The Spy, la plongée d’un espion dans la Syrie des années 60

Production française, écrite en langue anglaise et diffusée dans nos contrées par OCS, la mini-série The Spy a mobilisé bien des moyens pour adapter à l’écran l’histoire de Eli Cohen, un ancien espion israélien infiltré en Syrie dans les années 60. Basé sur le livre L’Espion qui venait d’Israël de Urin Dan et Yeshayahu Ben Porat, la série comporte six épisodes avec Sacha Baron Cohen dans le rôle de l’espion.

Eli Cohen (Sacha Baron Cohen) est né en Egypte, en partie originaire de Syrie et de confession juive. Dans les années 40, il participe à plusieurs actions clandestines pour permettre aux juifs égyptiens de rejoindre la Palestine mandataire, avant de rejoindre lui-même Israël à la fin des années 50. Employé de bureau dans un cabinet d’assurance, il rêve d’intégrer le Mossad (les services secrets israéliens), qui rejette deux de ses candidatures. Jusqu’au jour où ils ont besoin de quelqu’un pour infiltrer la Syrie…

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Loner

Le genre de l’espionnage est plutôt bien représenté sur le petit écran ces dernières années, je pense par exemple au Bureau des Légendes, Bodyguard ou encore The Night Manager. La série du réalisateur Gideon Raff, The Spy, aborde toutefois un conflit relativement méconnu dans nos contrées, qui dépasse allègrement la fiction puisqu’elle raconte, de manière romancée, des faits réels. Il s’agit d’une adaptation de l’histoire de Eli Cohen, le premier espion israélien qui a été capable de s’infiltrer en Syrie. Le spectaculaire de son histoire sa capacité à s’intégrer dans les hautes sphères du pays, profitant de ses facilités naturelles à socialiser et se faire les bons amis. De la bourgeoisie damascène au pouvoir politique, il s’est retrouvé au plus près du gouvernement, notamment de Amin al-Hafez, qui devint rapidement dirigeant du pays après un coup d’État. Mais ce qui passionne dans son histoire telle qu’elle est racontée par la série, au-delà des considérations politiques et a fortiori les relations entre Israël et ses voisins arabes, c’est la personnalité de l’espion incarné par Sacha Baron Cohen. Très sociable, avec un caractère ambigu qui le fait naviguer entre loyauté pour Israël et ses origines syriennes, c’est l’espion idéal. Il brouille les pistes en s’attirant la sympathie des notables et injecte de l’argent là où il faut pour soutenir une certaine frange du pouvoir, influant considérablement certains choix politiques qui ont conditionné une partie de l’histoire syrienne. C’est un homme qui paraît avant tout très sympathique, amateur de bons mots et de bon vin, particulièrement attentif et proche des petits soucis de son entourage. La série montre cet aspect avec beaucoup de justesse, faisant de cette petite société qui se forme à Damas l’élément déclencheur d’un futur plus difficile. Les notables sont tout en haut du pouvoir, et la seule chose capable de dérailler le cours de l’histoire, c’est les petites luttes de pouvoir qui vont affaiblir le pays.

Par le biais de son héros, centre de toutes les attentions, The Spy porte un regard vraiment intéressant sur cette histoire politique syrienne. Tout se passe par les notables de Damas, une haute sphère politique et financière qui joue avec son histoire comme aux échecs. La séquence du coup d’Etat est d’ailleurs particulièrement formidable, tant dans la mise en scène de Gideon Raff que la musique qu’il utilise, alors que les riches du coin sont réunis dans une soirée de débauche pour que Amin al-Hafez puisse mieux régner. Il s’agit d’une grande série d’espionnage, elle prend son temps et offre une vraie leçon à beaucoup de showrunners : on peut raconter une grande histoire, en couvrant plusieurs années et de longues distances en très peu de temps. The Spy ne compte que six épisodes, pourtant la série offre un regard complet, cohérent et passionnant sur les années 60 qui ont bouleversées le pays. Un pays qui était en pleine mutation, qui se cherchait encore et qui hésitait entre ses influences traditionnelles et la volonté de la bonne société damascène de ressembler à l’occident. La série commence en Argentine où la communauté syrienne était très présente, et évolue par la suite à Damas où cette même communauté amenait la musique, les styles vestimentaires, les coiffures, les attitudes et les coutumes de la haute société argentine. Le mélange des cultures est un élément passionnant et fondateur pour Damas, qui a pendant longtemps été capable de mélanger les communautés, un peu à l’image du Liban à notre époque. Et c’est la plus grande qualité de The Spy, qui met le spectateur dans la position de l’espion : on se sent immergé dans cet environnement, on a vite le sentiment d’appartenir à cette petite communauté, et on prend part aux quelques décisions presque futiles qui auront par la suite de terribles conséquences.

Eli’s Coming

La série ne serait pas aussi passionnante sans la qualité de l’interprétation de ses acteurs. Sacha Baron Cohen, plus connu pour ses rôles comiques et absurdes, incarne avec puissance un personnage énigmatique et surprenant. On ressent cette hésitation qui l’habite parfois, entre son affection pour quelques personnes qui l’entourent et son implacable loyauté pour son pays d’adoption. A l’image de Waleed Zuaiter, dans le rôle de Amin al-Hafez, admirable de retenue dans son interprétation d’un homme assoiffé de pouvoir, se réfugiant derrière une cause qu’il prétend plus grande que lui. L’ambiance de Damas est particulièrement soignée et les décors nous emmènent loin, même si on regrette cette image passée sous un filtre gris qui atténue les couleurs de la ville, ou cette volonté de tourner la série en langue anglaise plutôt qu’en arabe.

Mais enfin, il ne s’agit pas de pinailler ; The Spy est une grande série d’espionnage. L’ego des hommes devient la chute d’un pays, où les affrontements entre la Syrie et Israël ne sont plus que des guerres d’individus qui ne pensent qu’à leurs jours heureux. Le peuple est mis à l’écart et The Spy raconte la curieuse vie d’un espion fait d’ambiguïtés. Fin et passionnant, son récit est mis en exergue par une ambiance séduisante.

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2 commentaires sur “The Spy, la plongée d’un espion dans la Syrie des années 60

    1. Merci bien, tu vas me faire rougir !
      La série manque très clairement de publicité, même pour les abonnés OCS elle n’a pas vraiment été mise en avant. Je sais pas pourquoi, peut-être parce qu’il s’agit d’une production française, ou parce que personne n’attendait vraiment Sacha Baron Cohen dans un tel registre.

      Aimé par 1 personne

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