Le Gangster, le Flic et l’Assassin, la violence jouissive d’un pur polar coréen

Le cinéma coréen a connu un tournant en France ces derniers mois : fort de sa Palme d’Or, une première pour une production du pays du matin calme, Parasite a agité la critique et séduit les spectateurs, faisant de lui le plus grand succès commercial pour un film coréen en France. Et c’est sur cette dynamique que tente de s’appuyer Le Gangster, le Flic et l’Assassin, dans un tout autre genre, pour conquérir les salles françaises.

Jang Dong-soo (Ma Dong-seok) est un chef de gang victime d’une tentative d’assassinat par un tueur mystérieux. Le policier Jeong Tae-seok (Kim Mu-yeol), convaincu qu’un tueur en série est à l’oeuvre dans la ville de Cheonan où les gangs règnent en maître, se retrouve à faire équipe avec le parrain du gang le plus puissant de la ville.

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L’idiot, la brute et le diable

Le voilà enfin, ce film tant attendu après une projection cannoise qui avait convaincu une bonne partie de la critique à Cannes. Deuxième film seulement du réalisateur Lee Won-tae, il s’agit d’un polar dans la pure tradition coréenne : des scènes d’action d’une intensité folle, des policiers corrompus et pas bien malins, des courses poursuites à pieds dans des ruelles sordides et de la pluie. C’est une recette qui ne cesse de fonctionner, et en y ajoutant le grain de folie d’une réalisation au rythme impeccable et à l’intensité remarquable de la part de Lee Won-tae, on en arrive à un film particulièrement maîtrisé qui nous transporte sans mal dans l’univers de la pègre. Ses scènes d’action sont souvent violentes, terriblement jouissives lorsque la caméra vient accentuer le choc d’un coup porté, ou au contraire montrer le calme implacable d’un chef de gang incarné par un Ma Dong-seok qui déborde de charisme. Je ne cesserai jamais d’exprimer tout mon amour pour cet acteur adepte des rôles de gros durs au grand cœur (et qu’on a découvert en France avec Dernier train pour Busan), futur star d’un film chez Marvel, qui livre là encore une performance terrible dans un rôle de gangster increvable aux costumes particulièrement remarquables. Il forme d’ailleurs un duo plutôt sympathique avec Kim Mu-yeol, l’interprète du flic, pour donner un arrière-goût de buddy movie à un polar dont le sérieux vacille parfois pour offrir quelques scènes humoristiques très bien senties.

Outre la qualité de sa réalisation et cet impact que Lee Won-tae parvient à mettre sur chaque bon mot, chaque coup de tatane distribué par ses personnages, c’est l’écriture du film qui séduit. Un peu à la manière du très bon Hard Day de Kim Seong-hun et son humoir noir grinçant, Le film nous distribue des dialogues particulièrement savoureux entre le gangster et le flic, sans manquer de s’appuyer sur des situations cocasses au regard de leur coopération improbable. L’enquête n’est pas non plus en restes puisqu’on retrouve ce qui fait l’essence des polars coréens, à savoir une police qui tâtonne et un tueur en série à la personnalité aussi effrayante que ses motivations. Le dénouement est facile mais le film parvient à nous tenir en haleine tant les situations sont variées, allant de l’enquête de police la plus classique à des guerres de gangs qui viennent s’interposer dans une quasi course contre-la-montre avant que le tueur fasse une nouvelle victime. Le film brille d’ailleurs par ses nombreux personnages secondaires qui viennent épauler le duo principal, on pense notamment à Kim Gyu-ri dans la police scientifique, ou au bras droit du gangster Choi Min-chul. Le casting est au service d’un réalisateur sûr de ses qualités, dans un grand film de gangster qui fait beaucoup de bien au prolifique cinéma de genre en Corée. S’il reprend beaucoup de ses prédécesseurs, il réussit à peu près tout ce qu’il entreprend, et c’est finalement ce qui le rend si spécial.

Le polar à la coréenne

Car le genre du polar est omniprésent en Corée, et bon nombre de films qui arrivent jusqu’à chez nous entrent dans cette catégorie. Néanmoins le long métrage de Lee Won-tae est à peu de chose près ce qu’on peut espérer de mieux : un film dense, très rythmé, intelligent dans sa manière de mettre en scène l’action et accompagné par une bande-son aussi jouissive que le reste. Pourtant, on pourrait pinailler en disant que l’image -bien que très maîtrisée- reste sans surprise et sans grand risque dans un film qui pour l’essentiel, se contente de reprendre ce qui a fonctionné ailleurs. Mais il est difficile de rester insensible à une photographie aussi efficace, notamment dans les scènes de nuit qui exploitent parfaitement la ville, ses néons et ses rues de débauche. L’opposition entre le faste du gangster et l’apparente simplicité et pauvreté d’un policier parmi d’autre fait évidemment sourire, et rappelle là encore les codes du buddy movie américain qui semblaient trotter dans un coin de la tête du réalisateur.

Collaboration improbable entre un gangster et un flic, le film de Lee Won-tae est un digne héritier d’une longue lignée de très bons polars coréens. Intense et souvent malin, le film nous emmène dans une balade captivante au milieu d’un gang mené d’une main de fer par le génial Ma Dong-seok. Évidemment violent, il n’en reste pas moins d’une finesse terrible et je n’ai aucun mal à le considérer comme un des très bons films de l’année.

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