Teen Spirit, un rêve brûlé par les projecteurs

Premier long métrage réalisé par Max Minghella, Teen Spirit raconte l’ascension fulgurante d’une jeune chanteuse qui part à l’assaut d’un télé crochet. Sorti timidement dans nos contrées fin juin 2019, le film avait été présenté au Festival du film international de Toronto en 2018.

Violet Valenski (Elle Fanning) est une adolescente d’origine polonaise qui rêve de devenir chanteuse. Habituée à une vie paisible avec sa mère sur une petite île britannique, elle va s’inscrire à l’audition d’un télé crochet sur les conseils d’un curieux mentor, Vlad (Zlatko Buric), qui voit en elle un potentiel énorme.

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Dancing on my own

Teen Spirit raconte ce « star system » monté de toute pièce depuis que les télé crochets ont pris une importance assez terrible à la télévision. Un monde où les adolescents et jeunes adultes se retrouvent catapultés sur des scènes à la pyrotechnie sans faille, acclamés par des spectateurs qui sont là pour voir de parfaits inconnus chanter les titres les plus populaires du moment. Une sorte de karaoke géant où le vainqueur empoche plein d’argent et l’occasion d’enregistrer un disque sous un label qui ne sait pas trop quoi faire avec lui. C’est dans cet univers que la jeune Violet, qui rêve de gloire mais qui n’a jamais connu autre chose que sa campagne, se retrouve alors que le vieux Vlad lui assure qu’elle a toutes ses chances. Elle y découvrira évidemment un monde destructeur, mais c’est surtout l’occasion pour le film de raconter cette forme de mépris de classe, de mépris social envers le monde rural, et la condescendance assez terrible du monde du spectacle envers la pauvreté et la simplicité. A commencer par l’agente interprétée par Rebecca Hall, qui s’arrange pour que l’adolescente se coupe de son passé. De manière pas franchement subtile mais probablement efficace, le réalisateur s’appuie sur la photo de Autumn Durald pour opposer l’obscurité, les couleurs ternes et la simplicité de la maison de Violet et de sa mère à la campagne sur une petite île, aux projecteurs et aux néons d’un plateau de télévision où l’apparence compte bien plus qu’une voix qui se cache derrière des synthétiseurs omniprésents. Très caricatural dans son récit et sa photographie, Teen Spirit n’en reste pas moins une oeuvre sympathique sur cette condescendance qui anime les « citadins » à l’encontre des « ruraux ».

Pour son premier film Max Minghella puise ses inspirations à droite et à gauche, et difficile de ne pas voir un peu de Nicolas Winding Refn dans ses plans et sa manière de raconter l’ascension et la désillusion d’une jeune qui aspire à la célébrité. Déjà avec Elle Fanning à l’époque, The Neon Demon racontait l’envers du décor du monde de la mode, avec la même compétition face à d’autres pseudo-célébrités qui n’ont aucune intention de partager le gâteau. On retrouve aussi ces similitudes dans la photo, dans la manière de montrer le désarroi de l’héroïne, mais soyons honnêtes : le fils d’Anthony Minghella peine le plus souvent à s’échapper de ses inspirations et propose un ensemble assez quelconque, qui tient essentiellement sur l’excellente interprétation de Elle Fanning. Sans trop de génie, il sert un film assez honnête qui peine toutefois à conserver son rythme. Le personnage interprété par Zlatko Buric apporte quelque chose d’intéressant aux côtés de Elle Fanning, mais dans l’ensemble le film paraît trop superficiel dans sa réalisation, souvent très scolaire et dénué d’idées, ce qui ne l’empêche pas de nous faire passer un bon moment certes, mais qui l’empêche d’avoir un réel impact. La critique des télé crochets et des projecteurs est facile, mais aurait mérité plus de soin dans sa mise en scène pour donner plus d’épaisseur notamment à ses personnages dont l’aspect caricatural apparaît pourtant comme une très bonne idée.

Barbie Girl

Max Minghella peut bien heureusement compter sur Elle Fanning, pour laquelle je n’ai jamais caché mon admiration, une actrice qui ne cesse d’impressionner au travers des nombreux rôles qu’elle a déjà interprété. Si on peut voir des similitudes avec son rôle dans The Neon Demon, cette jeune chanteuse en plein rêve de gloire semble pleinement pensé pour elles, alors qu’elle porte largement ce film qui manque autrement de génie. On remarque tout de même à Teen Spirit cette fabuleuse facilité à nous emporter dans toute la gloire de la pop anglaise et de l’eurodance. Si Aqua et les sons de synthétiseurs vous manquent, sachez que Teen Spirit propose une bande son assez géniale entre des vieilles gloire du genre et la voix de Elle Fanning qui se découvre là des airs de chanteuse. C’est très certainement une des plus belles réussites du film tant il parvient à nous amener dans cette ambiance très particulière qui sent bon le kitsch, un peu à l’image des nombreux télé crochets qui se sont multipliés depuis la fin des années 1990.

Imitateur imparfait de ses modèles, Max Minghella propose un premier film qui repose essentiellement sur la géniale interprétation de Elle Fanning. Récit du voyage d’une femme qui rêve de gloire au milieu d’un « star system » toxique, Teen Spirit est le témoignage de son époque. Critique de la condescendance des « élites », le parcours de Violet est celui de beaucoup de jeunes qui n’ont pas eu la chance des quelques élus des télé crochets.

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