[Le Vidéoclub #5] Failan, de battre son cœur s’est arrêté

« Le Vidéoclub » est une chronique régulière qui revient sur des films découverts après leur sortie au cinéma, en mémoire des vidéoclub qui louaient des films, remplacés depuis par la VOD, les plateformes de streaming ou encore l’achat de Blu-ray et DVD. Sorti en 2001, Failan est un de ces films qui restent en mémoire pour quelques unes de ses scènes, particulièrement fortes, et la prestation d’acteurs qui savaient qu’ils tenaient là parmi leurs meilleurs rôles. Réalisé par Song Hae Sung et primé plusieurs fois au Festival du film asiatique de Deauville en 2002, Failan est un film culte à mes yeux.

Après avoir perdue ses deux parents, Failan (Cecilia Cheung) immigre en Corée du Sud afin d’y retrouver de la famille. Une fois arrivée sur place, elle découvre que ceux-ci ont émigré au Canada. Elle est alors désemparée. Sans argent ni d’endroit où aller, avec un coréen très limité, elle ne trouve pas de travail et se retrouve contrainte d’avoir un mariage arrangé avec un inconnu pour avoir le droit de rester sur place. C’est alors qu’elle est mariée à Kang Jae (Choi Min Sik), un vieux mafieux qu’elle ne rencontre même pas et qui fait ça uniquement pour obtenir un peu d’argent. Elle est ensuite envoyée dans un village dans l’arrière pays, où elle va travailler et rêver chaque jour de cet homme qui, malgré ses motivations, l’a sauvée. Lui, il n’a aucune intention de la voir, mais les choses vont changer lorsque son boss lui demande de prendre la responsabilité d’un meurtre et aller en prison à sa place : Failan devient son unique échappatoire.

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First Letter

Adaptation du roman japonais Love Letter de Jirô Asada, Failan est une histoire d’amour atypique. Un amour qui va naître entre deux personnes qui ne se connaissent pas et ne se sont jamais vus (si ce n’est sur des photos d’identité), qui ne connaissent rien l’un de l’autre, mais qui représentent pour chacun un sauvetage ou un échappatoire à leurs vies détruites.
Alors qu’il commence de la même manière que nombreux films de gangsters coréens, avec un homme qui sort de prison, un autre qui se fait sauvagement assassiner dans une ruelle sous une pluie battante, une femme désemparée errant dans les rues de Séoul, Failan prend rapidement une autre tournure : les deux personnages principaux arrivent à un point charnière de leur vie. L’une doit reconstruire sa vie dans un pays qu’elle ne connaît pas et auprès de gens qu’elle n’a jamais vu, l’autre est prié de « prendre le coup » à la place de son boss et d’aller passer dix ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis.
L’acteur Choi Min Sik (Old Boy, Lady Vengeance, J’ai rencontré le diable, New World…) incarne là un de ces gangsters pathétiques que l’on retrouve souvent dans le cinéma coréen, pseudo-leader qui passe plus de temps à perdre de l’argent et frapper ses « soldats » qu’à se faire respecter par ses pairs. Mais passé ce stade très caricatural, on découvre un personnage torturé qui est finalement bouleversé par cette jeune femme qui, même s’il ne l’a jamais rencontré, lui a dévoué sa vie et son amour et l’a considéré comme un homme exceptionnel. On le voit pendant une bonne partie du film dans le train qui doit l’amener dans le village où se trouve sa « bien-aimée », et c’est en lisant enfin la lettre qu’elle lui a envoyé des semaines plus tôt qu’il s’attache à elle. C’est un moment fort qui ne pouvait être interprété que par un tel acteur.

Mais Failan ne serait rien sans la jeune Cecilia Cheung (à peine 20 ans à l’époque) sans qui le film, qui porte le nom de son personnage, ne serait rien. Tout un imaginaire se met en place autour d’elle, ses rêves lui permettant de tenir. Mais ils permettent aussi au spectateur de s’approprier cette simili-histoire d’amour qui commence à naître, alors qu’elle regarde inlassablement la photo de son « mari » et qu’elle ne cesse de le couvrir de compliments dans les lettres qu’elle écrit. Toute en retenue et avec une innocence touchante, l’actrice est un pilier fondamental de ce film en lui donnant une douceur et une tendresse qui tranchent avec la vie difficile de celui qui l’a « sauvée » en se mariant. Alors quand une mauvaise nouvelle tombe pour cette jeune femme, le spectateur ne peut qu’être désemparé, comme elle au début de son histoire.

Love Letter

C’est une étrange histoire d’amour que nous raconte le réalisateur et scénariste Song Hae Sung. Pourtant, c’est un film extrêmement touchant car il appelle aux sentiments les plus purs et les plus profonds de ces deux personnes : ils n’ont rien pour les « lier », ils ne se sont jamais vus. Les seules choses qu’ils ont en commun, c’est une vie difficile et un mariage factice. Pourtant lorsque tout va mal et qu’ils atteignent un point de non-retour, c’est dans ce mariage qu’ils tirent leur force.
Avec sa réalisation intimiste, le réalisateur sud-coréen signait là en 2001 un film hors-norme qui a su exprimer une histoire d’amour sans véritable contact entre ses protagonistes. C’est un film bouleversant durant lequel on succombe à ces deux personnages victimes d’un monde qui ne les épargne jamais. Alors que l’homme est antipathique et la femme paraît perdue, on finit par comprendre les comportements improbables de ces deux êtres et se prendre d’amour pour eux.

Ce film n’a pas vraiment fait l’unanimité : on pourrait dire qu’il ne va pas au bout des choses, que certains passages ou sentiments sont tirés par les cheveux, ou bien on pourrait ne pas « croire » à cette histoire. Pourtant, à mes yeux le réalisateur parvient avec cette histoire à faire un lien intéressant entre les relations humaines et une sorte de fuite en avant de deux personnes qui veulent échapper à leur vie. Ces deux-là se « retrouvent » dans une histoire d’amour improbable, mais une histoire qui leur permet de tenir jusqu’à un dénouement déchirant.

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