En Corée du Sud où il est de plus en plus difficile de se faire une place dans le genre du thriller, quelques réalisateurs tentent de se démarquer en proposant des histoires qui dépassent le cadre de la simple vengeance où l’hémoglobine éclabousse tous les murs. Han Jun Hee fait partie de ceux-là avec Coin Locker Girl, un thriller doté d’une certaine sensibilité.
Un sans abris trouve un jour un bébé dans un casier de consigne automatique dans une station de métro sud-coréenne. La cheffe d’un groupe d’usuriers peu scrupuleux, qui se fait surnommer « Maman » (Kim Hye Soo), va élever la jeune Il Young (Kim Go Eun) et la faire travailler pour elle. Alors qu’elle a atteint l’adolescence, elle est chargée de collecter les dettes pour le compte de l’usurière. Au cours d’une de ces activités, elle fait la rencontre de Seok Hyun (Park Bo Gum), un jeune homme responsable de la dette de son père, et qui rêve d’exercer son métier de cuisinier en France.
Une esthétique soignée
Coin Locker Girl marque d’abord grâce à son esthétique. Avec une réalisation cohérente et une identité visuelle facilement identifiable, Han Jun Hee propose au spectateur d’évoluer dans l’univers des gangs et collecteurs de dettes en Corée du Sud. L’univers dépeint est relativement crédible, les gangs ne sont pas surarmés et n’apparaissent pas comme des maîtres d’arts martiaux. Cela contribue largement à s’immerger dans le film et croire à l’histoire qui nous est racontée. A ce propos, le film comporte de nombreuses scènes marquantes où l’on prend le temps de poser l’ambiance et se focaliser sur les émotions ressenties par les personnages. Le rythme du film est du coup plutôt lent, mais ça en devient une qualité dans la mesure où contrairement à beaucoup de thrillers coréens il ne part jamais dans la surenchère de violence.
Les personnages sont pour la plupart plutôt intéressants. La « mère » est froide mais n’apparaît pas pour autant comme un personnage détestable et entièrement mauvais, Il Young est loin d’être une héroïne toute blanche et la fille aux cheveux roses, Ssong (Lee Soo Kyung), semble avoir une histoire compliquée mais reste un personnage relativement optimiste qui aurait sûrement mérité plus de développement. Malheureusement à côté on tombe aussi dans les travers du cinéma coréen avec quelques personnages caricaturaux, comme Woo Gon (Um Tae Goo) dans le rôle du grand frère mystérieux, Seok Hyun en joyeux naïf, le mafieux Chi Do (Ko Hyung Pyo) qui tient une boîte de nuit et ne pense qu’à tuer tout le monde, ou encore Hong Ju (Cho Hyun Chul) aux tendances psychopathe.
Ainsi on a toute une panoplie de personnages allant du très bon au mauvais, mais qui ont tous un point commun : on n’apprend jamais rien sur eux et sur leur enfance. Pourtant ça aurait pu être intéressant d’en savoir plus sur les cas de Il Young et Ssong, qui sont deux femmes très éloignées de ce qu’on voit habituellement dans le cinéma coréen.
Les clichés du genre
Le réalisateur Han Jun Hee part avec plein de bonnes intentions, mais s’égare assez rapidement. Si le pitch du film est intéressant, celui d’une enfant recueillie par une mafieuse et qui contrairement à d’autres films du genre, n’est pas foncièrement protégée par sa mère adoptive mais au contraire lancée dans les pires « missions » qui soient. On n’a pas ici affaire à une quête de vengeance. Mais finalement le film bascule lorsque l’héroïne fait la rencontre de ce jeune homme naïf et rêveur pour lequel elle semble s’éprendre de sentiments inattendus. A ce moment, sa loyauté envers sa « mère » est remise en cause et ce n’est même pas dû au caractère immoral des actes qui lui sont demandés non, c’est entièrement dû au sentiments qu’elle a pour lui.
La deuxième partie du film se concentre largement sur l’opposition entre l’héroïne et celle qui l’a recueillie, menant à un final déjà vu des centaines de fois. J’ai l’impression que le réalisateur n’a pas su gérer ses personnages et développer leur histoire, alors qu’il tenait une excellente base plutôt rafraîchissante pour le genre. Malgré tout Coin Locker Girl est un film vraiment sympathique où on ne s’ennuie pas vraiment, la crédibilité de son histoire et la sensibilité apportée aux personnages apportent une touche différente à un genre qui peine à sortir du cliché de la vengeance dans un bain de sang. Bien sûr, il comporte quelques scènes très violentes et angoissantes, mais ne tombe jamais dans la surenchère et c’est ce qui fait sa force.