Battleship Island est un film sud-coréen réalisé par Ryoo Seung Wan. Sorti ce mois-ci en France, le film inspiré de faits réels raconte l’évasion d’un groupe de prisonniers retenus dans un camp de travail au Japon lors de la seconde guerre mondiale.
Pendant la colonisation japonaise, quelques centaines de coréens tentent de s’évader de l’île de Hashima, près de Nagasaki au Japon. Ils ont été envoyés dans ce camp de travail par l’armée impériale japonaise qui y commet d’innombrables crimes de guerre. Parmi eux se trouve Lee Kang Ok (Hwang Jung Min), un musicien accompagné de sa fille So Hee (Kim Soo Ahn). Avec eux se trouvent une multitude de personnes aux passés différents, mais tous sont animés par le même désir : s’échapper.
La violence d’une guerre
La seconde guerre mondiale est un sujet sans fin pour les cinéastes de tous poils. La multitude d’événements qui l’entourent ont donné des centaines de films, qu’ils soient de pures fictions ou inspirés de faits réels, aux qualités diverses. Mais s’il y a un sujet qui ne nous est pas familier en occident c’est celui des agissements japonais en Asie. L’armée impériale japonaise a été à l’origine de crimes de guerre terribles, et c’est de ceux-ci que traite Battleship Island. Ce nom, c’est celui qui a été attribué à l’île de Hashima dans l’archipel japonais à une quinzaine de kilomètres de Nagasaki. Il s’agit d’une forteresse qui surplombe une mine de charbon où ont été envoyés des milliers d’habitants de la Chine et de la Corée occupée pour des travaux forcés. Le réalisateur Ryoo Seung Wan raconte cette histoire en y ajoutant une touche de fiction : il imagine une grande évasion de quelques uns de ces prisonniers. Parmi eux on va suivre un père et sa fille, tous deux membres d’un groupe de musique qui s’est retrouvé dans ce camp de travail. Sa fille, malgré son très jeune âge, va découvrir une autre facette, terrible, de cette guerre : les « femmes de réconfort ». Un sujet qui aujourd’hui encore est source de tensions entre la Corée du Sud et le Japon, puisque ces derniers refusent encore de reconnaître l’existence de ce système d’esclavage sexuel mis en place pendant l’occupation. Et c’est un épisode extrêmement dur du film que l’on découvre par les yeux de cette petite fille, une jeune actrice très talentueuse que l’on découvrait il y a deux ans dans Dernier train pour Busan. Battleship Island s’attache donc à des faits historiques, mais il les dépasse rapidement pour offrir un film de guerre très maîtrisé.
Le film va crescendo, de la rafle des futurs travailleurs jusqu’à leur découverte incrédule de la véritable nature de l’île. Alors qu’on leur a annoncé qu’ils iraient travailler et gagner de l’argent, ils deviendront esclaves, et les sévices en tout genre vont vite leur faire comprendre qu’ils n’ont aucune chance de revoir un jour la liberté. Tant par l’interprétation des acteurs que l’excellent travail de Lee Mo Gae sur la photographie, le film nous prend aux tripes et nous emmène dans une histoire extrêmement dure où la brutalité et la cruauté de l’armée impériale japonaise est sans pitié. Le film se concentre sur l’humain et ses sentiments, sur la manière avec laquelle chaque personnage va parvenir à se protéger face aux horreurs. Et le réalisateur Ryoo Seung Wan y parvient avec grâce à sa maîtrise de la caméra et des plans, le film parvenant sans cesse à se renouveler et montrer des choses d’une grande justesse. Épique et toujours humain, Battleship Island offre aussi un final somptueux où la force et le courage des héros, tous et toutes des personnes quelconques, est mis en valeur par une mise en scène spectaculaire. Le film est généreux à l’image, le réalisateur offre plein de pistes au spectateur et une multitude de points de vue sur une situation terrible et sur le dénouement d’une guerre qui aura bouleversé le monde.
Une guerre sans fin
Mais au-delà de l’excellent travail du réalisateur et son directeur de la photographie, c’est aussi les acteurs et actrices qu’il faut saluer. Lee Jung Hyun, qui joue la jeune femme envoyée parmi les « femmes de réconfort » avec la petite est géniale, tant dans la colère de son regard que sa détermination. Celui qui joue le musicien et père de la petite, Hwang Jung Min, impressionne à chaque instant tandis que le célèbre Song Joong Ki est l’un des artisans du superbe final.
On note également la bande son du film qui effectue des aller-retour entre épique et musique d’époque, un folklore qui nous aide à comprendre le contexte de l’époque et l’espoir qui anime ses personnages. L’ensemble fonctionne extrêmement bien et la musique accompagne souvent les scènes les plus importantes du film.
Ryoo Seung Wan est un réalisateur encore méconnu dans nos contrées, loin de la popularité des plus grands réalisateurs sud-coréens. Pourtant il nous propose là un film qui rejoindra sans mal les classiques coréens tant est généreux. Extrêmement politique, il aborde la bravoure, la guerre et ses cruautés avec un recul et une force formidable. Je ne peux que recommander ce film à tous, même si malheureusement son distributeur français ne lui a laissé strictement aucune chance avec une seule copie distribuée, dans une salle parisienne (le Publicis), depuis sa sortie le 14 mars. Espérons que la VOD ou un éventuel DVD/Blu-ray permettra au film d’obtenir une audience plus large dans les prochains mois.