Attaque à Mumbai (ou Hotel Mumbai) est un drame réalisé par Anthony Maras, sorti directement en VOD dans nos contrées début juillet 2019. Inspiré par le documentaire Surviving Mumbay qui racontait les attaques terroristes qui ont frappé Bombay en Inde en novembre 2008, le réalisateur raconte le destin d’un groupe de survivants au Taj Mahal Palace.
Le 26 novembre 2008, Arjun (Dev Patel) arrive au boulot, celui de serveur au Taj Mahal Palace à Bombay. Mais ce soir là, un groupe de dix terroristes prennent pour cible plusieurs lieux touristiques dans la plus grande ville indienne. Quand ils font irruption dans le hall du palace, Arjun se cache dans l’un des restaurants de l’hôtel avec Zahra (Nazanin Boniadi) et David (Armie Hammer), un couple de touristes.
Diner Escape
Attaque à Mumbai s’ouvre sur l’arrivée des terroristes dans la ville, pour la plupart des jeunes hommes qui écoutent les paroles de leur chef au téléphone. Un homme qui leur dit qu’ils vont accomplir quelque chose de spécial, qu’ils sont en mission face à ceux qui leur ont tout pris. Dès ses premiers instants, le film pose son contexte : la pauvreté de la population face à l’immensité et la richesse de palaces réservés aux riches touristes, le conservatisme du peuple face aux excès des visiteurs. Quand le chef du restaurant fait son petit discours d’avant-service à ses serveurs en leur assénant que « le client est Dieu », ce n’est pas qu’une petite formule qui taquine le malheureusement fameux « client est roi », c’est ce qui anime fondamentalement le film. On découvre des personnes qui se plient en quatre pour accéder aux exigences de riches clients, qui vont même pour certains risquer leur vie -à commencer par Arjun, le héros de cette histoire-, afin de sauver celle de leurs clients. Quand les terroristes font irruption dans la ville et ouvrent le feu, c’est le chaos qui s’installe. La très peuplée Bombay devient théâtre des horreurs, personne ne peut véritablement fuir et la masse de personnes qui animent les rues devient un obstacle à la fuite. Alors quand les terroristes arrivent dans le Taj Mahal Palace l’horreur se précise, de la violence au hasard on passe aux chasseurs et aux proies, les hommes armés deviennent tout puissants face à des familles désarmées. Pourtant le réalisateur Anthony Maras esquive le trop tentant voyeurisme qui caractérise souvent ce genre de film : beaucoup de morts le sont hors champ, ou de loin. On évite les éclaboussures de sang et les blessures les plus insupportables, car le réalisateur préfère parler d’horreur plutôt que de gore.
C’est d’ailleurs ce qui marque le film de Anthony Maras, ce sentiment d’horreur et de peur qui s’installe tout doucement. On parlera évidemment d’héroïsme, de situation hors norme et de sacrifice, mais Attaque à Mumbai tire son épingle du jeu grâce à son ambiance presque horrifique où les terroristes progressent dans l’hôtel comme le mal le ferait dans un film d’horreur, leur position est souvent cachée et on ne suit l’essentiel du film qu’aux yeux des personnes qui se cachent tant bien que mal. Le film joue sans cesse sur ses liens avec le cinéma d’horreur en s’intéressant au plus près des réactions de ses personnages, contrastant avec le calme des tueurs qui progressent dans l’hôtel de manière méthodique. Au milieu de l’horreur on découvre une poignée de personnages aux intérêts bien différents, qu’il s’agisse du (très cliché) russe incarné par le -pas très russe- Jason Isaacs, ou le couple interprété par les excellent(e)s Nazanin Boniadi et Armie Hammer, qui incarnent cette élite, riche, servie comme des « dieux » par le staff qui retournera dans son bidonville à la fin de son service. Dans ce staff on retrouve le serveur incarné de la meilleure des manières par Dev Patel, dévoué à ses clients et déterminé à survivre pour retourner auprès de sa femme et de son enfant. Cliché à première vue, la galerie de personnages du film offre pourtant une vraie tendresse en cassant les barrières qui séparent les personnages pour raconter une histoire de solidarité et d’héroïsme de tout un groupe de personnes qui affrontent l’épreuve la plus terrible de leur vie. Initialement livrés à eux-mêmes alors que la police ne semble pas en capacité d’intervenir, ils reprennent peu à peu l’avantage moral en progressant dans l’hôtel : une dynamique intéressante s’installe et Anthony Maras aborde la question de l’horreur sous un angle vraiment surprenant.
Who are they
Sa réalisation est brut, proche de ses personnages, et passe l’essentiel de son temps du point de vue de ses survivants. Les motivations des terroristes ne l’intéressent pas vraiment : il ne s’agit pas de refaire l’histoire de novembre 2008 à Bombay, mais de raconter la survie. Et le réalisateur le fait très bien derrière la caméra, en privilégiant l’espace clos d’un hôtel paradoxalement immense, comme donjon où chaque léger mouvement peut mener à la mort. Mais aussi une très belle image grâce à la photographie qui oppose le fastueux de l’hôtel à la pauvreté des quartiers où le peuple, impuissant, assiste à l’horreur devant des télévisions où ils s’amassent. Attaque à Mumbai est le récit de ce que l’humanité a de plus horribles, mais aussi curieusement une forme d’espoir qui se dégage alors que le destin des personnages est scellé dès les premières secondes.
Sublime dans sa manière de mettre en scène les contradictions de Bombay, ses richesses et sa pauvreté, Attaque à Mumbai fait le récit d’une terreur qui dépasse l’entendement. Pourtant, Anthony Maras ne tombe pas dans les écueils du genre et se sert du terrorisme pour raconter un film presque horrifique où un groupe de survivant tente de progresser au sein d’un hôtel rongé par le mal. Incarné par l’excellent Dev Patel, c’est une des bonnes surprises de l’année.