Nous y voilà, enfin. Les cinémas rouvrent ce 19 mai et avec eux beaucoup de films dont la distribution a été sabrée en cours de route, ou d’autres qui ont dû reporter leur sortie initiale. Parmi ces derniers il y a Slalom, le premier long métrage de Charlène Favier. Celle qui était dans le milieu du sport à l’adolescence raconte ici un film qu’elle dit « irrigué de [son] histoire personnelle », tentant de briser l’omerta sur le harcèlement sexuel dans le sport, n’en déplaise à certains dirigeants sportifs et politiques. A quelques jours enfin de la sortie du film qui était dans la sélection officielle 2020 du Festival de Cannes, c’est le moment d’en parler.
À 15 ans, Lyz (incarnée par Noée Abita) réalise un rêve : elle intègre une section ski-études d’un prestigieux lycée. Elle tombe rapidement face à Fred (joué par Jérémie Renier), un ancien champion de ski chargé d’enseigner sa discipline. Convaincu du talent de Lyz, il la prend sous son aile, un soutien qui se transforme vite en une emprise insupportable pour la jeune sportive.

Un monde suffocant
Slalom est un film étonnant, doté d’une pudeur qui rend son récit encore plus marquant. La violence n’y est que suggérée, rarement montrée frontalement, mais elle est omniprésente alors qu’on sent l’étau se resserrer sur la jeune sportive que Charlène Favier raconte. On y découvre l’emprise d’un entraîneur sur sa future championne, qui s’immisce dans sa vie privée en la faisant rêver d’un futur fait de gloire, la convaincant que tout est pour son bien et qu’un jour, ses efforts paieront. Il y a évidemment une relation d’autorité, puisque la position de l’entraîneur lui permet de contrôler le mode de vie de la jeune femme, allant jusqu’à décider pour elle ce qui serait le mieux pour sa future carrière. La cinéaste n’épargne aucune horreur, avec ce sentiment de suffoquer alors que la narration se fait peu à peu plus pressante, plus forte, sans jamais perdre le fil de la violence d’une situation qu’elle raconte au travers de sa propre expérience. Le harcèlement et la violence sexuelle, et tous leurs mécanismes pernicieux sont expliqués très justement, dans un film qui saisit la question sous un angle particulièrement captivant. Cet angle, c’est celui d’une future championne qui a des étoiles plein les yeux, dont l’isolement au sein d’une école « d’excellence » annihile tout échappatoire.
C’est cette solitude qui rend l’emprise de son bourreau plus prégnante, elle qui est loin de tout et de tout le monde. Un sentiment de solitude parfaitement retranscrit par la réalisatrice, qui isole régulièrement son actrice dans des plans rapprochés où elle semble enfermée dans un environnement toxique. Il y a de bonnes idées là-dedans, comme lorsque la sportive s’entraîne ou participe à des compétitions, de longues descentes à ski où elle finit irrémédiablement par arriver en face de son coach qui l’attend en bas. Un peu comme une descente aux enfers, le ski la ramène constamment vers celui qui la détruit jour après jour. Notons d’ailleurs la qualité de ces scènes en montagne, où l’on ressent la tension du moment qui s’oppose à un rare sentiment de liberté pour une jeune femme qui y trouve certainement un certain refuge, un moment de tranquillité avant de retrouver celui qui l’oppresse.

L’horreur revêt bien des formes
Pourtant on pourrait reprocher une réalisation consensuelle, qui manque souvent de personnalité, mais chaque fois que Charlène Favier trouve le plan juste, cela donne des frissons. Avec un film déjà chargé en émotions tant le sujet est intense, elle peut en plus compter sur Noée Abita qui transcende son rôle et habite le personnage. Elle est véritablement à couper le souffle, et elle porte dans les grandes largeurs un film qui semble fait pour elle. A ses côtés Jérémie Renier est peut-être moins intéressant, malgré ses grandes qualités de l’acteur et son investissement dans un rôle pas évident.
Intense et terrifiant à sa manière, Slalom raconte ainsi avec retenue mais beaucoup de pertinence les violences sexuelles dans le sport au travers d’une future championne. Incarnée avec beaucoup de talent par Noée Abita, celle-ci permet d’aborder un sujet qui souffre encore et toujours d’une omerta qui fait bien les affaires des individus concernés, et un tel film se révèle extrêmement important pour mettre la lumière sur ces violences. Une vraie réussite pour le premier long métrage de Charlène Favier, qui offre à son film encore plus de force avec une touche autobiographique.
Je prends toujours un grand plaisir à arpenter tes critiques.
Je suis ravie que les cinémas ouvrent aujourd’hui. Pour l’anecdote, j’avais plusieurs places pré-payées que je n’ai pas pu utiliser depuis plus d’un an, et je déménage dans quelques mois. Donc je sens que je vais pas mal squatter les salles obscures. J’ai vu qu’ils passaient Adieu les cons cette semaine^^
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Merci Flo !
Je vais m’y remettre aussi, les salles me manquent tellement. Adieu les cons est revenu à l’affiche en effet, il avait fait un incroyable démarrage avant que le couperet de la fermeture tombe, j’espère que le film va retrouver le public qu’il mérite. Parmi les revenants, il y a aussi Drunk que je n’ai pas vu.
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