Une production compliquée et quelques reshoots plus tard, Ad Astra a enfin atteint nos écrans. Film d’auteur à l’ambition d’un blockbuster, le long métrage de James Gray raconte le voyage spatial d’un homme en quête de réponses sur son père. Avec Brad Pitt en tête d’affiche, Ad Astra est un des films les plus attendus de l’année, et disons le tout de suite : il est à la hauteur des espoirs placés en lui.
Dans un futur proche où le tourisme spatial et l’exploration sont devenus réalité, Roy McBride (Brad Pitt) est un astronaute de la NASA. Il échappe de peu à la mort quand sa station d’observation est détruite, la faute à une surcharge venue de Neptune qui ravage peu à peu la Terre. C’est à ce moment-là que la NASA décide de l’envoyer dans une mission dans l’espace sur les pas de son père, également astronaute, disparu seize années plus tôt.
To the stars
James Gray et la filiation, c’est une longue histoire d’amour. Son travail a souvent été empreint d’histoires qui racontent conflits familiaux et quêtes de soi pour des personnages qui trouvent un sens dans la filiation. En regardant Ad Astra, il est difficile de ne pas penser à The Lost City of Z, tant pour sa proximité dans les thèmes abordés (la filiation, l’aventure, la recherche de l’inconnu) que pour la manière dont le film lui répond. The Lost City of Z racontait l’expédition périlleuse d’un aventurier en quête d’un sens à sa vie, qui s’y perdait après avoir retrouvé un certain respect de la part de son fils. Ad Astra lui prend la même idée mais la retourne : le voyage vers l’inconnu et l’inconnu deviennent un moyen de se retrouver, de chercher le passé pour mieux avancer plutôt que de s’y perdre. Le héros s’embarque dans un voyage qu’il ne considère pas comme une fin en soi, mais plutôt un moyen de mieux recentrer sa vie. L’essentiel de la narration passe par une voix-off où le héros nous raconte ses pensées, ses craintes et ses quelques espoirs. On y découvre un personnage las, brisé, qui voit dans cette recherche du père un moyen d’effacer ce qu’il a raté dans sa vie. C’est une introspection pour un personnage qui veut se retrouver et revenir vers la lumière, en complète opposition avec son père qui s’est enfuit vers l’aventure en tirant un trait sur ce qu’il a laissé derrière lui. D’ailleurs une des dernières scènes du film, où la lumière prend littéralement le pas sur l’obscurité, est absolument fantastique.
Pourtant les deux personnages se ressemblent, le film parle d’ambition, de fuite en avant : le père a tout laissé derrière lui pour satisfaire son besoin de combler un vide, et le fils fait pareil en laissant derrière lui une relation conflictuelle et une vie qui lui a échappé. Néanmoins le fils va retrouver une humanité en allant aux confins de l’univers, dans l’espoir de tirer un trait sur la figure paternelle qui l’a hanté.
Brad Pitt y est fascinant, racontant à sa manière un personnage aussi déterminé que stoïque. D’ailleurs, c’est son sang froid qui est calculé et observé constamment par ceux qui lui ordonnent de retrouver la mission de son père, une manière de raconter le détachement dont il fait preuve face à son paternel. L’action est rare dans Ad Astra, mais c’est un choix judicieux : l’apesanteur s’oppose aux grandes explosions, et la tension vient de ce sentiment d’être seul dans l’espace. Les rares scènes d’action, comme celle qui profite de la gravité de la Lune, bénéficie d’un soin particulier sur le son : on se sent confiné dans le costume de l’astronaute, comme s’il s’agissait d’une armure derrière laquelle on se cache. D’ailleurs la musique de Max Richter accomplit un travail génial, à mi-chemin entre la soif d’aventure et une pointe de désolation, sa bande originale est toujours pertinente et accompagne la quête du héros de la meilleure des manières. La recherche d’humanité se cache aussi derrière cette musique qui, dans un film finalement assez peu bavard, raconte les émotions qui poignardent le personnage à mesure qu’il avance et découvre des bouts de vérité. James Gray fait quelque chose d’assez fort avec son film car il dépasse le cadre habituel de la science-fiction et aurait très bien pu raconter la même histoire sans aller dans l’espace, mais ce voyage vers ce que l’humanité comprend le moins lui permet d’accentuer chaque émotion qui traversent son héros. Le personnage de Brad Pitt est mis face à lui-même : il n’y a pas de second choix, pas de retour, pas de repli. Il n’a d’autre choix que d’avancer jusqu’à atteindre la vérité.
Heaven can wait
La mise en scène de James Gray, accompagné de Hoyte van Hoytema à la photographie (qui a précédemment travaillé sur Her, Interstellar ou Dunkerque) sublime chaque étape de cette quête. De la Lune à l’espace, l’infini de l’univers s’opposent au confinement du héros dans des vaisseaux exigus. Ses plans sont vertigineux, à l’image de sa scène d’ouverture, et il y a définitivement quelque chose de 2001 : L’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick dans Ad Astra. Tant pour certaines salles d’une station, certaines couleurs et lumières que dans sa manière de filmer l’espace, James Gray aurait bien du mal à cacher son inspiration, même s’il préfère s’intéresser à la figure paternelle plutôt qu’à des considérations métaphysiques -dont Ad Astra n’est pas entièrement exempt-. C’est une comparaison osée certes, mais je pense que le film de James Gray a quelque chose d’assez unique en matière de science-fiction, une sorte de film fondateur qui aborde l’espace d’une manière bien différente de bons nombres de films sortis ces dernières années. A l’image du First Man de Damien Chazelle, il prouve qu’on peut encore parler d’exploration spatiale sans faire de l’action le centre de l’histoire.
Vertigineux, sincère et d’une terrible élégance, Ad Astra parle de quête de soi. Autour de thèmes chers à James Gray, le film fascine et provoque une véritable réflexion sur l’inconnu alors que son héros s’embarque dans un voyage qui remet en cause ses croyances. L’univers est infini et ce film prouve que peut-être, la science-fiction l’est aussi.
C’est drôle, mais je ressens comme un malaise lorsque la scène d’un jeu ou d’un film se passe dans l’espace. Il faut que je cherche s’il y a une phobie liée à cela, ahah. En tout cas, comme d’habitude, je trouve ta critique (je dirais même plutôt analyse) fascinante. Cela donne bien envie de lui accorder un visionnage.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci à toi !
C’est un peu pareil pour moi, l’espace suscite une certaine anxiété. Ça doit être quand même pas mal nourri par l’imaginaire créé par la science-fiction, et le sentiment d’être complètement isolé, sans retour. Le jeu Adrift simulait très bien ces sensations d’ailleurs ^^
J’aimeAimé par 1 personne
Belle critique !
Je suis pour ma part un peu passée à côté de ce film. Pas d’affect et rien pour remplacer (au contraire de 2001 que je regarde avec une certaine fascination, même s’il est assez froid comme film). Il y a de très belles scènes dans l’espace et sur la Lune, mais j’ai trouvé que ça manquait de liant.
Je retenterai un jour sans doute pour voir si mon opinion a changé. En attendant j’ai largement préféré The lost city of Z.
J’aimeAimé par 1 personne