question périlleuse : peut-on adapter Nicky Larson tel quel en 2019 ? Les réseaux sociaux se sont enflammés à la sortie du film, entre les personnes qui critiquaient le sexisme du personnage et celles et ceux qui le défendaient bec et ongles. Pourtant la question mérite d’être posée tant les sensibilités diffèrent. Vous l’avez compris, si j’encense le film, c’est parce qu’il m’a directement renvoyé à une époque où la première chose à laquelle je pensais le matin, c’était de pouvoir regarder la chaîne Mangas pour de nouveaux épisodes de mes dessins animés japonais préférés. En ce sens le Nicky Larson de Philippe Lacheau, plus encore que les adaptations précédentes, est un vrai bonheur tant il déborde d’affection pour ces œuvres. Mais je comprends aisément les critiques à son encontre car ce qui semblait acceptable au début des années 1990 (et encore, après censure de la télévision française) ne l’est plus en 2019 : le film est sexiste, Nicky Larson est un personnage toxique et terriblement antipathique. Philippe Lacheau continue d’exploiter des ressorts homophobes en matière humoristique, même s’il se révèle correct et pas trop lourd sur l’échelle de son Homophobic Cinematic Universe. Je comprends parfaitement pourquoi le film peut être haï autant qu’il est adoré par d’autres. Aimer une oeuvre n’empêche pas d’être critique, et il est important de prendre du recul pour comprendre ce qui cloche au sein de celle-ci. On ne peut pas décemment rejeter en bloc les critiques (souvent pertinentes) qui lui sont faites, alors que le film lui-même assume d’être hors du temps en s’appropriant une époque révolue.

Difficile pour moi de m’étendre plus largement sur le sujet car je suis bien incapable de produire une réponse, même une dizaine de jours après avoir vu le film. J’ai indéniablement passé un excellent moment devant le film et s’il y a une suite, j’irai le voir avec un grand plaisir. Pourtant, cette question de la possibilité  et la pertinence d’adapter une telle œuvre en 2019 me passionne, alors si vous avez un avis sur la question je serais très heureux de l’entendre. Dans tous les cas cette adaptation signée Philippe Lacheau est une excellente surprise tant dans sa fidélité à l’oeuvre originelle que son utilisation des multiples références et musiques du dessin animé. Même si je ne me remet toujours pas du fait que l’emblématique générique Get Wild soit aussi vite zappé.

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4 commentaires sur “Nicky Larson et le Parfum de Cupidon, le détective qui ne craint personne

  1. Je n’ai pas été déçu par cet article que j’attendais. Je suis un poil jeune pour avoir regardé Nicky Larson, et je ne compte pas voir le film tout de suite, mais le débat que tu introduis est passionnant. On peut aimer quelque chose, indépendamment de ses défauts. On peut adapter une œuvre datant, indépendamment de l’évolution des mentalités. Simplement, j’imagine qu’il y a un moyen de montrer qu’on utilise un ressort comique contre telle ou telle minorité, sans pour autant cautionner le sexisme, l’homophobie etc. Les mangas s’y sont toujours très bien pris en sanctionnant toujours le pervers d’une bonne raclée (Tortue Géniale par exemple). Et je pense que les gens doivent aussi être éduqués à prendre du recul, à une époque où tout devient sujet à polémiques disproportionnées. Moi-même, certaines critiques ne m’ont pas du tout donné envie de voir Nicky Larson. Mais le recul et ta propre critique m’incitent à devenir bien plus modéré. Il est primordial et même essentiel de prendre le contexte en compte avant de juger une œuvre. J’ai du mal à comprendre les gens qui reviennent sur des films ou des mangas qui datent de plusieurs décennies, pour dire combien c’était sexiste, raciste, etc. Le contexte est hyper important pour comprendre les intentions des auteurs. C’est une chose qu’on a trop tendance à oublier, et j’en ai justement parlé dans une récente critique sur l’adaptation de 2018, des Misérables, par la BBC. Dans l’idée, c’est très bien de placer un Javert noir et un Thénardier pakistanais, mais à quoi ça sert dans l’histoire ? Est-ce vraiment vraisemblable au vu du contexte ? Faut-il nier que le racisme ait existé, pour prouver qu’on n’est pas raciste ?

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    1. Merci à toi ! ;)
      Je pense que le problème se situe au niveau de la récurrence de ces ressorts comiques dans l’oeuvre de Philippe Lacheau. Je parle de « homophobic cinematic universe » pour m’en moquer, mais c’est une réalité assez peu flatteuse pour lui. Il a pris part à des projets avec sa bande qui usent et abusent de ces cordes sans jamais vraiment les remettre en cause. C’est là d’ailleurs que le personnage de Laura, incarné par Elodie Fontan, vient tempérer les choses puisqu’elle a cette fonction dans le manga de « modératrice » : chaque fois qu’il est pervers ou fait une connerie, elle met un coup de masse sur la tête de Nicky. C’est un truc qui a été réutilisé dans le film (dans un contexte très particulier) mais elle a tendance à s’effacer.
      Comme tu dis le contexte est important et il ne plaide pas vraiment en faveur de Philippe Lacheau. C’est bien pour ça que je comprends aisément les critiques, et si je n’avais pas eu ce côté nostalgique du dessin animé je n’aurais sûrement pas vu cette adaptation de la même manière.

      Pour le fait d’analyser des oeuvres d’une autre époque à la lumière de la notre : pourquoi pas ?
      Je pense que c’est intéressant de prendre du recul et de voir ce qui nous faisait marrer il y a dix ans, quand on n’avait pas le même rapport à l’autre et nous n’étions pas nécessairement sensibilisés à des questions sur l’identité, le genre ou l’ethnie. On peut reprendre l’exemple de Friends bien sûr, de Nicky Larson, ou même d’un film comme Love Actually. Si je trouve ça intéressant, c’est parce que ça nous permet de réaliser l’avancée, notre évolution et même notre meilleure (enfin, je l’espère) considération des gens qui nous entourent. Ca ne nous empêche pas d’aimer ces oeuvres : je regarde et rigole toujours autant devant Friends, j’ai adoré l’adaptation de Nicky Larson et Love Actually est une boule de tendresse qui ne fait jamais de mal.
      Au contraire je trouve pas ça super intéressant de faire l’autruche en réfutant les critiques : ces défauts existent mais n’entachent en rien la qualité des oeuvres. Comme tu le dis le contexte est important, et il est plus simple de pardonner à Nicky Larson son sexisme dans les années 80 au Japon qu’à cette ribambelle d’anime japonais qui sortent tous les jours et qui utilisent encore ces mêmes vannes, sans prendre en compte l’évolution de la société.

      Enfin, pour les Misérables, difficile de vraiment m’étendre dessus car je ne l’ai pas vu. Mais je ne pense pas que ce soit nécessaire de chercher une bonne raison à la présence d’un acteur noir, asiatique, arabe ou même sud-américain dans un rôle habituellement joué par un blanc. Sans nier le racisme, surtout dans le cas des Misérables, on parle d’une oeuvre classique qui a fait rêver des générations d’acteurs. Pourquoi un acteur d’origine africaine ne pourrait pas jouer Javert ? Pourquoi un pakistanais ne pourrait pas jouer Thénardier ?
      Certes, ça cadre mal avec la France du 19ème siècle, mais je pense que ces oeuvres classiques dépassent le contexte et les âges. Enfin, ce n’est que mon avis bien sûr :D

      En tout cas merci pour ton commentaire, c’est très intéressant à lire.

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      1. Je me suis un peu mal exprimé. Il est effectivement intéressant de prendre du recul sur une oeuvre datant. Cest une activité dailleurs a laquelle j’apprécie de me prêter. Néanmoins, descendre une oeuvre de façon disproportionnée sans prendre en compte le contexte me parait moins pertinent. Justement, David Oyelowo a confié dans un interview que jouer Javert etait un rêve pour lui ! Ce qui me parait incongru par rapport au contexte de l’histoire est hyper pertinent par rapport à l’année 2018-2019. Cest difficile de trouver un équilibre entre le contexte a l’intérieur d’une oeuvre et celui ou elle est créée. Cest aussi ca qui rend le débat si intéressant.

        Aimé par 1 personne

        1. Ah oui, je suis d’accord. Maintenant j’entends les critiques et comprend la position de certaines personnes. On peut être aujourd’hui très mal à l’aise en revoyant des films ou séries à cause de sensibilités différentes, même en gardant le contexte en tête.

          Comme je te disais j’ai du mal à vraiment confier beaucoup d’importance au contexte historique de l’oeuvre, quand on parle de classiques comme Les Misérables. De la même manière qu’on théâtre on adapte et ré-adapte des classiques de Shakespeare ou de Corneille de manière parfois loufoque. Ça ne me choque pas d’arranger l’histoire, d’inventer un contexte historique différent, si ça peut donner un regard différent sur l’oeuvre : ici plus inclusive.

          Aimé par 1 personne

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