Irresponsable tire sa révérence. Série estampillée OCS créée par la fratrie Camille et Frédéric Rosset, elle nous racontait les aventures d’un trentenaire loser qui apprend soudainement l’existence de son fils, déjà sur la fin de l’adolescence. J’en parlais il y a trois ans au début de la série (Irresponsable – Saison 1, la maturité à retardement), mais la série a su évoluer et se conclure d’une si belle manière qu’il aurait été dommage de ne pas en dire quelques derniers mots.
Julien (Sébastien Chassagne), son premier amour Marie (Marie Kauffman) et son fils Jacques (Théo Fernandez) vivent des jours paisibles sous le même toit que sa mère. Sans histoire, la petite famille s’installe dans un train-train quotidien qui finit par tout remettre en cause : Marie est désormais thésarde et doute sans arrêt, Julien enchaîne les petits boulots sans avenir et coup de tonnerre, Jacques veut partir à l’autre bout du monde…

Le quotidien impossible
Rien ne va plus dans Irresponsable : Jacques, le fils, veut quitter ses parents et partir à l’aventure en Amérique du Sud avant de se lancer dans ses études supérieures. La famille est bouleversée, l’idée de voir partir l’enfant prodige (ou au moins l’enfant qui les unit) est insupportable pour ses parents. Des parents qui vivotent en couple et avec la grand mère dans un petit appartement, avançant au gré des galères et des petits problèmes de chacun. Le personnage incarné par Sébastien Chassagne, le père qui a eu tant de mal à mûrir, tente enfin de s’affirmer et d’assumer un rôle plus sérieux : il enchaîne les petits boulots, il rêve d’avoir un autre enfant et il semble presque avoir des projets de vie. Cela dit il se heurte rapidement à son incapacité à garder un job, mais aussi au refus de sa chère et tendre interprétée par Marie Kauffman qui ne veut pas avoir d’autre enfant, encore moins à l’heure de bosser sa thèse. Cette ultime saison se lance donc dans un contexte bien différent, c’est l’heure de la maturité, l’heure d’envisager le futur. Mais de cette manière de s’assumer, la série en retire une conséquence : l’angoisse du futur.
La troisième saison tourne autour de cette angoisse, tant pour la mère qui est une thésarde à l’avenir incertain que le père qui enchaîne les petits boulots, tandis qu’ils tentent vainement de s’accommoder du futur grand départ de leur fils. Le futur est inquiétant, il fait même peur lorsque l’on est incapable de trouver des bases solides. C’est un sentiment que beaucoup d’entre nous connaissons, et qui résonnera sans mal chez certains (votre blogueur préféré en premier) qui regarderont cette série à un moment de leur vie où les petits projets de vie ont du mal à se mettre en place. Ce grand bouleversement offre un nouvel élan à Irresponsable qui ne cesse de rebondir grâce à des petites vannes, des petites réflexions qui piquent méchamment pour des personnages qui ne sont jamais vraiment épargnés. Les galères de la petite famille font sourire, émeuvent et laissent à la fin un vrai sentiment de perte : on s’est attaché à tous ces personnages, à leur quotidien et à leurs choix pas toujours bien malins. On est triste de les voir partir, mais Irresponsable s’arrête au bout moment, celui où son héros immature atteint enfin le point où il n’a d’autre choix que de prendre sa vie en main. La troisième et ultime saison rend d’ailleurs un bel hommage à tous ses personnages, comme une dernière longue discussion avant de les laisser partir s’occuper de leurs vies paisiblement. Et puis, voir François Rollin et Sébastien Chassagne jouer au jeu de la barbichette c’est quand même un grand moment de télévision.

Une dernière balade à Chaville
Le réalisateur Stephen Cafiero ne cesse d’observer les personnages imaginés par Camille et Frédéric Rosset avec une tendresse formidable. Sa caméra capture ces personnages ancrés dans leur temps, s’amusant du banal du quotidien, de leurs petites histoires qui prennent des proportions monstrueuses parce qu’on est à la télé. La série se paie même le luxe de s’offrir quelques moments franchement inspirés, comme cet épisode sur le meilleur pote policier, qui semble déprimé par son quotidien sans folie. Irresponsable joue dans la cour des grands avec une mise en scène qui profite de chaque recoin de Chaville pour accentuer cette proximité avec les téléspectateurs. La plupart n’auront sûrement jamais mis un pied là-bas, mais on n’a pas de mal à reconnaître cette petite ville française qui ressemble à beaucoup d’autres. La fin de la série a cet effet assez connu et fréquent pour des séries auxquelles on s’attache : on a le sentiment de voir partir une bande de potes, des gens quelconques aux petites histoires qui ont animées nos soirées, jusqu’à ce que l’on doive passer à autre chose et continuer nos vies chacun de notre côté.
On a vu mûrir pendant trois ans ce trentenaire un peu gauche, parfois dépité face à des choix de vie douteux qui évoquent des souvenirs dont on n’est pas toujours fier. Mais Irresponsable a toujours su l’aborder avec une tendresse débordante, à tel point que les déboires de sa petite famille deviennent l’intense intrigue d’une ultime saison qui ressemble à une dernière balade à Chaville, un lieu devenu si familier. Je n’ai pas eu l’occasion de citer Théo Fernandez dans cette critique, mais il est évidemment un pilier de cette série où son personnage à l’air blasé est au centre de toutes les attentions.