Quelques mois après le manga Butterfly Beast qui s’était terminé en deux tomes, la suite arrive dans une nouvelle série qui devrait, elle, se tenir en cinq tomes. On y retrouve la même héroïne, Ocho, chasseuse de shinobis qui sont passés du mauvais côté et qui déshonorent leur fonction autrefois officielle. J’ai été conquis par la première série, et je ne vous cache pas que j’attendais avec impatience cette suite.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.
« 1635, début de l’ère Edo. Ocho a enfin retrouvé Kazuma, l’ancien compagnon d’armes qu’elle s’était juré de traquer. La kunoichi ne trouve cependant pas la force de l’arrêter et ce dernier parvient à lui échapper. Tandis que la paix règne enfin, des shinobis laissés pour compte sévissent encore et mènent une guerre de l’ombre aux « chasseurs » du gouvernement chargés de les éliminer. Ocho parviendra-t-elle à mettre fin aux sombres desseins de celui qu’elle a tant aimé ? Et où la mènera cette vie de combats sans fin ? » (Mangetsu)

Une narration affinée
Cette nouvelle série nous remet vite dans l’action. On y redécouvre Ocho au moment où elle commence à traquer un homme qui semble assassiner les clients d’une courtisane dont il est tombé amoureux. Une histoire tragique, à l’image d’une mélancolie qui ne cesse de se dégager de l’héroïne, où la cruauté humaine se mêle à un amour devenu possessif et violent, n’ayant ainsi plus rien d’amour. Plus encore que ses proies, la chasseuse apparaît faillible, loin, finalement, de la femme froide, calculatrice et intransigeante que l’on avait découvert dans la première série. On sent qu’elle a gagné en épaisseur, en maturité mais aussi en subtilité, elle qui se laisse enfin prendre par des sentiments qui remontent soudainement. Cela donne au personnage une humanité inattendue, plus forte que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, et donne ainsi une dimension intéressante à l’histoire. Car elle n’en reste pas moins une assassine qui doit être sans pitié, dont le rapport à l’humanité se limite à celui de rendre honneur à un pouvoir déchu.
Ce regard plus profond sur les états d’âme de Ocho permet à l’autrice Yuka Nagate d’aborder son histoire avec plus de nuance, en y incorporant des réflexions plus poussées sur le rôle d’Ocho et de sa « confrérie », et sur le sens de ces meurtres à répétition censés laver l’honneur d’un pouvoir d’autre fois qui comptait encore sur les shinobis. A certains égards, la solitude de l’héroïne et son questionnement sur sa place peut rappeler certains chapitres de Lone Wolf & Cub, que j’ai enfin commencé récemment, et a indubitablement marqué et inspiré des générations entières d’auteur·ice·s. Cette similarité se trouve à la fois dans le côté inévitable du personnage, qui arrive toujours à ses fins et qui inspire la crainte, mais aussi et surtout dans ses réflexions sur le sens de sa quête. Le manga se permet en outre de s’intéresser à la question des chrétiens du Japon, persécutés par le Shogunat, donnant une dimension politique au récit avec des personnages qui se révèlent sous un autre angle et qui montrent que derrière les questions d’honneur, il y a surtout des considérations politiques qui ne s’embarrassent pas trop de l’humain·e.

L’envie d’en voir plus
Cela apporte une nouvelle dimension à l’intrigue, qui n’en devient que plus solide, plus forte émotionnellement, à tel point que l’on se met à attendre avec impatience la suite d’un récit qui semble capable d’aller au-delà de la séduction et de la sensualité inhérente à son personnage principal. Si Yuka Nagate peine encore à montrer des décors plus fouillés, elle fait quelque chose d’assez exceptionnel et de très fin sur les visages, aux expressions marquantes, entre la crainte et la surprise, la haine et la mélancolie. Les expressions sont aussi nombreuses et subtiles que son écriture, toujours intéressante dans les derniers dialogues qui interviennent avant un affrontement ou une exécution.
C’est un retour en force pour Butterfly Beast II, un manga que j’attendais avec impatience après avoir été captivé par la première série Butterfly Beast sortie l’année dernière. Yuka Nagate y maîtrise toujours aussi bien son récit, en se permettant même de l’amener sur des terrains que l’on n’imaginait pas et en offrant à son héroïne plus d’envergure. C’est assez simple : Butterfly Beast II fait tout mieux que le premier.