Galveston, une fuite vers des rêves brisés

Après quelques essais à la réalisation et une carrière d’actrice intéressante, Mélanie Laurent s’exile aux Etats-Unis pour nous raconter Galveston, une adaptation du roman de Nic Pizzolatto. Dans une Nouvelle-Orléans sombre et poisseuse, un truand et une femme partent en quête d’un monde meilleur, vers Galveston au Texas.

Roy (Ben Foster), tueur  et endetté, est atteint d’un cancer, il n’a d’autre choix que de suivre les conseils de son boss qui l’envoie vers une affaire puante. Il voit venir le traquenard : son patron l’a doublé et l’a envoyé à sa mort. Il s’en sort péniblement, et avec lui part une jeune femme qu’il a retrouvé sur place. Celle-ci, à peine majeure, s’appelle Rocky (Elle Fanning) et va l’accompagner sur sa route vers Galveston au Texas, tentant d’échapper à ses démons.

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Good ol’ Roy

Galveston est une fuite en avant, celle de deux personnages qui n’ont en commun qu’une même misère sociale. Le crime pour l’un, la prostitution pour l’autre, les deux font leur possible pour essayer de survivre dans une Nouvelle-Orléans qui ne leur laisse pas la moindre chance. Sur leur route, presque à la manière d’un road movie, on va les voir se dévoiler et révéler leurs secrets, leurs peurs et leurs maigres espoirs. L’idée même d’un espoir est réduite à néant par un monde sans pitié, où le milieu social se traduit par une vie faite de crimes et de la recherche d’une sortie de secours. La vengeance est évidemment au cœur du film, car le héros Roy, même s’il est en fin de vie, souhaite soulager ses peines mais surtout offrir un meilleur avenir à la jeune femme qu’il a rencontré en passant. Celle-ci, Rocky, est un exemple de courage alors que la vie ne lui fait aucun cadeau. Leur relation se développe avec sensibilité et est mis en exergue par le formidable travail de Mélanie Laurent. Dans un genre différent, la réalisatrice offre une vision parfois cynique, souvent exquise, d’une Amérique froide et perdue, qui a abandonné ses enfants il y a bien longtemps. Plus que la quête de vengeance, c’est les sentiments et leur mise en scène qui nous intéresse ici, avec un héros qui s’ouvre peu à peu à un entourage étonnant, entre la réceptionniste désagréable d’un motel ou ces voisines de chambre qui vont apporter un soutien inattendu. Mais aussi la découverte de cette jeune femme mystérieuse, Rocky, de sa vie et de sa relation avec sa fille, qui l’accompagne.

On ne manquera pas de noter la formidable prestation de Ben Foster, que l’on a aussi vu récemment dans Leave no Trace, et qui s’épanouit sous la direction de Mélanie Laurent. Dans un rôle qui semble taillé pour lui c’est un Ben Foster touchant, à la sincérité presque innocente, en opposition à la violence de son rôle, qui se présente à nous. Ses désillusions, son espoir qui s’efface peu à peu et son désarroi face aux derniers moments de sa vie deviennent l’épicentre d’une histoire mouvementée, où l’homme est abandonné à ses responsabilités et la résurgence de mauvais choix du passé. Sa relation avec le personnage de Elle Fanning, dont je ne cesserai jamais de dire le plus grand bien, est évidemment captivante tant leurs différences leur permettent finalement de se confondre l’un avec l’autre. Comme s’ils n’étaient que le miroir l’un de l’autre, ils incarnent chacun tous les défauts de l’autre. Rocky est si jeune mais pourtant reproduit les mauvais choix que Roy a fait à une autre époque, tout n’apparaît que comme un éternel recommencement où les personnes changent mais les histoires restent. Roy voit la jeune femme sombrer, et s’il rêve de lui offrir un autre destin, comme s’il s’agissait de ses derniers vœux;, il sait aussi qu’échapper à cette vie de misère est impossible. Ben Foster et Elle Fanning forment un formidable tandem dans ce film tant les deux incarnent avec justesse leurs personnages, avec une harmonie et une alchimie assez fantastique. Une relation empreinte d’affection, presque d’amour, mais surtout d’une grande admiration pour l’autre, ses peines et ses espoirs déchus.

On the road

Pour revenir plus longuement sur le travail de Mélanie Laurent, elle atteint là pour moi une maîtrise qui lui permet de véritablement s’affirmer sous la casquette de réalisatrice. Dans une nouvelle dimension, elle manie ses acteurs avec beaucoup de grâce et leur permet de donner le meilleur d’eux-mêmes. Ben Foster notamment, comme je le disais précédemment, qui s’épanouit réellement dans ce rôle de criminel repenti, tandis que la réalisatrice saisit l’innocente détresse qu’incarne Elle Fanning, dans un rôle qui lui sied à merveilles. Le plan-séquence dans le dernier tiers du film est un exemple de ce que Mélanie Laurent peut se permettre aujourd’hui, une scène qui tranche avec ce qu’elle offrait plus tôt dans Galveston mais qui pourtant marque le point culminant, le moment où toute la colère et le désespoir qui ont gonflé en chaque personnage va exploser au travers d’une scène terrible. La mise en scène est géniale, la maîtrise du plan-séquence est totale et c’est finalement la cerise sur le gâteau que nous offre la réalisatrice, comme une dernière preuve qu’elle a su s’approprier son sujet de bout en bout.

Je dois le dire, j’aimais déjà beaucoup l’actrice Mélanie Laurent, et je fondais de bons espoirs sur sa capacité à s’affirmer en tant que réalisatrice. Après des essais très intéressants, Galveston est un aboutissement et lui permet d’offrir une vision passionnante sur ce nouveau rôle qui s’offre à elle.  Au-delà de ça, elle a eu la chance aussi de s’appuyer sur un duo génial qui se sont investis dans des rôles pas évidents, mais qui ont suffisamment de talent pour véritablement porter un film maîtrisé de bout en bout.

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