Après quelques courts, la réalisatrice Maïmouna Doucouré s’est attelé à un premier long métrage qui évoque l’hypersexualisation des jeunes filles. Fort, le film interroge les modèles donnés aux jeunes filles pour se construire dans une société qui les sexualise très jeune. Le film sortira en salles le 19 août.
Amy (jouée par Fathia Youssouf) vient d’arriver dans une nouvelle école et peine à trouver sa place. C’est alors qu’elle rencontre un groupe de jeunes danseuses de son âge, qu’elle tente de rejoindre par tout moyen.

L’opposition de deux modèles
La jeune Amy est bouleversée entre deux mondes. La liberté et l’innocence de la bande de danseuses d’un côté, la douleur de sa mère dans une famille polygame de l’autre. Ces deux mondes donnent à la jeune fille des outils pour se construire, chacun avec sa dose d’extrémité que Amy absorbe sans pouvoir déterminer par elle-même la limite. Le film raconte des gamines qui veulent juste s’amuser, avec innocence et naïveté, le sourire aux lèvres alors qu’elles reproduisent des chorégraphies trouvées sur Youtube, quitte à ce que cela puisse choquer, tant qu’elles peuvent s’échapper de leur milieu défavorisé et vivre leur vie comme un rêve. Un rêve fait de paillettes et de danses lascives que certains, comme ce vigile particulièrement dégoûtant, prennent plaisir à regarder. Mais il n’y a pas d’arrière pensée pour ces jeunes filles qui ne voient là qu’un bon moyen de s’amuser et de mettre à contribution leur énergie débordante, une attitude qu’embrasse pleinement Amy, en quête d’identité et de modèle pour se construire alors que sa famille traverse un bouleversement avec l’arrivée de la deuxième femme de son père. De ce côté-là, Amy se voit opposer l’image de sa mère, presque spectatrice de sa propre vie alors qu’elle est entièrement acquise à un modèle traditionaliste auquel elle ne peut pas échapper, quand bien même il provoque en elle une douleur terrible.
Mais le film pose aussi les limites de cette recherche d’identité, avec une jeune fille livrée à elle-même qui prend exemple sur ce que les clips vidéo lui proposent : ce n’est que le fruit d’une société qui sexualise les corps des femmes à outrance, quitte à ce que les pré-adolescentes fassent pareil car c’est la seule image qu’on leur donne. La réalisatrice affirme dans une interview pour Franceinfo que son film est « profondément féministe » et cela se ressent : elle interroge la manière dont les jeunes filles se construisent avec ce que les outils qu’on leur donne. Qu’il s’agisse de clips vidéos ou de familles qui ne s’inquiètent pas trop de savoir ce qu’elles ressentent réellement, le film dénonce avec virulence. La sexualisation des corps des femmes est évidemment un sujet fondamental dans le film, et cela passe par de jeunes actrices absolument géniales et pleines de talent. On retiendra évidemment Fathia Youssouf puisque le récit nous fait découvrir ces deux mondes selon sa perspective, mais les autres filles de la bande sont aussi très justes, notamment Angelica, jouée par Medina El Aidi, dont l’énergie donne apporte beaucoup au rythme du film.

Un trop plein d’énergie
C’est d’ailleurs cette énergie qui donne au film toute sa force, avec des jeunes filles qui vont droit vers leurs rêves sans se poser de question, entre cris et excitation alors qu’elles tentent d’intégrer un concours de danse local. Mais ce tout plein d’énergie et de liberté n’est pas infaillible, avec une insistance de certains plans sur les corps de ces enfants dans des positions lascives. Si on comprend très bien la volonté de choquer et d’interroger sur la manière dont les corps des pré-adolescentes sont mis en avant dans la culture populaire, en mettant le public seul face à sa conscience, il y a une recrudescence de ces plans sur la dernière moitié du film qui met les jeunes actrices dans une position assez compliquée. Certes, cela sert le propos et le climax, mais il n’aurait pas été inintéressant pour la caméra de prendre un peu de recul en renouvelant la manière de filmer leur danse. Cela n’empêche toutefois pas la réalisatrice de toucher juste, car la gêne et le malaise qu’elle installe de cette manière sert pleinement sa dénonciation d’une culture populaire qui n’a toujours pas remis en cause la sexualisation des jeunes filles.
Pleines de vie et de talent, les Mignonnes de Maïmouna Doucouré incarnent une génération qui se cherche de nouveaux repères, confrontées à une culture populaire et familiale qui ne leur offre que des modèles trop rarement remis en cause. Touchant, le film insiste peut-être trop sur des images qui cherchent à choquer, mais l’ensemble fonctionne si bien que ce premier long métrage donne envie de vite revoir la cinéaste sur un nouveau projet.
Salut ! J’espère que tu as passé un bel été ! Une fois n’est pas coutume, je ne prends pas le temps de regarder assez de films, mais je ne prends pas moins de plaisir à lire tes critiques ! Les thématiques évoquées par Mignonnes ont l’air vraiment intéressantes et bien menées, (rendant la « bavure » de la promo Netflix d’autant plus grave). Au plaisir de te relire !
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Ah ça, la « bavure » de Netflix est criminelle. J’ai dit ici dans mon article ce qui peut déranger dans le film, mais c’est sans commune mesure avec ce qu’ils ont provoqué.
En tout cas merci encore une fois à toi !
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