Parmi les naufragés de la situation sanitaire, en voilà un que l’on n’attendait pas forcément. Space Sweepers était annoncé il y a quelques années, il ne s’agissait que d’un obscur projet où le réalisateur Jo Sung-hee et l’acteur Song Joong-ki devaient se retrouver après leur travail sur A Werewolf Boy. Rapidement présenté comme le premier blockbuster de science-fiction Coréen, le film voyait les choses en grand avec un casting alléchant et un budget conséquent. Prévu pour une sortie en salles en 2020, la baisse de fréquentation des cinémas pourtant toujours ouverts a eu raison de cette idée, alors la production a finalement préféré se tourner vers Netflix pour une sortie mondiale simultanée.
En 2092, la Terre est devenue inhabitable, saccagée par des années de surexploitation de ses ressources. L’air y est devenu irrespirable, la flore a disparue, et quelques privilégiés ont eu la possibilité de s’envoler vers les étoiles où une station spatiale leur permet de vivre. Les autres doivent se débrouiller, comme cet équipage d’un vaisseau-poubelle nommé Victory, qui récupère les débris de valeur qui traînent dans l’Espace, avec l’espoir de pouvoir les revendre à bon prix.

Un space opera référencé
Marotte du cinéma de science-fiction, le space opera revêt de nombreuses formes mais a une particularité : il est presque constamment produit outre-Atlantique. Alors la curiosité était immédiatement de mise lorsque j’ai appris que Jo Sung-hee allait s’y tenter dans une superproduction Coréenne, bien que son A Werewolf Boy n’a pas laissé un souvenir impérissable. Evidemment le film n’a pas les mêmes prétentions que d’autre, mais il dispose tout de même d’un budget assez gigantesque pour le cinéma local, bien que minuscule à l’échelle du blockbuster mondial –20 millions de dollars, ce n’est que le cachet d’un Robert Downey Jr. dans Avengers. Néanmoins Space Sweepers voit les choses en grand et imagine un monde Blade Runneresque, en dévoilant une ville sur Terre complètement polluée, dans laquelle il faut se battre pour « mériter » une chance de trouver mieux. C’est ainsi que l’équipage d’un vaisseau-poubelle, une femme mystérieuse, deux hommes aux passés bien différents et un robot cynique, partent en quête chaque jour de débris spatiaux qu’ils pourraient revendre à bon prix. La plupart du temps à peine de quoi remettre du carburant dans le vaisseau, et de se nourrir du peu qu’ils peuvent se procurer. C’est un univers dystopique très classique, avec son grand méchant d’une corporation au plan diabolique, mais c’est surtout un monde dense et cohérent, qui emprunte autant aux classiques de la science-fiction qu’à l’ambiance d’un Firefly. Il y a, aussi, une forte composante internationale avec des équipages nombreux, des origines variées et un accent mis sur la diversité des langues. Un vrai bon choix pour la cohérence globale, puisque Space Sweepers n’imagine pas un futur où tous les peuples parlent magiquement tous l’Anglais. Du Coréen au Français, les stations qui accueillent les humains tentent plus ou moins de représenter les populations qui vivaient autrefois sur Terre.
Ce qui impressionne tout particulièrement avec le film, c’est la qualité de ses effets spéciaux. Malgré son tout petit budget, il parvient à offrir des scènes crédibles dans l’Espace, y compris lorsque l’action s’emballe et que les courses poursuites s’enclenchent. Un tour de force quand on repense à l’ignominie visuelle qu’était Peninsula dernièrement, même si les artistes qui ont travaillé sur Space Sweepers ont eu recours à bon nombre d’artifices pour masquer les limites techniques et contraintes du budget. Leur ingéniosité permet au long métrage d’offrir quelque chose de plaisant visuellement, et c’est loin d’être anecdotique pour un film de genre. D’autant plus qu’il peut compter sur un travail intéressant du chef opérateur Byun Bong-sun, dont la côte ne cesse de monter en Corée, avec une photographie soignée qui emprunte là encore parfois à Blade Runner. Il n’hésite toutefois pas à imprimer son propre style, que l’on découvrait à l’époque dans le très réussi La Frappe (ou Bleak Night) en 2011. Tout cela donne à Space Sweepers un univers visuel intéressant, parfois attendu tant le film fait référence à ses prédécesseurs, mais toujours cohérent et plein de bonnes idées.

Trop classique, très attachant
Tout cela s’oppose toutefois à une intrigue classique et légère, presque dispensable, bien que des rebondissements apportent à mi-chemin un ton plus dramatique et magnifie les enjeux. L’essentiel repose sur la caractérisation de ses personnages, souvent attachants malgré les clichés qu’ils incarnent. Il y a surtout une belle alchimie au sein du groupe, célébrée par une distribution intéressante. On ne peut évidemment pas passer à côté de Kim Tae-ri, révélée au monde entier par son incroyable performance dans Mademoiselle en 2016, ainsi que de Song Joong-ki, qui est l’un des acteurs coréens les plus en vue du moment (Descendants of the Sun, Battleship Island). Les deux s’intègrent plutôt bien à ce groupe d’aventuriers de l’espace où personne ne sort véritablement du lot, dans une histoire qui mêle le dramatique à l’épique. On peut quand même reprocher quelques longueurs pour un film qui aurait gagné à dévoiler ses idées plus rapidement, ou qui aurait même pu affirmer son identité musicale de manière plus marquée.
Space Sweepers n’a rien de révolutionnaire, encore moins d’inattendu, mais il réussit plutôt bien tout ce qu’il entreprend. Jo Sung-hee intègre très bien les codes du space opera occidental en y ajoutant sa touche personnelle, avec une légèreté de façade qui prend vite une tournure plus dramatique. La réussite du film se situe surtout du côté de l’ambiance visuelle, mais aussi sur le petit groupe d’aventuriers qu’il raconte.
Bon jour,
Article intéressant.
J’ai vu le film. Ce qui manque : le visionner sur grand écran.
Quoi qu’il en soit, j’ai bien aimé l’ensemble même si l’on reprend toujours les mêmes ingrédients : des anti-héros, les bons et le méchant, sauver la Terre … mais un scénario sympa …
Max-Louis
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