Spencer, la royauté est une erreur

La vie de Diana fascine autant qu’elle émeut, c’est une femme qui a su capitaliser sur une image de proximité avec son peuple, au bout d’une vie tumultueuse où elle était déchirée entre ses propres désirs et la vie au sein d’une famille royale qui voulait la façonner autrement. Victime d’un système et d’une famille où les apparences comptent plus que les idées, « Lady Di » reste encore aujourd’hui le symbole d’une volonté de s’échapper, de vivre sa vie et de s’assumer. Pablo Larraín, à qui l’on doit déjà l’excellent Jackie, continue ses portraits de femmes de pouvoir avec le film Spencer, sorti en janvier dernier sur Amazon Prime Video.

« Le mariage de la princesse Diana et du prince Charles s’est depuis longtemps refroidi. Bien que les rumeurs d’affaires extraconjugales et de divorce abondent, la paix est ordonnée par la Reine lors des festivités de Noël au domaine de Sandringham. Entre mets et boissons, tire et chasse, Diana connaît bien les règles du jeu. Or, cette année les choses seront très différentes. » (Prime Video)

© Courtesy of NEON / Amazon Prime Video

Un piège qui ne dit pas son nom

L’histoire de Diana est tragique, et elle fascine au-delà des frontières du Royaume-Uni. D’un mariage de rêve à la solitude d’une vue de château qui lui retire toute forme de liberté, de ses amours interdits à son émancipation, sa vie avait tout d’une œuvre de fiction que certain·e·s suivaient comme un feuilleton, quitte à verser dans un voyeurisme célébré par les journaux people. Mais avant les scandales consécutifs à la séparation du couple princier, Spencer aborde la solitude ressentie par Diana alors que des rumeurs d’une cassure dans son couple commencent à émerger dans la presse. L’étau se resserre alors sur une femme que la famille royale veut contrôler, peu à peu coupée du monde dans une immense demeure où il lui est désormais interdit d’ouvrir les rideaux, par peur qu’elle soit vue par des paparazzi. On découvre une Diana qui se perd dans une famille qu’elle ne connaît pas vraiment, qui la repousse, à l’image de l’immense demeure où elle se perd dans de longs couloirs, dans les plaines qui l’entourent et dans une campagne qu’elle ne reconnaît plus. Pablo Larraín ne cesse d’étonner avec la sensibilité qu’il met dans ses portraits, dans la douceur qu’il apporte à un personnage maltraité par son environnement familial et politique. Diana se fait broyer par la monarchie, ses codes, ses impératifs et ses traditions d’un autre temps et le cinéaste Chilien le raconte très bien.

Mais il doit surtout, à Kristen Stewart, une performance magistrale. Elle est formidable dans le rôle, incisive à chaque réplique, à chaque mimique et à chaque expression qu’elle tente de dissimuler. Elle n’imite pas Diana mais l’incarne, la possède, avec élégance et sincérité, sans tomber dans la caricature d’une femme déjà trop caricaturée. est formidable, incisive à chaque réplique, à chaque mimique et chaque expression cachée, elle n’imite pas Diana mais l’incarne, la possède, avec élégance et sincérité. Vertigineuse dans un rôle qui semble fait pour elle, l’actrice américaine s’est parée de son meilleur accent anglais pour donner la réplique à la non moins excellente Sally Hawkins (La forme de l’eau), les deux femmes entretiennent dans le film une relation amicale, non dénuée d’un amour certain, qui donne beaucoup de cœur à un film qui paraît souvent bien plus froid.

© Courtesy of NEON / Amazon Prime Video

L’horreur d’un autre monde

L’autre tour de force de Pablo Larraín, c’est d’avoir filmé Spencer comme un film d’horreur. Je parlais plus haut d’un étau qui se resserre autour de Diana, mais c’est plus généralement un piège que représente la maison familiale, un piège duquel elle ne peut s’échapper. La peur rôde à chaque recoin, à chaque couloir, et on la voit fréquemment se réfugier dans une poignée de pièces qui la rassurent, tandis qu’une scène en particulier la montre explorer un lieu interdit, presque hanté. Comme face à l’horreur, à quelque chose de mystique, elle perd sa tête et ses moyens. Pablo Larraín étonne pour ses choix de mise en scène, plus audacieux peut-être que dans Jackie.

Étonnant et fascinant, Spencer parle des dégâts causés par une famille royale à une femme qu’elle rejette, qu’elle n’accepte pas, quitte à la piéger dans sa propre demeure en tentant de faire d’elle la responsable de ses propres maux. Pablo Larraín aborde l’histoire de Diana sous un angle quasi-horrifique, tandis que Kristen Stewart l’incarne avec classe et élégance, offrant un biopic plus fort encore que Jackie.

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