Pour finir ce mois d’août, c’est un film danois qui débarque dans nos salles. Le Wild Men de Thomas Daneskov est un film parfaitement ancré dans l’actualité : à l’heure où beaucoup de personnes se posent des questions sur le sens de leur travail, sur la société et sur leur manière de vivre, le cinéaste imagine Martin, un homme sans histoire, qui plaque tout pour vivre dans la nature comme un de ses ancêtres viking.
« Martin, en route pour un séminaire, décide dans un moment de folie de tout quitter et d’aller vivre comme ses ancêtres il y a des milliers d’années, avant que les supermarchés et smartphones ne viennent tout gâcher. Sa route croise celle de Musa, un fugitif blessé, recherché par les autorités mais aussi par ses anciens complices. Leur odyssée les mène aux confins de la forêt norvégienne, à la rencontre de policiers désœuvrés, de vikings, d’un lapin épris de liberté, et de truands éclopés. »

La vie n’a pas de sens
Martin en a marre de sa vie, de son quotidien, d’une société dans laquelle il ne se retrouve plus, à tel point qu’il se met en tête de partir à l’aventure. Pas n’importe quelle aventure, la grande, celle qui va le reconnecter avec ses ancêtres vikings. Celle où, vêtu de peaux de bête, il se met à camper et à chasser au milieu de la forêt norvégienne, fièrement convaincu d’être capable de vivre de la sorte. Une croyance que le film met à mal très vite, traitant du sujet avec sarcasme, mettant le personnage face à ses contradictions, jusqu’à ce qu’il dérobe une supérette faute de réussir ses grands rêves de chasse. Mais plus que pour se moquer de lui, le réalisateur le fait aussi pour raconter la difficulté de pleinement déconnecter d’un monde et d’une société à laquelle Martin est habitué : dur de trouver de quoi se distraire à la belle étoile, d’envisager chasser toute sa vie et de subvenir à ses propres besoins, encore lorsqu’il fait la rencontre d’un homme assez gravement blessé. Parce qu’il va falloir s’occuper de sa plaie, et surtout parvenir à s’échapper -suite à un quiproquo avec la police- sans faillir à ses nouveaux principes de vie.
Plus encore, cet humour cache en réalité le traitement assez fin d’un sujet qui est plus que jamais dans nos têtes. Celui du lâcher prise, de se dire un jour qu’on va tout envoyer se faire voir pour partir à l’aventure et ne plus regarder en arrière. Dans des sociétés toujours plus stressantes et oppressives, qui broient leurs citoyens, il y a une envie prégnante de voir autre chose. C’est ce qui anime Martin, poussé à l’exile au milieu de nulle part pour trouver une certaine forme de sérénité, ou dans le cas de Musa, son compagnon de route, poussé vers la délinquance alors qu’il n’a aucune autre perspective. Peut-être un peu facile à certains moments, le film n’est pour autant pas tendre avec son héros, qui apparaît souvent comme une victime de sa propre vie, mais dont les choix sont aussi critiqués au regard de ce qu’il laisse derrière lui, avec une pointe d’égoïsme. Il y a une vraie nuance dans la manière dont Thomas Daneskov aborde son sujet, bien aidé par deux acteurs, Rasmus Bjerg et Zaki Youssef, tous deux très drôles et attendrissantes dans leurs rôles, donnant une vraie saveur de buddy movie à leur aventure.

Humour dramatique
Le film aborde ces questions avec un humour grinçant, autant dans les contradictions de Martin que l’inutilité des policiers, sous-entendant à de maintes reprises que tout le monde joue son rôle sans trop de conviction. Comme si chacun·e voulait, inconsciemment, maintenir une société à laquelle peu de monde croit réellement, qui ne fait pas vraiment sens, mais qui a au moins le mérite de donner une raison d’être à chacun·e. Et il est peut-être là, le questionnement de Daneskov, qui cherche la raison de vivre d’un homme qui n’a plus d’intérêt pour ce qu’il fait au quotidien. En outre, il y a de très belles choses visuellement, le film profitant à fond de la vertigineuse forêt norvégienne, où l’on se sent paumé, comme dans la tête de nos deux héros d’un jour. Malheureusement, il manque peut-être un peu plus de folie par moment, pour un film qui finit par prendre une étonnante tournure dramatique et qui annonce plus de rires qu’il n’en délivre vraiment. Comme si le rire laissait place à l’absurdité d’un monde pas si rigolo qu’on l’aimerait.
Étonnant, Wild Men raconte l’aventure dont on se met parfois à rêver quand on est paumé au boulot à faire un boulot plus stressant qu’utile à la société : tout plaquer pour vivre dans son coin. C’est le choix que fait Martin, le héros de Thomas Daneskov qui part sur un coup de tête sans trop avoir prévu ce qu’il allait lui arriver. Buddy movie plutôt grinçant, le film fait rire et interroge, s’orientant peu à peu vers un drame qui se tisse en fond, il manque certes parfois de folie, mais l’absurdité de ses situations font souvent mouche.