Halloween et l’envie de se faire peur

Halloween arrive bientôt : fête finalement assez jeune dans nos contrées, elle s’impose comme un événement que les uns et les autres ne manquent pas d’exploiter. Bonne raison de faire la fête pour de vendre des produits, la culture et le culte de l’horreur font souvent bon ménage. L’occasion pour moi de surfer sur la vague des tendances et de vous proposer quelques moments de frayeurs au travers du cinéma, des jeux vidéo et des comics, afin de passer votre soirée d’Halloween dans les meilleures conditions.

Cinéma et horreur sont intimement liés : Georges Méliès, illusionniste et un des pionniers du cinéma essayait déjà de faire peur aux spectateurs avec quelques courts métrages alors que le cinéma n’en était qu’à ses balbutiements à la fin du XIXè siècle. Au fil des années, les histoires horrifiques se sont multipliées et le genre a connu son apogée autour des années 1980 avec les films de John Carpenter par exemple. Celui qui est considéré comme un des rois de l’horreur a participé à populariser un genre qui n’a été que très rarement pris au sérieux. On lui doit notamment Halloween en 1978, qui au-delà de ses innombrables qualités est considéré (à tort, et j’y reviendrai plus loin) comme le premier film de « slasher », un sous-genre de l’horreur où un tueur en séries s’en prend méthodiquement à un groupe de personnes. Puis vint ensuite des films plus mystérieux, plus sombres à base de mythes et de fantômes, de monstres improbables et poupées meurtrières : tout est bon pour faire peur, et l’horreur est à l’affiche pratiquement tous les mois au cinéma.
Je dois vous l’avouer, le genre de l’horreur ne m’a jamais vraiment captivé : de nature peu courageux face aux jump scares en série et demoiselles possédées par le diable, j’évite soigneusement la plupart des films qui s’en rapprochent. Si vous vous étonniez de n’avoir lu sur ce blog aucune critique du reboot du célèbre Ça, vous avez désormais l’explication. Pourtant, un certain nombre de films d’horreur m’ont plu ces derniers temps et c’est l’occasion pour vous en parler.

Maman, j’ai peur

Comme je le disais plus haut, Halloween de Carpenter n’est pas le premier slasher, et on peut même dire qu’il reprend l’essentiel de la recette posée quatre ans plus tôt par Bob Clark et son Black Christmas. Alors attention, je parle du film de 1974, et pas de l’ignoble remake de 2006 que je ne recommanderai pas à mon pire ennemi. Ce film canadien se déroule à la période de Noël, dans une résidence étudiante pour filles où elles reçoivent de mystérieux coup de fil. D’abord inquiétants, ceux-ci se révèlent rapidement sordides avec un interlocuteur semble-t-il extrêmement dérangé et obsédé : si elles croient à une mauvaise blague, les choses tournent rapidement très mal.
Black Christmas est un film intéressant car il pose tous les éléments que l’on retrouvera par la suite dans les slashers. Souvenez-vous de cette scène d’ouverture de Halloween, plébiscitée à l’époque pour son ingéniosité : le spectateur était plongé dans les yeux du tueur, à la première personne, alors que celui-ci n’était qu’un enfant et commettait son premier meurtre. C’est un procédé déjà utilisé par Black Christmas qui s’ouvrait sur une scène similaire, à la première personne, plaçant le spectateur dans la menace immédiate d’un tueur qui s’introduit dans cette immense maison, observant ses proies. Une scène décisive, même fondamentale pour placer l’ambiance d’un film extrêmement malsain et dérangeant, où la menace n’est jamais matérialisée mais reste constamment dans la tête, presque dans les yeux du spectateur. La caméra devient le chasseur et le spectateur sort de son rôle : il incarne le tueur. Un procédé absolument terrible et convaincant, que l’on n’a que très rarement retrouvé par la suite à cause de films qui se limitaient à l’hommage à Black Christmas, au travers d’une scène à la première personne, avant de finalement montrer le tueur. Comme dans Halloween.
Au-delà de ça, le réalisateur Bob Clark parvient astucieusement à éviter le second degré devenu inhérent au genre qu’il a créé involontairement, en restant dans une atmosphère inquiétante, à l’image de sa scène finale qui fait froid dans le dos. Alors Black Christmas n’est pas un film forcément terrifiant : au contraire de ceux qui ont repris sa formule par la suite, il ne se focalise pas sur des jump scares et ne cherche pas non plus à mettre le spectateur en position de victime. Au contraire comme je le disais précédemment, il nous place dans la position du tueur et c’est ce qui le aussi violent dans son approche de l’horreur. Et je regrette que le sous-genre qu’il a créé, le slasher, n’ai pas repris cet élément : c’est ce qui faisait la force du film et lui donnait une dimension vraiment à part. On a souvent considéré Halloween comme le créateur du genre car en effet, il se focalise sur ce qui a été repris par des centaines de films ensuite (un tueur froid, méthodique, un groupe de personnes, assassinés un par un…) et abandonne directement cet aspect malsain du film de Bob Clark.

Récemment, j’ai également vu The Babysitter, une comédie horrifique sortie sur Netflix ce mois-ci. Il raconte l’histoire d’un adolescent harcelé par ses camarades de classe, extrêmement naïf et qui a besoin à 12 ans d’une baby-sitter. Leur relation est particulière, car elle est la seule à l’accepter tel qu’il est, jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle s’adonne à des rituels sataniques après l’avoir mis au lit.
Dans la mesure où il est « l’héritier » de Black Christmas, j’ai trouvé ça plutôt amusant de les mettre en perspective et trouver ce qui les rapproche. En effet, le film réalisé par McG s’amuse des codes du slasher et renverse la dynamique. A bien des égards, on peut le considérer comme l’anti-Black Christmas. D’abord on y retrouve des éléments du film de 1974, comme les scènes à la première personne, la police impuissante et la victime piégée dans une immense maison. Mais le réalisateur s’amuse aussi des codes du genre pour révéler des éléments de son film : très tôt on a droit à une scène à la première personne, dans les yeux de l’enfant, la victime du film. Mais cela semble constituer un indice sur la suite des événements : s’il restera quoiqu’il arrive une victime, ici on n’a pas un tueur mais une pluralité de tueurs qui vont tomber les uns après les autres dans des morts à chaque fois un peu plus atroces. Un procédé étonnant qui fait pratiquement du garçon le « tueur méthodique » du genre du slasher, une excellente idée qui fait de The Babysitter un film plutôt drôle et bien pensé. Je vous le recommande donc chaudement, ça vous fera passer une heure et demi de grand n’importe quoi qui sort du cadre un peu trop souvent sans idées du film horrifique.
Bon, on notera aussi qu’on peut interpréter The Babysitter comme une parodie horrifique de Maman, j’ai raté l’avion : à chacun son école. Dans tous les cas, The Babysitter est un film inspiré, sans grandes prétentions mais qui fait très bien son job.

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Enfin et pour conclure sur le cinéma, j’ai beaucoup aimé l’année dernière le film sud-coréen The Silenced, désormais disponible sur Netflix sous le titre Disparues. Si je ne m’étendrais pas longtemps sur ce film étant donné que vous pouvez aller lire la critique que j’en ai fait sur ce blog l’année dernière, je dois dire avoir apprécié ce film parce qu’il s’inspire d’un autre penchant de l’horreur dont je suis (parfois, dans un élan courageux) friand. C’est celui du fantôme asiatique, souvent représenté par une femme à la peau blanche et aux longs cheveux noirs. Popularisé par des films japonais tels que Ju-On, ce fantôme tout droit sorti de la mythologie japonaise a provoqué l’inspiration chez des dizaines de réalisateurs qui ont su lui inventer toutes sortes d’histoire, laissant libre court à leur imagination. Un bon support pour faire un film terrifiant (sérieux, regardez Ju-On et osez me dire que vous n’avez pas eu peur) avec un personnage charismatique.
Si le film The Silenced/Disparues s’écarte finalement du genre dans son dernier tiers (rendant son final terriblement décevant par ailleurs), il offre quelques bons moments et s’installe dans un cadre original (l’occupation japonaise en Corée du Sud) qui le distingue de la masse de films d’horreur.

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C’est qui cette petite fille ?

En termes d’horreur les jeux vidéo ne sont pas en reste : les procédés qui fonctionnent au cinéma ont aussi leur succès avec les manettes. Jump scares, créatures monstrueuses et délires malsains, le jeu vidéo nous a proposé toutes sortes de licences aux identités bien marquées qui se sont vendues par palettes à des joueurs avides de sensations fortes.
Et une fois n’est pas coutume, l’horreur ne m’est pas plus supportable une manette en main : à vrai dire, c’est pas loin d’être pire. Le jeu vidéo pousse le joueur à une implication différente du spectateur, et je dois avouer que passer des dizaines d’heures dans la ville fantôme de Silent Hill 2 et son horrible sirène annonçant les ennuis (un son qui me donne encore des frissons), c’est une expérience traumatisante que je renouvellerai pas. Je crois que je préfère encore revoir l’adaptation cinéma qui en a été faite, un très bon film d’horreur dont je parlerais peut-être un jour dans un autre article.

 

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Pourtant, force est d’avouer que quelques jeux d’horreur ont marqué l’histoire du jeu vidéo. Par exemple les Resident Evil ou encore une fois les Silent Hill sont des monuments à côté desquels il est difficile de passer : leurs créateurs ont imaginé des choses qui n’avaient jusque là jamais eu leur place dans ce média, et l’ont révolutionné de bien différentes façons. Mais si un jeu m’a bien marqué, pour son aspect ludique mais également pour le traumatisme qui s’en est suivi, c’est F.E.A.R.
Jeu de tir sorti en 2005 sur PC, le jeu nous mettait dans la peau d’une troupe d’élite qui enquête sur tous les événements paranormaux. Les membres de cette unité vont toutefois tomber sur quelque chose qu’ils ne croyaient jamais voir : l’horreur, la vraie. Au détour d’une intervention qui devait être assez classique, ils vont tomber nez à nez avec ce qui semble être un fantôme, terrifiant, qui va décimer tous les membres de l’unité l’un après l’autre. Ce fantôme c’est une petite fille en robe rouge, en apparence inoffensive mais qui va hanter vos nuits.
Au-delà de son histoire capillotractée mais néanmoins accrocheuse (sérieux, c’était passionnant à suivre !) le jeu se révélait terrifiant par son ambiance terriblement malsaine. Traverser des salles tapissées du sang de nos coéquipiers était fréquent, et lorsque les lumières se mettaient à clignoter on ne faisait pas les fiers. La tension montait peu à peu d’autant plus qu’il n’y avait jamais d’affrontement direct avec ce fantôme : elle nous suivait partout (à la limite de la crise cardiaque cette fois où j’ai fait demi-tour avec mon personnage et l’ai vu, me fixant, de l’autre côté d’une fenêtre…) et semait notre chemin d’obstacles en tout genre, ou nous aidait, selon son humeur. Néanmoins, et c’est là que les développeurs ont été malins : ses apparitions étaient très limitées. Souvent annoncées par une ambiance qui s’apaisait, celle qui incarne le mal ne venait que de temps à autres, sa présence était le plus souvent supposée. C’est finalement un procédé assez similaire avec le film Black Christmas dont je parlais plus tôt : le « Mal » est constamment présent mais on ne l’observe pratiquement jamais. Mais F.E.A.R. c’est aussi un jeu que je pourrais utiliser pour une chronique « un jeu, une histoire » : si on parvenait à supporter son ambiance glauque et malsaine, c’était une œuvre qui donnait une véritable leçon à tous les jeux de tir de l’époque (et d’aujourd’hui) grâce à l’intelligence artificielle des ennemis. Ceux-ci étaient extrêmement intelligents dans leur approche des combats et ne cessaient de surprendre le joueur : certains en parlent d’ailleurs encore comme l’une des meilleures IA du jeu vidéo.

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Pour recoller aux slashers dont je parlais plus haut, j’ai aussi beaucoup apprécié Until Dawn en 2015 sur Playstation 4. Véritable film interactif où l’essentiel du gameplay se résumait à faire des choix, il mettait le joueur au défi de faire survivre un groupe de jeunes partis s’amuser dans une vieille maison de famille au milieu de nulle part. Les choses partent vite en vrille à cause de la présence d’un tueur, et en reprenant les codes du genre le jeu se révélait très convaincant : d’abord pour les personnages qui étaient incarnés par de véritables acteurs modélisés en 3D pour l’occasion, mais aussi pour son histoire à embranchements qui poussait le joueur à faire des choix décisifs très régulièrement. Certains étaient difficiles à faire, encore plus sous la pression de l’ambiance, et je me suis pris au jeu avec plaisir. Bon, uniquement le midi par temps clair et avec du monde à la maison, parce que c’était quand même flippant.

Enfin, dans un genre totalement différent et qui s’éloigne de l’horreur « cinématographique » il y a eu Oxenfree l’année dernière : je n’y ai joué que le mois dernier et j’y ai pris énormément de plaisir. Ce jeu narratif indépendant place le joueur au milieu d’un groupe de jeunes gens partis s’amuser sur une île où se trouvent divers bâtiments abandonnés. Bien sûr c’était une mauvaise idée et il s’y passera des phénomènes paranormaux inquiétants. Si le jeu n’est pas effrayant à proprement parler, le mystère qui entoure ces phénomènes et la direction artistique très inspirée (voir la troisième image ci-dessous) donnent une ambiance plutôt flippante et d’un excellent goût : on découvre pas à pas l’histoire d’une île et de ses habitants, un passé tortueux qui va mener sur une conclusion géniale.

Bon, maintenant on va se calmer hein ?

Bien sûr le cinéma et les jeux vidéo ne sont pas les seuls médias à s’intéresser à ce mouvement horrifique : la littérature a commencé bien avant tout le monde, et les BD et autres comics eux profitent de leurs images pour mettre en scène les pires peurs des uns et des autres.
Si je dois recommander quelques comics à l’occasion d’Halloween, ce sera assez difficile de sortir des stars du genre : Locke & Key par exemple a acquis une popularité assez conséquente grâce à son histoire horrifique tournant autour d’une maison aux nombreuses clés, chaque clé permettant à ses protagonistes, des frères et sœurs qui tentent de se reconstruire après le meurtre de leur père, d’accéder à des mondes incroyables. Avec un démon en toile de fond, ils explorent toutes les facettes d’une maison fantastique aux inspirations lovecraftiennes alors que la vérité derrière la mort de leur père semble étroitement liée à cette maison. Une excellente lecture pour qui aime l’univers de Lovecraft, mais aussi parce qu’il s’agit d’une série de comics extrêmement bien menée par l’auteur Joe Hill, fils de Stephen King, qui à l’image de son père manipule à la perfection ses lecteurs pour les embarquer dans des pensées et histoires souvent dérangeantes.

En outre est sorti récemment dans nos contrées le comics Batman : La Nuit des Monstres aux éditions Urban Comics. Placé dans l’univers du Chevalier noir, la ville de Gotham est prise d’assaut par des monstres terriblement laids alors qu’une tempête s’annonce sur la ville. Crossover qui a eu lieu dans les comics Batman, Nightwing et Detective Comics l’année dernière, les différents numéros sont ici réunis en un tome d’une histoire assez sympathique où les quelques héros de l’univers de Batman se réunissent pour affronter les horreurs que le vilain Hugo Strange a fait déferler sur la ville. Alors on est loin des meilleurs comics du justicier, mais force est d’avouer qu’en « comics popcorn » cela passe très bien : à l’image d’un bon film d’action, le lecteur est plongé dans une nuit d’horreur en compagnie de ses héros qui se trouvent rapidement dépassés par les événements alors qu’ils tentent de trouver un remède à ce qui semble transformer les cadavres en monstres. Une sorte de Nuit des morts-vivants à la sauce super-héroïque, c’est efficace et très divertissant.

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Et parce qu’il fait partie de mes relectures du moment, je ne peux que vous conseiller les comics Preacher. Si vous avez découvert la licence avec la série (qui est tout aussi recommandable), les comics eux vous emmènent vers des endroits beaucoup plus sombres et violents, parfois même terrifiant. A l’image de l’antagoniste de la fin du premier livre (selon la réédition de 2015 chez Urban Comics) qui se révèle être une abomination : tout ce qui constitue le contraire de la morale et de l’humanité, cette personne est fabuleuse par son horreur. Si Preacher n’est évidement pas à classer dans les comics « d’horreur », ses incessants flirts avec le diable et sa galerie de personnages tous plus dingues les uns que les autres font qu’il me semble tout à fait possible de le conseiller en période d’Halloween. Preacher c’est une sorte de comédie au sein de l’horreur, une histoire irrévérencieuse qui se moque sans retenu d’un monde brisé.

Conclusion

Et bien, cet article est bien plus long que je ne l’imaginais. L’horreur est une source d’inspiration inépuisable pour la culture : avec ses nombreux sous-genres, elle permet aux auteurs de se lâcher dans des histoires sans foi ni loi où le « Mal » prend le dessus sur le « Bien », où les antihéros deviennent la norme et où l’on s’amuse de la mort. Si je suis relativement réticent au cinéma d’horreur qui n’est que trop rarement pris au sérieux par ses créateurs, je dois noter que certains films ont apporté des idées vraiment intéressantes et ont su sortir du carcan imposé par les codes du genre afin de s’amuser de la société, de ses personnages ou encore du genre en lui-même. J’aurais pu citer Get Out par exemple qui ne m’a pas vraiment convaincu, mais qui a eu le mérite d’aborder le genre sous un angle extrêmement intéressant avec un réalisateur qui a tenté de dépasser le simple statut de film horrifique pour raconter quelque chose. Pour ce qui est du reste, l’horreur est également un bon moyen de proposer du divertissement sympathique en cette période d’Halloween, seul dans le noir ou en compagnie de ses fidèles compagnons.

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